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ancien. C ’efl par ces développcmens du fentlmen't
&C Je ia penfee, lorfqu’ils font J leur place, que nos
b e l l e s o n t tant d’avantages à la leflurefur
toutes celles qui ne/ont qu’en inouvemens & en
tableaux. La tragédie cjî faite pour éde reprèfcncée,
nous cUient ceux qui ne favent pas écrire ou qui ne
favent pas /ire. On peut leur répondre que fi les ef-
prits font éclairés en meme tems qu’ils font émus,
li après querillufion & l’émotion théâtrale ont cefî'é,
le /pcüateur s’en va la tere pleine de grandes chofes
grandement exprimées, la tragédie, n’en vaut pas
moins. On peut leur répondre que Cinnu, Polieuéîey
Phedre ^ Britarmicus, Zaïre &L Mahomet perdent
rien à être reprclentés, quoiqu’ils foient faits aufll
pour être lus ; & que le Cid n’en eut que plus de
gloire, lorlqu’après lui avoir donné tant de larmes
à ia repréfentation, tout le monde le fut par coeur.
L’autre queftion cil de favoir pourquoi, dès fon
origine chez tous les peuples du monde, la tragédie
a parlé en vers.
Il ell bien fiir que de tous les genres de poéfie, le
dramatique ell celui qui paroît le mieux pouvoir fe
palier de cet ornement accelfoire, par la raifon que
dans la chaleur du dialogue & de l’atlion , l’ame ell
allez émue, ou par la vivacité du comique, ou par
la véhémence du tragique, pour ne rien defirer de
plus ; &C pourvu que rorcille ne foit pas offenfée,
c’en ell allez : un femiment plus cher que celui de la
mélodie nous occupe dans ce moment. Aulîi voit-on
que la comédie réiilfit en profe comme en vers ; &
dans les feenes comiques de VAvare ou du Bourgeois
Gemilhornrne, on ne penfe pas même que ce dialogue
fl naturellement écrit, ait jamais pu l’être autrement.
On voit de même que dans les tragédies
vraiment pathétiques, & mal verfifiées, comme
Incs^ ce défaut n’cll pas apperçu; & je ne doute pas
qu’//;èi écrite en proie, n’eCit réulfi de même.
Les anciens avoîent reconnu que la poéfie dra-
maiique exigeoit un langage plus naturel que le
poeme lyrique & l’épopée, & ils avoient pris pour
la feene celui de leurs vers dont le rithme appro-
choit le plus de la profe. Ceux qui, comme moi, ont
le malheur de ne lire Euripide 6c Sophocle que dans
de foibles traductions, fentent très-bien que le charme
& rcllet des feenes touchantes ou terribles ne
tient pointàrharmonieduvers,&:un.eprofe comme
étolt celle de Platon ou d’ Ifocrat.e, déThucidide ou
de Démofthene , eût ires-bien pu y ftipplécr.
Pourquoi donc tous les poètes Grecs s’éioient-lls
accordés J écrire en vers la tragédie? L’ufagereçu,
l’habitude, un goût de prédileélion pour cette cadence
régulière, la facilité de la langue à s’y prêter,
Panalogie à conferver entre la feene récitée 6c le
choeur qui étoit chanté , la mélopée ou la déclamation
théâtrale qui étoit elle-même une efpece de
chant, feroient des raifons fuffifantes de cette préférence
que la tragédie avoir donnée aux vers fur la
profe; mais la comédie , le plus libre de tous les
poèmes, le plus approchant de la nature , n’auroit-
elle pas dû s’en tenir au langage le plus naturel ?
Dans les bouffonneries d’Ariftophane, dans fes farces
groflieres, il feroit bien étrange qu’on eût cher-
chéTe plaifir délicat de la cadence & de la mefure.
La poéfie dramatique en général avoit donc quel-
qu’autre avantage à s’impofer la contrainte du vers,
6c cet avantage étoit commun à l’oreille & à la mémoire
: c’éroit pour l’une l’autre un befoin plutôt
qu’un plailîr.
La plus grande incommodité des grands théâtres,
eft la difficulté d’entendre ce qui ell prononcé de li
loin. La bouche des mafques en porte-voix 6c les
vafes d’airain qu’on avoit placés dp maniéré à réfléchir
le fon prouvent le mal par le remede. Or
les vers dont la mefure eft connue, 6c auxquels
l’oreille ell habituée , donnent la facilité de fuppléer
ce que l'on n’entend pas, ou de corriger ce que l’on
entend mal. Lefeulelpace du mot l’indique, & l ’au-
diieur remplit le vuidc des fons qui lui font échappés
: il en ell de même pour la mémoire. Ainli, foie
pour entendre les paroles, foit pour les retenir, la
marche régulière dit vers étoit d’un grand l'ccoiirs ,
6c cela feul l’eût faitpréférer à la proie.
Dans nos petites lalles de fpcélacles, la difficulté
n’eft pas ii grande pour l'oreille, mais elle c illa
même pour la mémoire, & c’en feroit affez encore
pour (|u’on donnât la préférence aux vers, dont im
hémidiche amene l'autre, 6c dont la rime feule nous
rappelle le fens. \ 'erü &• R i m e , Suppl.
Dans la comédie, oii il y a communément peu de
chofe à retenir, on a etc difpenfé d’écrire en vers;
mais dans la tragédie , dont les détails font précieux
à recueillir 5: inrerelfans û rappcller, le vers a paru
necefiaire. Ün difimgue meme parmi les comédies
celles qui meritoient d’être écrites en vers, comme
le Mifaitthrope , le Tartufe, les Femmes favantes, le
Méchant, la Métroiiuinie, 6c celles qui n’auroient rien,
perdu à être écrites en profe, comme XEtourdi, le
Dépit amoureux, VEcole des femmes, X Ecole des
maris. \\ en ell de même chez les anciens: on fenr
qu’Ari'lophane 6c Plaute n’avoient aucun befoin de
la mei'ure de l'ïambe; on feni que Térence 6c vrai-
femblablement Ménandre fon modèle, aiifoient beaucoup
perdu à ne pas exprimer en vers tantde détails
fi délicats , fi vrais, que l’on aiineà fe rappeller.
Mais il y a une raifon plus intéreffianre pour les
poètes d’écrire envers la tragédie, 6c quelquefois la
comédie , 6c cette raifon étoit la même pour les anciens
que pour nous. Tout n’efl pas egalement v if
dans le comique, dans le tragique tout n’ell pas 黫-
lement palfionné. Il y a des éciairciffieniens, des dé-
veloppemens , des paffages inévitables d’une fitua-
rion à l’autre ; il y a des récits, des harangues, des
délibérations tranquilles, en un mot des momens de
calme, où n’étant pas allez ému par l’intérêt de U
chofe, l’ame demande à être occupée du charme de
l’expreffiion pour ne pas ceffer de jouir. C ’ell alors
que le coloris de la poéfie doit enchanter l’imagination,
que l’harmonie du vers doit enchanter l’ordlle,
6c c’efi un avantage que Racine Sc M. de Voltaire
ont très-bien /enti, Ôcque Corneille a méconnu. Les
pièces de Racine les mieux écrites font les plus foibles
du côté de l’aêlion, comme Athalit 6c Bérénice.
Dans M. de Voltaire, comme dans Racine, les
feenes les moins pathétiques font celles où il a le
plus foigneufement employé la magie des beaux
vers. Voyez le premier a£le de Brutus, voyez la
feene de Zopire 6c de Mahomet, voyez les feenes
de Céfar 6c de Cicéron , dans Rome Jauvée ; voyez
de même l’expofulon A^Baja^et, la grande feene de
Mithridate avec fes deux fils, & celle d’Agripine
avec Néron , dans le quatrième a£le de Briiannicus.
Corneille a auffii des feenes tranquilles de la plus
grande beauté ; c’étoit même là fon triomphe.
Mais obfervez qu’il y étoit porté par la grandeur de
fon objet, & que toutes les fois qu’il n’a que des
chofes communes à dire , il femble dédaigner le
foin de les parer 6c de les ennoblir. Racine 6c M. de
Voltaire n’ont rien de plus foigné que ces détails
ingrats ; :1s fement des fleurs fur le fable. Corneille
ne fait jamais de fi beaux vers que lorfqne la fitiia-
îion l’inl'pire, 6c qu’elle s’en pafferoit: des <(ue fon
fujet l’abandonne, il s’abandonne aulîi lui-même, 6c
i! tombe avec fon fujet. Les deux autres, tout au
contraire, ne s’élèvent jamais fl haut par l’expreflion,
que lorfque la foibleffie de leur fujet les avertit Je
fe fouîenir 6c d’employer leurs propres forces. Tel
eff le grand avantage des vers.
Mais à cet avantage on oppofe le charme de la
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vérité & du naturel, qu’on ne fauroit difputcr à la
proie. Dans aucun pays du monde, di[-on , dans aucun
terns les hommes nom parlé comme on les fait parler
fur la feene; les vers font un Langage fteiiee & m.z-
niéré: j’en conviens; mais efl-ce la vérité toute nue
qu’on cherche au théâtre.^ On veut qu’elle y foit
embellie, & c’eff cet embellifl'cmenî qui en fait le
charme 6c l’attrait. On fait qu’on va être tromjic, 6c
l’on efl dilpofc à l’être, pourvu que ce foit avec
agrément & le plus d’agrément pofîible. C ’efl donc
ici le moment de fe rappeller ce que j’ai dit de l’iliu-
fion ; elle ne doit jamais être complette ; ôc li elle
i’étoit, le l'peélacle tragique feroit pénible 6c douloureux.
Les acceffoires de l’aélion en doivent donc
tempérer l’effet: o r , l’un des accefl'oires qui tempèrent
l’illufion en mêlant le menfonge avec la vérité ,
c ’ell l’artiflee du langage , artifice materiel qui n’cit
lenfible qu’à l’oreille, & qui n’altere point le naturel
de la penlée & dufentiment: car au fpeclacle il
faut bien oblérver que tout doit être vrai pour l'ef-
prit 6c pour l’ame, 6c que le menfonge ne doit être
lenfible que pour l’oreilte 6c pour les yeux. Il en ell
donc de la forme des vers comme de la forme du
théâtre, les yeux 6c les oreilles font avertis par-là
que le fpeélade ell une feinte, tandis que refprlt
6c i ame fe livrent à ia vrailemblance parfaite des
fituations, des moeurs, desl'entimens & des peintures.
Quelle efl donc en nous cette duplicité de
perception } C’eil une énigme dont le mot ell le fe-
ciet de la nature ; mais dans le fait rien de plus réel.
Voy e { Illusion, Suppl.
J’ai déjà tait Icntir combien la différence des deux
théâtres ell à l'avantage du nôtre du côté de la dé-
clamation 6c de l’aclion pantomime. Chez les anciens,
les accens de la voix, l’articulation , le geffe
tout devoir erre exagéré. Le jeu du vifage qui chez
nous ell auffii éloquent que la parole, étoit perdu
pour eux ; leurs mafques 6c leurs vciemens ctoient
quelque chofe de monllrueux ; leur ufage de faire
jouer les rôles de femmes par des hommes, prouve
combien toutes les fineffies , toutes les délicateffies de
limitation leur étoient interdites, par cet éloicrne-
ment de ia feene qui en fauvoit les diil'ormitcs. ^
C’cfl donc une bien vaine déclamation que les
ejoges prodigués à ces grands théâtres ouverts où
l’on avoir, dit-on, l’honneur d’êrre éclairé par le
c iel, chofe auflî incommode dans la réalité que mag.
ninque dans l’idée; à ces théâtres, dis-je, qu’on
n’aurolt pas manque de lambriffer s’il eût été poffi-
ble, & qu’à Rome on couvroit, faute de mieux , de
voiles fourenues par des mâts 6c par des cordages.
VoyeiT iik.KTKE.SuppL °
Les Grecs avoient tout fait coder à la ncceffité
d’avoir un vafle amphithéâtre ; voilà le vrai. Pour
nous, loin de nous plaindre d’avoir des théâtres
moins valles, où la parole Ôc l’acdion foient à la portée
de l’oreille 6c des yeux, nous devons nous en
appbudir , & tirer de cet avantage , du côté de l’acteur
comme du côté du poète, tout ce qui peut
contribuerau charme de l’illufion. L’afleur'de Racine
ne doit pas être celui d’Efchyle ou d’Euripide •
6c autant le poete françois cil plus délicat, plus
corrcél, plus varié , plus fin , autant le comédien
doit l’être ( Foyei D É C L A M A T I O N . ). Ainfi la
tragédie moderne, au lieu d’être, comme l’ancienne
, une elquilfe de Michel Ange, fera un tableau
de Raphaël.
. P^>'t5ehifloriquedeIarrÆ<ré7/fe,comme
je 1 ai traitée fpécialement dans un difcours qu’on
peut voir àjatêtedu premier volume à^sChefs-d'au.
vrt dramatiquesje me contente d’yrenvoyer; &
du côté meme de l’a r t , ce difcours fervira de fup-
plcment à l’article qu’on vient de Xit^.X Article de
M . M a k m o n j e l .^ .
T R A 9^ 5
^^AGÎQUE , {^Mufq. inßr. des anc.') Athenec >
{D e ip n o f liv . F . ) rapporte, d’après Euphorus 6c Eu*
phranor le Pythagoricien , qu’il y avoit une efpece
de flurc furnommee tragique: c’etoit probablement
celle dont on fe fervoii dans les fujets graves 6c fé-
neiix, 6c par conféqiicnt la meme que la Lydienne
{ F . D . C . ) ^
TRAJAN ( Marcus U lpius) , H iß . Rom. cf-
pagnol de naiffiance , fut le premier étranger qui
monta fur le trône des Romains, l’an 98 de l’ére vulgaire.
Quoique fa famille fût une des plus anciennes
des plus opulentes de Séville, fon perefut le premier
de les ancêtres qui fut admis dans le fenar Romain.
Ses exploits militaires lui méritèrent les honneurs
du triomphe fous Vefpaücn , 6ci\\ capacité
dans les affaires lui fit déférer le confuîat. La fa'^efTe
de Ion adininiflration ouvrit le chemin deshonn^mrs
à fon fils qui fut l’héritier de fes talens 6c de fes vertus.
Nerva, pour perpétuer le bonheur de l'empire,
crut devoir l’adopter, 6c en mourant, il le defigntt
pour fon (uccefTeur. Trajan fut proclame cmp'eicur
par les légions delà Germanie 6c de la Moefie. H
revint à Rome pour y faire confirmer fon élection
par le fénat : il y fit fon entrée à pied pour montrer
qu’il étoit plus jaloux de mériter les difiincîicns at:e
deles recevoir ; les largeffies qu'il fit au peuple'lui
en méritèrent l’amour. Le crime de leze-majellé
avoir fervi de prétexte à fes prédcccfficurs pour immoler
les plus vemicux citoyens ; ce crime fut
aboli, les délateurs ne furent plus écoutés,& après
asmirinfcRc Rome, iis furent exilés dans des déferts.
i.'-uy/i/raflable 6c populaire, ne voyoit dans le dernier
de fes fujets qu’un frcrc ou un’fils; le plus malheureux
lui paroiffioit le plus digne d’égards. Quelqu’un
lui repréfenta que fà familiarité dimimiclt le
relpecl dû à fon rang: «je veux, répondir-i!, me
» comporter envers les particuliers comme je vou-
ndrois que les empereurs en agiffienî avec moi, fi
» j’etois réduit à mener une vie privée ». Importuné
de l’cciquette de la grandeur, il le confoloit des ennuis
de fon rang dans le commerce de queiques amis
qu’il alloit vifiter comme s’ils euffient été fes csaux.
Les peuples charmés de la douceur de fon admini-
flration , follicitoient la permifiion de lui ériger des
monumens de leur rcconnoilfance : rarement il con-
fentit à leursveeux. Il ne pouvoit comprendre quelle
relation un prince avoir avec des Üatues de marbre,
de bronze ou d’airain, ni quelle influence des arcs
de triomphe pouvoient avoir fur fon bonheur. II
alloit à pied êç fans efeorte dans les rues de Rome
& il aimoit à le voir confondu dans la fouie qui dans
CCS embarras lui donnoit de nouveaux témoignages
de fon amour; joaiffance délicieufë pour un prince
citoyen, & toujours ignorée des tyrans. Il n'étoit pas
indifférent aux plaifirs de la table, mais le vin ne
faifoit qu’égayer fa raifon, fonimagir.ationaiors s'al-
Iiimoit & fa converfation vive & polie affiilbnnolt
tous les metsfervis fur fa table. Il enrretenoit fa vigueur
naturelle par des exercices frequens, fur-tout
par le plaifir de la chafl'e ou de la rame dent il fc fai-
Ibff un ainufement. Rome fut embellie de plufiems
édifices fomptueux ; il fit rétablir à grands frais le cirque
à qui il donna une plus vafle étendue, il y fit «rayer
cette infcnption , c eßpour le rendre plus digne du
peuple Romain. Des villes nouvelles furent bâties
dans des lieux oit La commodité publique l’exigeoit :
les grands chemins devinrent plus fürs 6c plus faciles;
on leva des chauffées pour faciliter les rapports
de commerce: on applanir une montagne de cent
quarante pieds de haut, pour en faire une place où
l’on éleva la fameufe colonne Trajane qu’on admire
encore aujourd’hui,fa conllruélion fiitconrice à l’ar-
chiteéle Appolidorc qui a iminortalifé fon nom par
ce monument. Rome qui avoit efl'uyé les rava«^s
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