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t) derniere. Gn lui donne cependant, commet toutes
»> celles du meme genre, beaucoup de culture , c elt-
» à-dirc, qu’elle occafionne une grande dcpenle a la
»? terre , Sc en même icrns elle la fe r tilije . Ne taut-d
» pas qu’elle trouve dans les élémens qui l’eiivi-
» ronnent , noivleulement de quoi produire une re-
» coite aulTi prodigieule, & de quoi dédommager la
»? terre defes exhalaiibns,mais qu’elle lui_ fourniiie
» encore une provifion pour k s récoltes luivantes? »
Je ne me fonderai pourtant pas fur cette derniere
conféquence , que ces pommes de terrefournijj'ent encore
une provijion p ou r les récoltes fu iv a n ie s . Cela me pa-
roît pouflé trop loin , de même que toutes les theies,
lorfqu’ il prétend que toute la nourriture provient de
ces éltmens hors de terre , & non des fels 6c fucs en
terre, ce qui eftcontraireà l’expérience de tout tems;
ce n’eft pas que ceux-là n’y contribuent de beaucoup :
j ’en ai parlé amplement dans un mémoire inlérédans
lerecucil de ceux de la fociété ceconomique de Berne
année 1762 ; mais une terre effritée , épuifée de ces
fels , Sc. qu’on ne remplace point par des engrais ,
reliera telle malgré ces influences , ou du moins ne
pourra lé rétablir par-là, 6c feulement en partie que
dans cent, difons feulement cinquante ans , au lieu
que par l'engrais Sc la bonne maniéré de cultiver ,
cela lé fait en un an , fur-tout f i , comme M. de S. le
fotitient, lesfréquens labours dévoient être nuifibles
à la fertilité , ce qui contrediroii lés propres principes,
li les parties lértilifantes doivent pour la plupart
provenir du dehors de raihmofphere,il fera clair
que plus elles peuvent pénétrer dans la terre, plus
leur effet doit être grand , & que par contre la terre
n’étant pas ouverte , elles ne làuroient agir que toi-
blement, mais je dois fonger que je n’écris point
pour examiner tout ce que M. de S. avance dans
cette brochure ; j’en citerai pourtant encore un pal-
i'age relatif à mon fujet.
Circulation de la feve , & c . « j’en ai raifonne avec
» M. Bonnet, & il ne m’a pas été difficile, vu les
» lumières de ce favani académicien , de le faire
»» convenir qn’ii y a une forte de circulation de la
»» feve dans les végétaux, c’eft-à-dire, qu’apres
>» avoir nourri & fait croître une plante, la ieve
« retourne aux racines d’où elle s’étoit élevée, plus
» fucculente même de beaucoup qu’elle ne l’étoit
« dans fon origine ».
J’avoue que je fus fort frappé de voir combien ce
paffage s'accorde avec ce que j’ai ditlà-deffus.
M. Bonnet ne fe contente pas de donner pour
avéré, que la culture de s pommes de terre effrite le
lerrein , mais il ajoute, qu’elles ne produifent point
de paille ; que celle ci manquant, la quantité de
fumier doit diminuer, par conféquent auffi la terre
s’effriter de plus en plus. A quoi je réponds :
I®. Que nous venons de voir que la terre s’améliore
par la culture des pommes de terre.
2°. Suppofons pour un moment que cela ne foi
pas prouvé, il faudra examiner à quel point la paille
peut être confidérée comme engrais.
L’effet de l’engrais eft proportionné à la quantité
d’un fel moyen , tel que le falpêtre qui contient une
huile phlogiftique qui s’y trouve, non feulement
une inflammabilité externe qui fe trouve auffi dans
la paille , mais qui par fes parties puiffe produire une
chaleur & une fermentation dans la terre, & exciter
les principes de la génération dans les graines
& plantes , & d’en procurer par fes parties l'ubtiles
leur accroiffement & nutrition.
La paille n’en eft point fufceptible, elle fert feual
fait part, ne font encore connues qu’en une partie de l’Angleterre,
& point dans le refte de l’Europe; il en étoic A en-
thouAafmé , qu’en décembre 1772 il fit paroitre un écrit pour
les faire connoiire : c’ell de celui-ci que M. de Sauflureveut
parler.
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îement de matière pour ramaffer 8c lier ces parties
fertilifantes , 6c, ne fe trouvant d’aucune denfité ,
contribuer à la fermentation qui perfeélionne l’engrais,
Le re^ne végétal contient tres-peu de parties
qu’on puiffe confidcrer ieules comme engrais; au
lieu que tout ce qui le tire du régné animal, fur-tout
les parties des corps corrompus & pourris , 6c leurs
excrémens font un effet admirable, comme cela eft
connu.
Je veux donc fuppofer que de deux cultivateurs
un recueillît grande abondance de paille , mais
manquât du bétail ncceiîâire, 6c que l’autre fut dans
le cas oppofé , fans qu’il leur fût permis d’échanger
leur fuperflu: quelle lituation des deux choif^roit•on^
non pas celle de rhemme à paille. Outre que l’autre
peut y fuppléer par des feuilles lèches qui tombent
des arbres 6c des buiffons, ou des petites branches
de fapin avec leurs piquans que l’on hache, ou bien
avec des fougères 6c autres mauvaifes plantes fpon-
îanées, comme le font i)Iufieiirs de ceux qui manquent
de paille ; c^<:i même n’eff pas abfokiment
néceffaire.
3^. Des gens qui faute de paille poiirroient y fup-
plcer de la maniéré que nous venons de dire, ne le
font pas; ayant ordio'airemcnt une fontaine proche
la malloiijiis font un refervoir qu’ils revêtirent de
pierres de taille , le rempllfient d’eau , 6.t y mènent
chaque jour la henie toute pure de leur bétail. Ils
remuent le tout, en empllflent des boü'ettes, 6c le
foritporteriiir leurs cbajnps 6c prés avec nntdluccès,
que les habitans d’un certain pays le lont fervi de
la même méthode.
Voilà donc cette objcfHon de M. Br. levée.
La leconde , par laquelle il veut infirmer l’infalu-
brité des pommes de terre, n’ell pas mieux fondée ;
auln il en parle d’une maniéré douteufe.
On dit ce fruit mat-fain & indigeffe : voici de quoi
le laver de cette imputation;
Un auteur qui a parcouru l’Irlande 8c y a fait des
obfervations inîérelïantes, affure que les habitans,
quoique de taille médiocre , font très-robuftes,
vigoureux, & jouiffent d’une parfaite fanté ; que
plufieurs maladies qui affligent d’autres peuples, leur
lont abfolument inconnues ; enfin , que les jumeaux
y font afléz communs, qu’on en volt fortir par
couple de chaque cabane, 6c que pourtant depuis
leur treize ou quinzième année les pommes de terre
leur fervent de nourriture unique.
Dans les diverfes provinces de l’Allemagne, 6c
dans d’autres pays , des millions d’habiians vivent
quafi uniquement de pommes de terre.
Un de mes amis , gouverneur d’une petite province
, fe trouvant avec moi en 1772 dans une compagnie
où on éleva cette queftion , dit en riant que
les habitans de cette contrée n’avoienî quafi eu pour
nourriture depuis trois ans que des pommes de terre^
6c que jamais on n’avoit moins entendu parler de
maladies que pendant ce tems.
Un autre ami de confidération m’afliira qu’il y
avoit environ quatre ans qu’il avoit pris du goût
pour les pommes de terre^ 6c en avoit mangé toujours
à fon foupé, penfant que s’il en feroit incommodé
ou dégoûté , il pourroir ceffer ; que ni l’un ni l’autre
n’étant arrivé, il continuoit encore aéluellement
à s’en fervir.
Mad. de M. à N. à l’âge d’environ 33 ans, fe
trouvant dans un état triffe , l’eflomac ne pouvant
plus faire fes fondions, 6c les remedes étant fans
effet, de forte que les médecins pronoftiquerent
une confomption incurable , eut envie de goûter
des pommes de terre ; elle s’en trouva bien, l’appétit
revint peu-à-peu ; après quinze jours, elle fe trouva
prefque guérie ; elle continua, fut rétablie, 6c prit
I » même
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même de l’embonpoint. En difant que les pom'mes
de terre cauient une indigeftion , on a raifon , fi on
ne diftingiie pas ; li on s’en cjiarge trop fans fe donner
de l’exercice , cela eft très-vrai ; 6c toutes les
viandes nourriffantes font dans ce cas : les médecins
s’accordent même à dire que nulle indigeftion eft
plus dangereufe que celle qui provient du pain ,
lorfqu’on le prend immodérément à la fois; on ne
voudra pourtant pas confeiller par cette raifon de
ne point le fervir de pain.
Ccn ’eft point que je veuille confeiller la culture
des pommes de terre préférablement à celle des bleds,
il s’en faut bien ; c’eft tout le contraire : les bleds
peuvent être conferves longues années, 6c vendus
aux peuples éloignés même qui en auront belbin;
ce qui n’a pas lieu avec les pommes de terre : je con-
fidere feulement celles-ci en qualité d’une nourriture
fimple, faine, facile à fe procurer, qui peut
fuppléer à la difette desbleds ; c’eft pourquoi j’en vais
expofer l’utilité, foit générale , foit particulière.
En général, on peut dire que fans les pommes de
terre, on auroit vu périr de faim dans toute l’Allemagne,
dans les pays du Nord, en Suiffe , 6'c. des
cent mille perfonnes, peut-être des millions, vu la
difette extrême des bleds qu’on ne poiivoit pas fe
procurer en quantité néceffaire , même pour de l’argent;
chacun demandoit du pain , on n’eu avoit pas,
6c les pommes de terre y lupplcerent. Quand même
ceci feroit leur feule utilité, cette confidération
devroit encourager leur culture ; mais on en va voir
de particulières bien conlidcrables.
L e p a in . II eft notoire qu’on a fait divers eftais
pour employer les pommes de terre avec de la farine
de bled. Après les avoir bouillies, pelées, broyées,
on en a pétri avec de la farine , à la proportion d’un
quart , d’un tiers , même de moitié pommes de terre
6c le refte en farine , 6c l’on en a fait un pain fi fa-
voureux, que les payfans d’une certaine province fe
font plaints qu’ils ne trouvoient pas leur compte à
ce mélange , trouvant ce pain ft appétiffant, qu’ils
en mangeoient le double. Je leur ai fait voir que
c’étoit leur faute; que nos payfans Allemands di-
foient en proverbe : Chaud du moulin., chaud du fo u r ,
rend pauvre le p a y fa n le p lu s riche ; que pour ne pas
tomber dans cette faute, iis avoient déjà une fournée
de pain prête, lorfqu’ils achevoient de manger la
précédente , 6c qu’en entamant celle-là , ils en pré-
paroient une autre ; que d’ailleurs les riches même
faifoient rarement leur pain de pur froment ou cpeau-
tre ; que chacun, felon qu’il étoit obligé d’économi-
fer , y mêloit de l’avoine , de l’orge , des pois , des
lentilles, des poifettes , du bled farazin , & c . Que ft
donc les plaignans vouloient manger du pain de pur
froment, tout au plus de inéteil, 6c quaft fortant du
four, ils ne méritoient pas d’être plaints.
Gutre ladite méthode de mêler les pommes de terre
avec la farine de bled, on s’en fert encore d’autres.
Celle de les couper par tranches, de les fécher ôc
les moudre à un moulin à bled , l'eroit préférable aux
autres, ft elle n’avoit pas deux inconvéniens; l’un
que chacun n’a pas la commodité de fécher duement
ces tranches ; l ’autre que celles-ci , à caufe de leur
fuc gluant, étant rarement affez feches pour ne pas
s’attacher à la meule, Ôc à en remplir les creux né-
ceffaires à la mouture, de maniéré que les meuniers
font obliges de les hacher de nouveau à tout mo-
menp ce qui fait qu’ils tâchent de fe difpenfer de
pareilles moutures.
J efpere de parvenir dans peu à inventer quelque
manipulation pour y remédier.
Dans d autres endroits on a cru avoir inventé une
excellente machine : un cylindre creux , dont le fond
ctoit une plaque de fer trouée comme une écumoire,
dans lequel on met des pommes de terre bouillies ÔC
Tome l y .
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pelccs; 8c au moyen d’un autre cylindreau-dedans,
Bu’on pouftè avec une barre ou balancier de bois,
les force de pafièr par ces trous ; ce qui forme une
efpcce de gru ou de vermicelli que l’on fait fécher
tout doucement, 6c les conierve. Je n’approuve pas
pour faire du pain ; die ne donne pas
de la farine. Si l’on vouloit s’en fervir pour du pain ,
1! laudroit^Ies mettre tremper pour les amollir 8c
pouvoir pétrir ; ce qui cauferoit bien de la peine ,
que je cherche a taire éviter : meme en voulant feulement
s’en fervir pour les apprêter avec du lait en
giiilo de bouillie , il laut les cuire à petit feu ou fur
la bradé , en les remuant continuellement avec un
cuiller à por. Or , ft on veut rendre ces pommes de
terre utiles au commun du peuple , il faut povivolf
indiquer des mêthoJes les plus ftmples poffibles.
M. Muftel confcillc de fe fervir des pommes crues
pour le pain ; il croit avoir inventé une machine ou
varlope pour couper , en peu de tems, les pommes
de terre en tranches minces, apres les avoir pelées.
Je ne veux pas luicontefter un certain droit de Fin-
vention , quant à la France; mais c’eft prccifcmcnt
la même machine que dans les endroits cii on la
connoît on nomme coupe-choux, pour faire ce qu’on
appelle le f.uu kraut ou choux en compote , duqud
fur-tOut Strasbourg 6c les Aliacions font, depuis
longues années, un ft grand commerce en France , à
Paris même , où il en pafté des milliers de barils
par an.
Cette méthode me paroit très-bonne & préférable,
parce qu’en effet le goût du pain devroit être
meilleur par le (uc des pommes qui fe mêle avec l’eau
qu’on y jette pendant l’opération. Enfulte , en y rc-
fléchiftànt plus amplement, j’ai abandonne cette idée
par deux raifons ; l’une que, felon M. Muftel, on
dojt peler ces pommeseW n’enindique pasla méthode.
Je n’en conçois pas le moyen , à moins que d’en
rogner la peau comme on le fait aux pommes ; mais
quelle peine infinie ! Ceci ne quadre pas avec mon
b u t , celui qu’on doit chercher , de faire toutes ces
manipulations de la maniéré la plus fimple, la plus
prompte , la moins coûteufe.
Il eft vrai que M. Muftel avoue que cette précaution
n’eft pas abfolument néceffaire : il a raifon. On
prétend que la peau eft d’un meilleur.goût que la
chair même des pommes. Nous en dirons un mot à
l’article café. L’autre railon eft qu’il avoue encore
que par la tranfudation confidcrable qu’on fait fur la
furface en cuifant le pain , l’extérieur fe brûleroit ,
ou du moins deviendroit noir. II croit y remédier
en chauft'ant moins le four. Je crois qu’il fe trompe.
Ce pain, reftant plus long-tems frais que d'autre
pain , Ôc confervant même un certain dégré d’humidité
ou de moiteur lorfqu’il eft cuit au dégré requis,
ce qui eft précllément la caufe pourquoi il fe conferva
plus long tems frais , en conferveroit davantage
, ft on chauftbit moins le four, 6c le pain ne
feroit pas de la qualité qu’il doit être. Voici donc
comment j’ai raifonné.
J’ai dit que le fuc des pomfnes de terre étoit gluant
6c favonneiix. O r , nous voyons que ft les enfans
par amufement forment, en foufflant par un tuyau
de paille, des bouteilles de favon , à quel dégré
infini s’étend une demi-goutte d’eau de favon : le
même effet eft produit par la chaleur du four. Telle
eau gluante fait lever promptement lapâte, & perce
jufqu’aux extrémités, où elle rencontre la chaleur
plus forte du four. Ne pouvant s’évaporer, à caufe
de cette qualité gluante, comme l’eau pure , elle s’y
fixe , 6c fes particules matérielles échaufféesfe deffé-
chant, contribuent à faire brûler la croûte , à quoi
je ne fais point de remede. Je crois donc devoir
chercher une méthode plus fùre 6c non fujette à pareilles
ou autres difficultés , à quoi je m’appliquerai.
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