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chant, je fuis perfuaclij qu’on gagneroit tranfporter
\z plain’ chaTzt à-ans notre muiique ; mais il faudroit
avoir pour cela beaucoup de gout, encore plus de
favolr, liir-tout être exempt de préjugés-----
L’cglilé gallicane n’admit qu’en partie, avec beaucoup
de peine, & prelque par force , le chant Grégorien.
L’extrait fuivant d’un ouvrage du teins
même , imprimé à Francfort en 1 594 , contient le
détail d’une ancienne querelle fur le plain-chant ,
qui s’eft renouvellée de nos jours fur la mulique,
mais qui n’a pas eu la même ilfue.
» Dieu talî'e paix au grand Charlemagne » !^
« Le très-pieux roi Charles étant retourne cele-
» brer la puque à Rome avec le feigneur apoftoli-
>> que , il s’emut durant les fetes, une querelle entre
» les chantres Romains & les chantres François. Les
» François prctendoientchantermieux&plusagréa*
» blement que les Romains ; les Romains fe dilant
» les plus favans dans le chant eccléfiaftique, qu’ils
» avoient appris du pape Grégoire, accufoient les
« François de corrompre , écorcher & défigurer le
»> vrai chant. La difpute ayant été portée devant le
» feigneur ro i, les François qui fe tenoient forts de
>> fon appui, infultoient aux chantres romains. Les
» Romains, fiers de leur grand favoir, &: comparant
» la doélrine de faint Grégoire à la ruüicité des au-
» très , les traitoient d’ignorans, de rufires , de fois
» & de greffes bêtes. Comme cette altercation ne
» finiffoit point, le très-pieux roi Charles dit à fes
» chantres : Déclarez-nous quelle eft l’eau la plus
» pure & la meilleure, celle qu’on prend à la fource
» vive d’une fontaine , ou celle des rigoles qui n’en
» n’en découlent que de bien loin? Us dirent tous
» que l’ eau de la fource ctoit la plus pure , Si celle
>* des rigoles d’autant plus altérée &c fale qu’elle
» venoit de plus loin. Remontez donc , reprit le
» feigneur roi Charles, à la fontaine de laint Gré-
>» <»oire dont vous avez évidemment corrompu le
yt chant. Enfuite le feigneur roi demanda au pape
» Adrien des chantres pour corriger le chant Fran-
» çois, &l le pape lui donna Théodore & Benoît,
» chantres très-lavans &infiriilts'par faint Grégoire
» même : U lui donna aufli des antiphoniers de faint
» Grégoire qu’il avoit notés lui même en note ro-
» maine. De ces deux chantres, le feigneur roi
» Charles, de retour en France , en envoya \m à
Metz, Sc l’autre h Soiffons, ordonnant à tous les
» maîtres de chant des villes de France de leur don-
» ner à corriger les antiphoniers , & d’apprendre
» d’eux à chanter ; ainfi furent corrigés les antipho-
» niers françois que chacun avoit altérés par des
» additions & retranchemensà fa mode ; & tous les
» chantres de France apprirent le chant romain,
» qu’ils appellent maintenant chant français. Mais
» quant aux fons tremblans, flattés , battus, coupés
M dans le chant, les François né purent jamais bien
»les rendre, faifant plutôt des chevrotteniens que
» des roulemens, à caufe de la rucleffe naturelle &
» barbare de leur gofier. Du refle, la principale école
'» de chant demeura toujours à Metz ; & autant le
» chant romain furpaffe celui de Metz, autant le
» chant de Metz furpaffe celui des autres écoles fran-
» çoifes. Les chantres Romains apprirent de meme
» aux chantres François à s’accompagner desinflru-
» mens; & le feigneur roi Charles, ayant derechef
» amené avec foi en France des maîtres de grara-
» maire & de calcul, ordonna qu’on établît par-tout
» i’émde des lettres ; car avant ledit feigneur roi
» l’on n’avoit en France aucune connoiffance des arts
» libéraux ».
Ce palTage eft fl curieux que les leéVeurs me fau-
ront g ré, fans doute, d’en tranferire ici l’original.
Et revsrfus cjl rex piiffîmus Carolus , 6* celebravh
Roma Pafeha cum domno apofioUco, E ça orta ef con-
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icnûo per dies feßos Pafeha inter cantons Romanorum
& Gallorttm. Dicebant fe Galli meliùs cantare & puU
chriiiS quàm Romani. Dicebant fe Romani docLjJimb
cantilenas cccleßaßicas proferre, fient docli fuerant à
fancio Gregorio papâ^ Gallos corrupiï cantare , ô’’ can-
tilcnam J'anam dejîruendo dliaccrare. Q^iue contentio
ante domnum regem Carolurn pervenii. Galli \erb
propterfecurilatem domini regis Caroli valde exprobra-
banl cantoribus Romanis^ Romani verb propt cr auch-
TUatern magna do3rina eos flultos , rujticos & indocîos
veîut briita animalia aßirmabant, 6* doclrinarn Jan'âi
Gre<’orii praferebant riifUcitad eorum : & cum alterca-
tio de neutrd parte fin ir e ta it domnus piißlmus rex
Carolus adfios cantores : dicitè palàm quis purior eß
& quis melior, aiit fons vivus , auc rivuli ejns longb
decurrentes ? Refponderunt omnes und voce , fontem ,
relut caput & originem , purionm eße ; rivulos autern
ejiis quanib longiîis à fonte reeeßerint, tantb turbulencos
& fordibus ac immunditlis comiptos ; & ait domnus
rex Carolus : reverùmini vos ad fontem fandi Gregoriiy
quia manifeße corrupißis caniilenam cccleßaßicam.
Mûx petiit domnus rex Carolus ah Adriano papa cantores
qui Franciam corrigèrent de cantti, Ac ille dédit ei
Theodorum & Benediclum dodißimos cantores qui à
fanHo Gregorio erudili fuerant , tribuiique anùphona-
rlos fandi Gregorii, quos ipfe notavtrat nota Romand :
domnus verb rex Carolus revertens in Franciam mißt
unum cantorem in Mais civitate , alterum in Sueßonis
civitate , proecipiens de omnibus clvitatibus Francict
Magijîros fchola aniiphonarios eis ad corrigendum tra-
dert, & ab eis difeere cantare. Corrccli fiint ergb anii-
phonarii Francorum , quos unufquifqueprofuo arhitrio
vltiaverat ^ addens vel minuens ; 6* omnes Francics
cantores didicerunt notam Romanam quam mine vocant
notam Francifeam : excepta qubd tremulas vel vinnu-
las , ßivl collißbiles vel fecabiles voces in caniii non
poterant perfech exprimere F rand ^ naturalivoce bar-
baried frangentes in gutture voces qud/n potlits expri-
mentes. Majus autem rnagißerium caniandi in Metis
remanßt ; quantumqut magißeriuin Romamun fuperat
Meienfe in arte cantandi ^ tantb fuperat Metenßs cantilena
cateras fcholas Galliarum. Similiter erudierunt
Romani cantores fupradiBos cantoresFrancorum in arte
organandi ; & domnus rex Carolus icen'im à Roma artis
grammaticig & computatorics fecum adduxit in Franciam.,
G ubique ßudium iuterarnmexpandert ju f t . Ante
ipfuni enirn domnum regem Carolurn in Gallid nullum
ßudium fuerat liberallum artliim. Vide annal. & HIß.
Francor. ab an. y08. ad an. Scriptorescoetaneos ,
irnpr. Froncofurii , fub vUd Caroli magni, ( .S' )
Remarquez qu’il faut écrire plain-chant Sd non
plein-chant^ parce queccmoiy'iQniàQcanttis-planus,
L’on dit encore aujourd’hui plaine pour une étendue
de terrein , rafe & fans inégalité. ( F. D . C .j
PLAINE, Ch a m p a g n e , P o in t -de-cham pa-
GNE, f. f. (terme de Blafon. ) piece qui occupe en
hauteur au bas de l’écu , une partie des fept de fa
largeur. Le bord fupéricur fe termine de niveau, ou
en ligne horizontale.
La plaine ou champagne eft rare en armoiries : elle
fe nomme après les pieces & meubles quife trouvent
fur le champ , excepté le chef.
De Geoffroy des Marets, à Paris ; à trois
épis de bled tiges & feuilles d’or , mouvuns d'une plaint
d'argent , au chef coufu de gueules , charge de trois
étoiles du troißeme émail. (^G. D. L. T .j
§ PLAISANCE, {^Géograp. Hiß.') Au-deffus de
cette ville eft le campo mono oîi Annibal défit les
Romains ù la bataille de la Treble , l’an de Rome
535 , ou 219 ans avant J. C.
C ’eft aufti près de Flaifance que les François
les Efpagnols entreprirent, en 1746 , de forcer les
Allemands avec le plus grand courage, fous la conduite
de M. de Maiüebois,
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Le cardinal Albéroni, devenu fl fameux en Europe
, par le miniftere glorieux qu’il a exercé en
Efpagne , naquit le 30 mars 1664 , dans une chaumière
à rexircmitc de Flaifance. M. de Vendôme
fut le premier auteur de fa fortune. Devenu premier
miniftre fous Pliilippe V , il fut le Richelieu & le
Crom«-eI de l’Efpagnc. Difgracié en 17 19 , il fc
retira d’abord à Rome , eniuite à Flaifance. Il y
ctoit encore en 1746, Agé de 80 ans, il y vivoit
de la maniéré la plus modefte. Voye^ Grollcy, t. I ,
p. lyo. ( C . )
PLAISANT, adj. {Belles-Lettres. Foéfief) Les Efpagnols,
dit le P. Rapin , ontlegèniedevolr le ridicule des
hommes bien mieux que nous ; les Italiens C expriment
mieux. Cela peut être vrai du phsjant, mais non pas
du comique. Tout ce qui eft rilible n’eft pas ridicule
; tout ce qui eftplaifant n’eft pas comique ; tout
ce qui eft comique n’eft pas plaifant. Une maladrelTe
ell rilible ; une prétention manquée eft ridicule ; une
lituation qui expofe le vice au mépris, eft comique ;
un bon mot eft plaifant. Boileau, qui ne reconnoiflbit
de vrai comique que Moliere , difoit de Renard,
qu’il n était pas médiocrement plaifant, & traitoit de
bouffonneries toutes les pieces qui reflembloient à
celles de Scaron : c’eft la plus jufte application de
ces trois mots comique , plaifant & bouÿ'on.
Le comique eft le ridicule qui rcfulte de la foi-
bleffe , de l’erreur , des travers de l’efprit, ou des
vices du caraftere.
Le plaifant eft l’effet de la furprife réjouiflante que
nous caufe un contrafte frappant, fingulier & nouveau
, apperçu entre deux objets, ou entre un objet
& l’idée difparate qu’il a fait naître. C’eft une rencontre
imprévue qui , par des rapports inexplicables,
excite en nous la douce convulfion du rire.
La bouffonnerie eft une exagération du comique
& du plaifant.
L’Avare & le Tartufe font deux perfonnages
comiques; Crifpin, dans le Légataire^ eft un per-
fonnageplaifant ; Jodelet, un perfonnage bouffon.
Il arrive naturellement que le bon comique eft
plaifant. Ce vers :
Ou i, mon frere , je fuis un méchant, un coupable ,
a l’un & l’autre caraélere dansîaEouche de Tartufe :
il eft plaifant , par l’oppofition de la vérité que dit
Tartufe, avec l’effet qu’elle produit, & par la fm-
gularité piquante de ce contrafte ; il eft comique ,
parce qu’il exprime, le plus vivement qu’il eft pof-
fible, l’adreffe du fourbe qui trompe, & qu’il va faire
fortir de même la crédule prévention de l’homme
fimple qui eft trompé.
Mais le plaifant n’eft pas toujours comique, parce
que le contrafte qu’il préfente , peut n’etre qu'une
fingularité de rapports entre deux idées, qu’on ne
croyoit pas faites pour fe lier enfemble ; comme f i ,
par exemple , un valet imagine de prendre la place
de fon maître au lit de la mort , de differ fon tefta-
ment, & d’ofer , après , lui foutenlr qu’il l’a fait
lui-même , & que fa léthargie le lui a fait oublier.
Il n’y a rien-Ià de ridicule dans les moeurs ni dans
les carafleres ; mais il y a une contrariété d’idées li
imprévue, & il en réfulte une furprife fl naturelle Sc
flamufante, que le vrai comique ne l’eft pas davantage.
Cependant fi dans cet exemple on ne volt pas
le comique de caraâere , on croit y voir du moins
le comique de lituation, dans l’embarras oîi s’eft mis
le fourbe ; mais , comme il fe dégage de fes propres
filets , & qvie ce n’eft pas à fes dépens que l’on r it ,
comme l’on rit aux dépens de Tartufe lorfqu’il fe
voit prisjfur le fait, U eftfacile de reconnoitre que la
fituation de Crifpin n’eft que plaifante, & que celle
de Tartufe eft comique. L’ivreffe n’eft point un ridicule
, & quelquefois rien de plus plaifant, parce
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qu’un ivrogne a finguliérement la prétention de rai-
fonner jufte, comme il a celle de marcher droit, &
que la déraifon veut toujours être conléqucntei.
Renard a excellé dans les rôles d’ivrogne. Un valet,
dans la férenade, prie un pafTant de lui aider à retrouver
la maifon. Où efl-tlU ta maifon , lui dit celui-ci ?
Farbleu , répond l’ivrogne je U favois , je ne vous
le demanderais pas. Le même ayant perdu un billet
qu’il étoit charge de remettre à celui qu’il a rencontre
, & voyant qu’il s’impatiente de ce qu’il cherche
inutilement, lui dit, pour exeufe : Comment voulei-
vous que je retrouve un billet ? je ne puis pas retrouver
ma maifon.
Il y a des exemples encore plus fcnfibles du plai-
f in i qui n’eft que plaifant. M. de Voltaire en a cité
un ; c’eft le mot d’un gendre à fa belle-mere , qui,
au pied du lit de fa fîiic chérie, qu’elle voyoit ;i
l’extrémité , offroit à Dieu tous fes autres enfans
pour fauver celle-là , & le conjuroit de les prendre.
-— Madame, les gendres en font-ils ? En voici un
qui n’eft pas moins piquant. Un homme ennemi du
menfonge , avoit coutume de tout nier à un menteur
de profeftion. Un jour que celui-ci difoit une nouvelle,
l’homme véridique lui foiitenoit, & vouloit
gager qu’il n’en étoit rien. Quelqu’un s’approche,
& lui dit à l’oreille : Ne gage^ pas, le fait ejl vrai. S'il
ejl vrai y pourquoi le dit-il ^ répond le véridique avec
impatience ? On voit le caraflere du plaij'ant bien
marqué dans le contrafte de ces mots ; S ’il efi vrai ,
pourquoi le dit - il : faillie bizarre en apparence,
& cependant pleine de vérité. On l’apperçoit
de même , ce caraflere piquant & fin , dans la ré-
ponfe faite à Louis XIV par un homme auquel il
difoit, en lui faifant admirer Verfailles , Save:^-vous
qu’il n'y avoit ici qu’un moulin à vent ? Sire , lui dit
cet homme , le moulin n'y e f plus , mais le vent y t f
toujours. Cette façon imprévue de rabattre l’orgueil
d’un fouverain qui s’applaudit d’avoir furmonté la
nature , fait , avec cet orgueil meme & les éloges
qu’il attendoit, le contrafte dont nous parlons. U
fe trouve encore dans ces mots de Montagne : Sur
le plus beau trône du monde , on n e f jamais affis que
Jur fon cul ; & dans ces mots de Diogene à Alexandre
, qui lui demandoit ce qu’il pouvoit faire pour
lui : T ’ôur de devant monfoleil; 6c dans ce reproche
d’un Spartiate à fon ami, qu’il furprenoit avec fa
femme, laquelle n’étoit ni jeune ni jolie: Fous n’y éiie^
point obligé ; & dans le phlegme d’un ancien roi, qui
étanttombé dans les embûches de fon ennemi, avoit
paffé pour mort, fi bien que le prince fon frere avoit
pris fa couronne & époufé fa femme. 11 revient ; &
dans le moment que fon frere fe croit perdu, il
l’embraffe , & lui dit : Mon frere, une autre fois ne
vous prejje^pas tant d'époufer ma femme. Cet exemple
de fang froid & débouté , rappelle le mot de M. de
Tu renne : Et quand c’eût été Georges y eût-il fallu frapper
f fort ? Trait charmant, qu’on ne peut entendre
fans rire & fans être attendri. ( M. Ma r m o n t e l , )
PLAISANTERIE, f.f. ( Ans de la parole. ) Le mot
plaifanter ne fignifie autre chofe dans fon acception
originelle , qu’exciter à la joie, lorfqu’on n’en a pas
de fiijet décidé. Ce ne font pas ceux qui s’amufent
d’une aventure rifible qui plaifantent, mais ceux
qui, fur quelque chofe de ferieux ou d’indifférent,
réveillent la gaieté & la joie par quelqu’idée' diver-
tlffante. Quoique nous n’ayons à confidérer ici la
plaifanterie que par rapport aux beaux arts , il nous
paroît néceffaire cependant d’en examiner en particulier
les caufes & les effets. On peut avoir deux
fortes principales de motifs ou d’occafions de plaifanter
; on plaifante Amplement pour exciter la joie
en foi-même ou dans les autres , ou pour produire
un effet particulier & plus déterminé ; dans les deux
cas la plâifanurit peut être fort importante.
D d d i j
M