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586 R E C non feulement alors nous permettons au rkiiatij de
fe dégager des ports de vo ix, des trds y des cadences,
desprolations, &c. mais nous exigeons qu’il renonce
à tous ces ornemens futiles ; & qu’aulH limple,
aufli vr<ii, aulîi courant qu'il fera poflible,il ne fafl'e
que rapprocher, par un peu plus d’analogie, la déclamation
de la feene de ces morceaux de chant qu’elle
doit amener. Le chant eft la partie efl'entielle & de-
firce de l’opcia , le récitatif en eit la partie accidentelle
& tolérée : il faut pafler par-là pour arriver à
ces endroits délicieux où l’oreille Sc l’ame le promettent
de s’arrêter & de jouir ; mais le chemin leur
parojtra long , fi leur efpérance ed trompée, & l’in-
îérêt de l’aélion la plus vive aura lui-meme bien de
la peine à nous fauver de l’impatience & de l’ennui.
V o y c i Ai r , C hant, Lyrique, dans ce Suppl. ( M. M a r m o s t e l . )
§ IIÉCITATIF, {Mujiq.) Il eft une façon paf-
fionnée de réciter un dilcours , laquelle tient le milieu
entre la fimple déclamation & le chant. Cette
façon de réciter fc regie comme le chant, par les
intervalles d ’une échelle diatonique ; mais elle n’ob-
ferve ni la mefure, ni le rhythme propre au chant,
& on l’ajjpeUe récuatif.
Les anciens didinguoient trois maniérés de débiter
un dilcours, & ils attribuoient au chant des
tons féparés, à la déclamation des tons continus,
&; au récitatif des tons qui tenoient le milieu entre
les féparés éc les contimis. Martianus Capdla appelle
ces trois maniérés gc/ius yods continuum ^ divifum ,
medium, & il ajoute qu’on le lervoit de la derniere ,
ou du récitatif débiter les poèmes. On peut
donc conclure de-là que les anciens récitoient leur
poèmes comme nos chanteurs le récitatif, 6c l’on
voit en même lems pourquoi l’étude de la poéfie
êc celle de la mufique éioient anciennement infe-
parabies. f^oye^ DÉCLaM.ation DES an c ien s ,
Diclionnaire r .i f des Sciences , &c.
Les anciens notoieni cependant aulTt la fimple
déclamation, mais ils fe fervoientpour cela d’accens
êc non de notes. Bryennius le dit pofitivement dans
les ouvrages fur la mulîqiie , publiés par Wallis.
Le rldtatf fe dillingue de la déclamation en ce
qu’ il fuit les intervalles d’une échelle muficale, qu’il
obferve une modulation loumife aux regies de
l’harmonie , & que par conféquent on peut le noter
l’accompagner d’une balTe continue.
Le reViVii«/lé diftingue du chant par les marques
fuivantes. Il n’obferve pas un mouvement auffi
régulier que le chant. Il arrive fouvent que , fans
changer l’efpece de latnefure, une mefure entière
& les teins particuliers n’ont pas par-tout la meme
durée, & il n’eil pas rare d’y voir donner une valeur
inégale à deux notes égales, deux noires par
exemple ; le chant, au contraire , obferve rigoureu-
femem le même mouvement , fans que la même
mefure refte.
récitatif Z. point de rhythme déterminé:
les céfures s’y règlent fuivant la poéfie ou le dif-
cours.
3 °. Il réfulte de-là que le récitatif n’a point de motif
mufical, point de mélodie réelle , quand même
on voudroit le chanter comme on chante un air.
4'^. Le récitatif n’obferve point la régularité de
la modulation eu égard aux modes relatifs, comme
le chant.
5°. Enfin le récitatif fe diftingue du vrai chant en
ce que jamais, pas même à une cadence parfaite ,
on n’y Ibutient un ton beaucoup plus long-tenis que
dans la déclamation. Il cfi vrai qu’il y a des airs &
des chanlons qui ont de commun avec le récitatif
que leur durée n’excede guere le tems employé à les
réciter; mais on y trouvera toujours par-ci par-là
quelques lyliabes où le ton efi fouienu iong-tems ôc
R E C à la maniéré du ^Tal chant : en general, on re°le
lestons d’un récitatif comme ceux du chant, fui-
vant l’échelle; mais on leur donne une durée plus
courte , & on les détache mieux.
Le récitatif s’emploie dans les oratoires, les cantates
êc les opéra. La poéfie du récitatif îe diftingue
de celle des airs, des chanfons, &c. en ce qu’elle
n’eft pas lyrique , c’eft - à - dire qu’ elle eft libre
& emploie des vers inégaux, tantôt longs, tantôt
courts. C’eft cette diverfité qui a caufe le genrç
de chant particulier au récitatif.
Le contenu même du récitatif aufti de celui
des airs & des chanfons. Il eft toujours paifionné
mais non au même point, & les paffions y changent,
y font interrompues & coupées. On peut
le reprefenterl’exprellion paftionnée d’un air,comme
une riviere dont le cours lent ou précipité, tranquille
ou bruyant, mais toujours uniforme , repré-
fenre la marche de la mufique. Le récitatif, au contraire,
eft un riiifleau , qui tantôt coule tranquillement,
tantôt murmure entre des cailloux-, tantôt
io précipite du haut des rochers. Dans le même
récitatif on trouve de finiples récits, & le moment
d’après des traits vifs & pathétiques. Cette inégalité
n’a pas lieu dans les airs.
Cependant on devroit éviter entièrement le ton
indifférent dans les récitatifs, parce qu’il eft abfurde
de chanter des chofes indifférentes. De froides délibérations
, di des feenes fans aucun intérêt ne doivent
jamais s’exprimer muficalement. Il eft déjà
choquant de mettre en vers un difeours parfaitement
indifférent. N’eft-on pas tenté de rire lorfque
dans l’opéra de Caton on entend réciter en mii-
fique l’aclrelfe d’une lettre , il Senato à Catone. On
ne trouve que trop de pareilles disparates dans le
réciiatlf
Lorfque donc dans le cours de cet article, nous
expoferons nos idées fur la idàniere de traiter le
récitatif, ce fera toujours en excluant tout récitatif
indiftèreiit ; car pourquoi propofer à un artifte de
faire quelque chofe de ridicule ? Nous commençons
par fuppofer que tout récitatif 61 toute phrafe diiréci-
ta t f eft de nature à être débité avec fentiment, &:
nous ne ferons par conféquent pas obligé de diftin-
guer le récitatif en déclamé & en débité , parce que
nous rejetions entièrement ce dernier. S’il trouve
place dans les opéra & dans les cantates , c’eft au
poète à voir comment il pourra le juftifier , & au
compofiteiir comment il voudra le traiter. Car donner
des regies au compofiteiir pour mettre en mufique
des chofes indifférentes , c’eft à notre avis, la
même chofe que d’enfeigner au poète quelle efpcce
de vers il doit employer pour changer une gazette
en ode.
Et que l’on ne s’imagine pas que le poète ne met
en récitatif que les endroits les plus indifterens de
fon ouvrage, & rélerve les plus paftionnés pour les
airs ; le contraire arrive & doit arriver fouvenr. Les
paffions extrêmement vives, la colere, le défefpoir,
la douleur, la joie & l’étonnement même, parvenus
à un certain degré ne peuvent guere s’exprimer
naturellement dans un air, car l’expreffion
de ces femimens devient d’ordinaire inégale & interrompue
, ce qui eft abfolument contraire à la
nature uniforme d’un vrai chant.
M. Rouffeau remarque avec railbn dans fon di*
ôHonnaire de mufique , que « plus la langue eft
» accentuée & mélodieule, plus le récitâtf nntu-
>* rel & approche du vrai difeours ». A cet égard, la
langue Italienne furpalTe, il eft v rai, toutes les langues
connues de l’Europe ; mais des langues moins
mclodieufes peuvent cependant être employées de
façon à contenir affezd’accent mufical, pourvu que'
le fujet foit palfionné. Klopftock & Ramier nous en
R E C ônt convaincus pour la langue allemande. Quiconque
ne connoîtroit la langue angloife que pour
l’avoir ctiidice dans des dialogues familiers, ne s’ima-
gineroit jamais qu’on pût faire dans cette langue des
vers aufii harmonieux que les meilleurs vers de
l’Enéide, & cependant Pope l’a fait. Il dépend donc
du poète de faire des vers propres à mettre en mufique,
même dans une langue peu méloclieufe.
« Le grand Rouffeau prouve aufli que la langue
» françoife eft fiifcepiible d’accent mufical : prelque
») toutes fes cantates font compofées de vers très-
ft harmonieux. Peut-on voir rien de plus propre à
» mettre en mufique que la cantate de Circc ? Et ces
» beaux vers
J?ans le fein de la mon fes noirs enchantemens
Vont troubler le repos des ombres :
Les mânes effrayés quittent leurs monurnens ;
léair retentit au loin de leurs longs hurlemens ;
Et les vents échappés de leurs cavernes fombres ,
Mêlent à leurs clameurs d'horriblesfiffemens,
» comparés à ceux qui les fuivent.
Inutiles efforts! amante infortunée !
D'un Dieu plus fort que toi dépend ta deflnée ;
Tu peux faire trembler la terre fous tes pas ,
Des enfers déchaînés allumer la colere j
Mais tes fureurs ne feront pas
Ce que tes attraits n’ont pu faire.
» ne font-ils pas la preuve la plus convainquante j
» que non-feulement la langue françoife, maniée
>> par un génie, n’eft pas deftituée d’accent mufi-
» c a l, mais que même elle a un accent très-varié ».
Mais il eft tems d’en venir à ce qui regarde
le muficien dans la compofition du récitatif: donnons
donc , autant que nous le pourrons, les regies né-
ceffaires.
I. Le récitatif n’a ni rhythme uniforme ni mélodie ,
il fe regie uniquement fur la céfure & les phrafes du
texte. En Allemagne 6c en Italie, on le fert toujours
de la mefure à quatre tems. Dans les récitatifs
françois on rencontre toutes fortes de mefures, ce
qui le rend difficile à accompagner, & encore plus
difficile à faifir.
II. Le récitatif n’a point de mode régnant, &
n’obferve point une modulation régulière comme
les autres pieces de mufique , aufti ne finit-il pas
dans le même mode où il a cominencé. Le compo-
fiteur donne à chaque phrafe le ton qui lui convient
, fans s’embarralfer fi ce ton eft relatif au précédent
ou non, ni s’il dure long-tems ou peu; le
poète eft Ion feul guide. Les tranlitions fubites dans
des modes différens ont fur-tout lieu , lorfque quelqu’un
qui parle d’un ton tranquille ou même gai,eft
brufquement interrompu par un autre , agité de
quelque paftion violente, ce qui arrive louvent
dans les opéra.
Ces mots ; Le compofueur donne à chaque phrafe le
ton qffi lui convient, fans s'embarraffer Ji ce ton e f
relatif au précédent ou non , demandent quelque explication.
D ’abord il eft clair que nous entendons
ici par ton un mode de mufique. Enfuitc cette regie
eft jufte & générale ; mais on doit ménager la tran-
fuion d’un mode dans un autre fuivant les regies de
l’harmonie. Souvent une période du difeours peut
paffer par deux , trois & même plus de modes différens
; fl tous ces modes ne fe fuivoient pas naturellement,
on fubftitueroit l’enflure & l’extravagance
à la véritable expreffion. On fera bien auffi de
refter dans une certaine latitude, fans paffer dans
des modes fort éloignés, lorfque la paftion n’eft ni
forte ni angoiffante. Les phrafes courtes & coupées
rendent cette précaution encore plus néceftaire ,
quoimie la paftion foit forte, parce que la brièveté
tome IV, > r n
R E C 58"?
même de ces phrafes a déjà de rexpreftioh , qui
renforcée par des pafl'ages brulques à des modes
éloignés, peut facilement devenir outrée & con-
liifc.
III. Le récitatif étant proprement fait, non pour
ctre chanté, mais pour erre cléciamc muficalement,
li ne doit s’y trouver aucun des agrémens du chant.
IV. Chaque fyllabe du texte ne doit être exprimée
que pour une feule note : au moins fi pour
augmenter l’expreftion l’on y en joint une autre
par un coulé ou une liailbn , il faut que cela foit
pratiqué de façon à ne pas obfcurcir la prononciation
de cette fyllabe.
Ce n’eft pas qu’un bon chanteur ne pratique quelquefois
des coulés , des liaifons & des accens ( rarement
ou jamais des trils ) dans les endroits d’im
récitatif qui en font lùfceptibles, fans altérer l’expreftion
; mais ces agrémens leroient ridicules notes,
& ceux qui ne font pas muficiens de naif-
fancc & de profeffion ne les chanteront jamais bien.
La fimple déclamation notée où chaque fyllabe n’a
qu’une feule note, vaut toujours mieux pour les
chanteurs ordinaires. Il eft très-rare de trouver deux
notes fous une même fyllabe dans les récitatifs des
bons maîtres.
V. Tout accent grammatical doit, pour ne pas
bleffer le rhythme du vers, tomber fur un tems fort
de la mefure, & les fyllabes fans accent grammatical
, fur un tems foible.
VI. Le mouvement doit s’accorder avec la meilleure
déclamation , enforte que les mots fur lefquels
on pefe quelque rems en lifant, foient exprimés par
des notes longues , & que ceux qu’on paffe rapidement
, le foient par des notes courtes.
Pliifieurs compofiteurs prétendent qu’on ne doit
jamais mettre plus de trois doubles croches de fuite
dans le récitatif; ce qui détruiroit fouvent la regie
que nous venons de donner. Lorfque plufieiirs fyllabes
courtes & fans accent grammatical fe fuivent ,
il faut ou mettre tout autant de doubles croches, ou
pécher contre la regie V. qui eftinconteftable,&t s’en
remettre au chanteur q ui, par là maniéré de déclamer
le récitatif, peut pallier cette faute : mais pourquoi
le compofiteur n’emploieroit-il pas tout ce qui
eft en fon pouvoir pour indiquer au chanteur la vraie
déclamation? Prétendra-t-on que le chanteur doit
avoir plus de fentiment que le compofiteur ?
VIL L ’élévement & rabaifiement de la voix doit,
dans le récitatif, fe régler fur l’augmentation & la
diminution du fentiment, & cela rant à l ’égard de
chaque fyllabe , qu’à l’égard d’une fuite de fyllabes.
VIII. Il ne faut mettre des paufes dans le récitatif
que là où il y a réellement un repos dans le texte.
Pour compléter cette regie, il faut y ajouter que
jamais une note lenfible ne doit paffer à fa tonique,
ni une dilTonance fe fauver avant que le fens de la
phrafe ne foit entièrement fini. Si la phrafe étoit
longue , & que , vu l’expreffion , on fût obligé de
changer fouvent l’harmonie, on aura foin de faire
toujours entendre une nouvelle note fenfible ou une
nouvelle diflbnance en fauvant la précédente. Par ce
moyen l’oreille n’étant pas fatislàite , eft toujours
dans l’attente.
IX. Lorfque dans un réVititq/’on veut abandonner
un mode pour en prendre un autre tout-à-fait différent
& non relatif, & que la période du difeours ne
demande pas une cadence parfaite , il ne faut pas
non plus mettre la cadence dans le deffus , mais la
laifter faire à la baffe-continue après que le deffus a
fini.
Voyei les cadences parfaites qui terminent une période
entière dans le récitatif, fig. 8 , n^. 1 , 2 j *
pl. X I I I de Mufiq. Suppl, elles font les mêmes en
mineur. La cadence parfaite eft enfuite entièrement
E E e e ij
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