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Cjueue, comme fi j’ euffe voulu le jetterfur ces flammes.
La prunelle , au lieu de fe rcrrecir par tant de
lumière, ie dilata beaucoup , & fe maintint dans cet
état, tantquedura la peur de tomber fur le feu. La
même cbofe arriva, quoique je tinffe mon chat de
differentes façons, & toujours fa prunelle s’clar-
^iffoittant que duroit la crainte; mais après avoir
calmé ces mouvemens de frayeur, fi on le contrai-
gnoit de regarder ces memes lumières, ia prunelle
lé rctrecifiblt.
Il falloir pourtant trouver quelqu’autre preuve
des mouvemens volontaires , qui ne fiV pasproduire
par l’épouvante , & heureufement je la trouvai en
regardant mes propres yeux au miroir. Toutes les
fois que j’approebois de mes yeux une aiguille ou
tel autre petit objet que ce fût, la prunelle fe rétre-
ciffoit, & toujours de plus en plus, à proportion
que je l’approchols. La mêmechofearrivetoujours,
quelque Ibit Tobjet, lumineux ou non, pourvu qu’on
l’approche beaucoup ; cet objet que l’on voit confu-
féinent au commencement, avant que la prunelle fe
rétreciffe , devient clair & très-dillinft quand elle
efi contrariée. On voit donc que ces mouvemens
font volontaires & indépendans du peu ou beaucoup
de lumière tranfmife à rceil par ces petits objets ; on
fait toujours les mêmes mouvemens, de façon qu’à
peine la lumière la plus vive en peut faire autant ;
dans cescas-là , la prunelle fe rétrécit parla nécéifité
de mieux voir le petit objet ; c’eft une choie très-
connue qu’il faut alors ia contraéler pour exclure les
rayons divergens & fiiperflus.
Les vérités jiifqu’à préfent établies nous prêtent
deux autres argumens, pour nous convaincre que
tous ces mouvemensfontvolontaircs. Premièrement
la prunelle fe meut en conféquence de ce que l’animal
eft fenfible à la lumière & voit les objets extérieurs
; il faut donc que la caufe de ces mouvemens
réfide dans ce qu’on appelle /e prindpt j'enfitif, &
que la lumière ne foit qu’une condition, puilque ces
mouvemens dépendent entièrement de la fenlanon
de la vue ; ainfi l’iris ne fera remué par aucun ref-
fort méchanique de cet organe. Le fécond raifonne-
ment que l’on en peut inférerefi que fi les mouvemens
de l’iris étoient méchaniques, & non pas animaux ;
fi la lumière en étoit la caufe immédiate , l’ iris ne fe
dilateroit pas , mais fe rctreciroir plutôt à l’approche
de la lumière , en proportion de la vivacité de cette
môme lumière ; car l’état nature! ou le repos de l ’iris
confiftant dans fa dilatation , plus il eft large , plus
il en approche ; & au contraire, plus il fe rétrécira
en dilatant la prunelle, plus feront violens les chan-
gemens faits & occafionnés par la lumière , parce
que je ne vois pas comment on pourroit appliquer à
i’acHon de la lumière le rétreciffement de la prunelle
qui arrive dans le fommeil, quand ceffe toute
autre aélion violente qui puiffe la faire mouvoir,
ainfi on auroit tous les effets de la lumière fans la
préfence de la lumière ; & il faudroit dire que le ré-
irecifiément de la prunelle n’eft pas l ’état naturel de
l’iris, parce que dans cettehypoihefe il eft produit
par la lumière, & il faudroit dire auftî que c’eft fon
état naturel, puifqu’elle fe rétrécit dans le fom-
meil.
Pour ôter entièrement toute ombre de doute , Je
voulus examiner fi les mouvemens des deux prunelles
s’accordoient enir’eux dans les yeux fains,
pour en tirer la légitime conféquence qu’ils ont un
principe mouvant qui leur eft commun : je plaçai
entre les yeux de mon chat, un carton perpendiculaire
à fon front & à fes narines, en forme de cloi-
lon, de façon qu’on pouvoit éclairer un des yeux ,
& laifler l’amre dans les ténèbres ; ainfi je remarquai
en approchant la lumière de l’un , que la prunelle
de l ’autre lercireçiftbii également, bc qu’en
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diminuant la îutnlere, les deux prunelles fe dlla-
toient auffi en même tems. Ce qui arrive dans le
chat, arrive de même, & dans l’homme, ôc dans les
autres animaux ; & j’en ai fait Texpcricnce fur moi-
même au miroir. En fermant un feul oeil la prunelle
de l’autre fe dilate ; & en le r’ouvrant foudain , on
voit fa prunelle aufîi dilatée que l’autre , & un moment
après elles fe rétreciffent également ; donc les
mouvemens des prunelles font analogues & égaux
même quand la lumière frappe fur un feul oeil ; jj
faut donc que la caufe en foit unique & commune ;
mais cette caufe n’cft certainement pas la limnere
ni autre chofe externe , car elle ne pourroit pas agir
fur l’oeil fermé ou couvert par l’ombre du canon ,
elle ne pourroit pas agir non plus par le moyen de
quelque connexion d’organes entre l’oeil ouvert ôc
l’oeil fermé, parce que les yeux font deux machines
entièrement fcparces l’une de l’autre, & parce qu’on
voit par la précédente expérience, que les mouvemens
de la prunelle dans l’oeil ferme ne fécondent
pas ceux de l’oeil ouvert ; mais au contraire ceux
de l ’oeil ouvert fuivent les altérations de celui qui
eft ferme. Il y a donc une force intérieure qui influe
fur ces mouvemens Sc gouverne les deux yeux; &
c ’eft la pure volonté.
Boerhaave, en fouftlant dans les poumons d’un
chien, auquel il avoit ouvert la poitrine, obfer-
va que les prunelles fe mouvoienr, mais redeve-
noient immobiles dès qu’il ceffoitdelO'jffler(/mpg-
turnf:icuris') rétine incapable de femimenr dans
l’animal a demi-mort, recouvroit Tes faMilics par le
moyen de ce fouffle, comme tout le refte ciu corps
qui paroiflbit revivre ; & c’eft pour cela que dans ce
moment l’iris fe remuoit. Il ne faut pas non plus
omettre de remarquer que dans les évanouiffemens,
les apoplexies, & les maladies extatiques, ou après
une forte dole d’opium , la prunelle refte immobile
à tout effort de lumière.
C ’eft la regie générale dans tous les mouvemens
de l’iris, que quand on refferre la prunelle à une trop
forte lumière, on tache d'en diminuer la douleur;
& à peine ce fentiment douloureux eft-il cefte , la
prunelle s’élargit derechef ; en ce cas, la lumière
n’eft que l’occafion du mouvement de la prunelle,
comme la frayeur & la pointe d’une aiguille proche
de l'oeil. La volonté rétrécit la prunelle , ou pour
en exclure le trop de lumière qui l’affeèfe, ou pour
mieux diftlnguer les petits objets. La volonté la dilate
pour recevoir pins de rayons, quand la lumière
eft foible; & dans la frayeur elle fe dilate auflî,
pour mieux démêler la caufe de notre épouvante,
& ja meilleure façon de l’éviter. La meme chofe
arrive quand on veut regarder quelque chofe attentivement
; & la prunelle fe dilate alors , même avec
une lumière , qui en tout autre cas laferoit rétrécir;
ainfi elle s’élargit beaucoup au moment du réveil,
parce qu’on veut tout voir; mais elle fe rétrécit
aufli-tot par la douleur caufée par le premier choc
de la lumière qui fe calme en peu de tems, & la prunelle
s’élargit derechef; à la chute du jour elle fe
dilate tant qu’elle peut pour recevoir le plus de
rayons qu’elle peut de la lumière déjà foible. Le
fommcil furvient enfin , la volonté abandonne l’organe
de la vue, l’iris fe dilate & s’arrange de lui-
même dans fon état naturel, c’eft-à-dire, à prunelle
rétrécie.
Tous les faits nombreux recueillis jiifqu’à préfent
, ont fixé trois jrrincipales vérités ; que l’iris eft
mis en mouvement par la feule lunuere qui frappe 1^
rétine; que la prunelle eft rétrécie dans Ibn état naturel
, & que les mouvemens de l'iris font volontaires.
Je pourrois aifément expliquer ces mêmes
faits , comme dépendans ncceft'airement des principes
établis, fi je ne les avois auparavant examinés
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comme moyens pour découvrir ces mêmes principes,
en fiiivant la mcrbotle analytique , à laquelle je me
fuis attaché, dç préférence à la méthode fynihétique
dans cct article.
II ne faut pourtant pas négliger de fe fervlr de ces
véfiics pour l’intelligence de quelques queftions
t[u’elles peuvent aifément refoudre. M. Mariotte
ibutint que la choroïde , non la rétine, cioit le vrai
organe de la vue, & il fut entraîné à cette hypothefe
par un phénomène qu’il crut inexplicable , fi la rétine
en eût été l’organe. La prunelle expofée à une
jjetite lumière fe dilate , à une grande fe rétrécit, &
l’iris n’a aucune communication avec la rétine. Cette
opinion , dont la France a été le berceau , eut
beaucoup d’illuftres feélateurs ( le C a t , Nollet,
6-c. ) , & fut foutenue par le moyen de l’argument
fuivant, qui fut embelli de façon à paroître une dé-
jîionftration. On fait remarquer que les mouvemens
de l’iris diminuent à niefurc que l’on perd la vue par
maladie ; &C dès qu’on l’a perdue , il n’y a plus de
mouvement, quelle que foit la lumière dont l’oeil
foit frappé ; il faut donc que l’organe de la vue rc-
fide dans la choroïde , puilque l’iris en eft une partie,
iiccft entièrement féparée de la rétine. Je ne peux
pas nier que cette dilHculté ne foit infoluble dans le
fyftême ancien ; nous lommes aflhrés par l’infpeftion
anatomique, que la rétine &c l’iris font deux parties
qui n’ont entr’elles aucune connexion ; & réellement
li ces mouvemens de l’iris étoient feulement mécha-
niques , nous ferions réduits au filence; ca r, ou per-
fonne n’a ofé y répondre , ou la réponfe n’a été ni
fCire, ni catégorique, tant l’objedioii étoit forte.
Cependant il eft fur qu’on peut diminuer les mouvemens
des prunelles lans qu’il y ait aucune communication
entre la rétine & l’iris, de la même façon que
font remuées tant d’autres parties de notre machine,
& cependant la lumière eft l’occafion d’un tel mouvement
; car l’anïmal rétrécira la prunelle pour
mieux voir , ou pour éviter le trop de lumière qui
frappe la rér/Vi?; èc quand celle-ci par maladie aura
moins defenfibilité, la volonté remuera moins l’iris,
ou enfin la rétine ayant perdu toute fenfibilité à la
lumière , ne donnera aucune raifonà la volonté de
rétrécir ou de dilater la prunelle. Le feul empire de
la volonté fiifllt à toute forte de mouvement dans la
troifieme la cinquième paire de nerfs.
La concorde des mouvemens des prunelles explique
admirablement plufieurs maladies des yeux. Les
chirurgiens examinant les cataraéles d’un oe il, obfer-
vent auparavant fi ia prunelle eft mobile par l’effet
de la lumière, bc le plus petit mouvement leur fufüt
pour en tirer de bonnes efpérances , & s’attendre à
une heureuCe ilTue. Quand au contraire la prunelle a
perdu entièrement le mouvement, on déclare la ca-
liiraête incurable. Maison peut fouventle tromper,
de la façon dont on s’y prend pour examiner ces
chofes-là, bi on rifque louvent de promettre en vain
une heureufe ilTue , en expol'ant le patient à de nouveaux
maux. Si la cataraêle a attaqué un feul oe il,
les mouvemens de l’iris ne celTeroient pas, quand
même il s’y foroit réuni une maladie du nerf optique
ou de la rétine ; car la lumière qui frapperoit
l’oeil fain fuffiroit pour réveiller le mouvement dans
l’iris affeâé , par l’ancienne habitude de mouvoir
egalement les deux prunelles. On peut ajouter que
la précaution ordinaire que l’on prend de faire fermer
l’oeil lain, n’eft pas fùre , parce que lorfqu’on le
ferme , on a déjà vu que la prunelle de l ’autre doit
aulfi fe mouvoir. Ce n’eft donc pas un argument bien
lùr , celui qu’on tire des mouvemens que l’on voit
faire à l’iris pendant que l’on ferme l’oeil fain. On
devroit plutôt attendre quelque tems, pour s’affurer
fl CCS mouvemens fubféquens naiffent de la lumière
qui frappe l’oeil infirme, ou fi ce n’eft que le premier
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mouvement qui s’enfuit habituellement après qu’on
a fermél’oeii làin. Tout foupçon de caufe extérieure
étant ainfi détruit, les mouvemens de l’iris feront
une marque fûre que ni l’organe de In vue , ni l’humeur
vitrée ne font altérés, 6c qu’il refte quelque
efpérance cie^guérifon. Cette oblervation eft utile
encore en d’autres maladies des yeux, comme le
glaucome & la goutte fereine , que la chirurgie ne
peut pas guérir. On pourra ainfi raifonnablement
juger de l’avancement Sc des progrès de la maladie ,
& diftlnguer la vraie goutte fereine. Ces précautions
enfin feront connoître quand la prunelle eft réellement
immobile par maladie ; 6c frayant une route
plus fûre , étendront le jugement qu’on doit porter
dans ces occafions.
L’exaéte analogie des mouvemens des deux prunelles
paroît réfoudre une queftion fameufe qui eft
encore indécife parmi les philofophes modernes ;
fa voir, fi l’on voit les objets par un feul oeil ou
par les deux yeux à-la-fois. Les mouvemens con-
cordans des prunelles font volontaires. Celui donc
qui regarde s’eft fait une habitude de fe fervir-
des deux yeux enfemble, parce qu’il a eu une
railon de les mettre en oeuvre tous les deux,
autrement II ne fe feroit pas donné la peine d’employer
fans befoin un de fes organes, èc de faire
en pure perte tous les mouvemens qu’il fait av^c
l’autre, comme on n’emploie pas les deux bras quand
on voit qu’un feul luffit pour ce qu’on veut faire.
Cependant, de ce que les prunelles fe meuvent d’accord
par ancienne habitude, il faut inférer qu’on s’en
eft fervi dans les mêmes rems & dans les mêmes occafions
; 6c il faut qu’elles aient fervi l’une 6c l’autre
au même ufage, car elles ne peuvent plus fe mouvoir
différemment, comme les yeux, qui ne peuvent pas fe
tourner en deux différens endroits dans le même tems.
On lit dans les Tranfaclions philofophiques un fait
fingulier d’un certain Anglois qui voyoit très-bien
pendant le jour , mais aux approches de la nuit tout
pour lui fe couvroit d’un brouillard épais ;& dès que
la nuit étoit clofe, il devenoit entièrement aveugle ,
fans qu’il fût frappé par la lumière des flambeaux,
de la lune ou des étoiles. Il rétreciffoit pendant le
jour fes prunelles à l’ordinaire quand il étoit frappé
par trop de lumière, mais pendant la nuit elles
reftoient entièrement immobiles. Une maladie fi
étrange parut avec raifon obicure & difficile. Mais,
pour ce qui regarde l’immobilité de l’iris pendant la
nuit, on voit que ce n’étoit qu’une conféquence né-
cefl'aire des trois loix que nous venons de fixer. La
prunelle n’eft pas rétrécie par la lumière qui frappe
l’iris , mais par celle qui atteint à la rétine. Dans ce
cas-là donc , fi la rétine étoit infenfible à tous autres
rayons qu’à ceux du folcil, l’iris en conféquence
devoit être immob'ile à toute autre lumière , 6c la
prunelle devoit toujours-fe maintenir dans l’état où
elle eft lorfqu’elle fe trouve entourée d’une parfaite
obfcurité , comme il arrive dans les gouttes fereines
ou dans le glaucome , 6c dans tous les cas oîi la rétine
eft infenfible ; & de môme que dans ces cas l’ancienne
habitude de tenir la prunelle ouverte , l’empcche de
fe fermer, elle ne fe fermoit pas non plus dans cet
homme. M. Brlggio a dit quelque chofe fur cette
cécité nofturnc , mais cela ne mérite pas d’examen.
Boerhaave efl'aya d’en rendre raifon ; il ti-ouve je
ne fais quelle harmonie entre les parties internes de
la retint bc du cerveau , 6c les feuls rayons du foleil ;
harmonie qui exclut toute autre lumière. Mais eft-il
poffible qti’un phyficien fe paie d’un mot ? Cette harmonie
n’eft qu’un mot trop hypothétique & trop
vague. D'ailleurs , on n’a qu’à fe rappeller que la
lumière de la lune n’eft autre chofe que la lumière
du foleil réfléchie ; que fes rayons font de la même
I nature que ceux du jour, & que les étoiles fixes font