‘.'IV
! l
î'i'
i ' f 5 ' ' '
h ' f .V,.,. .
Iljiifl
* «
P
m '1
H! t'-'llr
.•r|. ifjf
■l
ii
-n1 ; fl'
,fr 1 '
594 R E G
au plus haut dogrc d’cnergle & de fagacitc s’appelle
géfiu ; mais elt il jamais allez partait, allez sûr de
lui moine , pour avoir droit de mépriler les reglts ?
Et les rcg/cs, de leur côté , (ont-elles allez inlailli-
bles , allez étendues, allez exclullvcment décilives,
pour avoir droit de maîtril'er le génie ?
En liippolant les hommes tels que les a faits la
nature , & avant que l’imagination & le léntiment
Ibient altérés en eux par le caprice de l’opinion , des
modes & des convenances, l’inllind naturel fuffiroit
à un artille organilé comme eux, pour i’éclairer &
le conduire; mais la nature peut deviner & preifen-
tir la nature ; l’étude feule , en obfervant l’homme
artificiel ■ Sc faflice, peut faire prévoir les ed’ets de l’art.
Nous connoifl'ons quelques hommes extraordinaires,
tels qu’Homere & Eich)'le , quilémblent n’avoir
eu pour modèle que la nature 6c pour guide que
leiirinllincl ; mais e(l-il bien fiir qu’avant Homere ,
l ’art de la poélie épique n’eut pas été cultivé, rai-
fonné, fournis à des loix ? Ceux qui regardent ce
pocro comme l’inventeur de l'on arc, parce qu’il ell
le plus ancien des poètes connus, relTemblent à ceux
qui s’imaginent qu’au-delà des étoiles qu’ils apper-
çoivcnc il n’y a plus rien dans le ciel. A l’égard d’Ef-
chyle, il ell bien certain qu’il a inventé la tragédie ;
mais le modèle de la tragédie étoit l’épopée, dont
les regits lai lont communes ; 6c quant à celles qui
lui (ont propres , Eichyle s’en elldirpenfé, ou plutôt,
en les obfervant, quand il l’a jnt l'ans trop de
gêne, il les a lui-meme tracées, 6c c’eft peut être
celui de tous les hommes en qui le goût naturel a
été le plu.s étonnant.
La raifon eft l’organe du vrai ; le goût elf l’oroane
du beau : c’eld la faculté vive 6c lûre de difeerner
& de prellémir ce qui doit plaire aux (ens, û l’etprit
&C à l'ame. C ’ell un don naturel qui veut être exercé
par l’étude 6c par Thabitiide , & ce n’ell qu’après
mille épreuves qu’il peut fe croire un guide fûr.
II y a une railon ablolue 6c indépendante de toute
convention, comme la vérité ; mais y a-t-ii de même
un goût par excellence, indépendant, comme la
beauté , des caprices de l'opinion? & s'il y en a un,
quel e d - ii? La vérité a un caraflere inimitable;
c’eid l’évidence. Y a-t-il auffi quelque figne infaillible
qui caradférile l’objet du goût B e a u ,
Suppl.)} L’évidence meme n’elf reconnue qu'à la
lumière dont elle frappe les efprits; & dés qu’elle
celle de luire , on ne fait plus qui a rail'on, ou du
petit nombre ou de la mulcititde. Ei5 fait de goût, le
problème efl encore plus indécis. Dans tous les
teins, il y a eu la raifon du peuple & la raifon des
Liges ; dans tous les tems, il y a eu le goût du vul-
g dre & le goût d'un monde plus cultivé; mais ni le
grand ni le petit nombre n’a été confiant dans Tes
goû:s;d'un fiecle à l’autre, d’un peuple à l’autre
la même thofe a plu 6c déplu à l’excès, la même
chüfe a paru admirable 6c rifible, a excité les ap-
plaudiffemens de les huées ; 6>c fouvent dans le même
lieu, 6c prcfqiie dans te même tems, la même cliofe
a été reçue avec tranfport 6c rebutée avec mépris.
Oii font donc les regUs du goût? 6c le goût lui-même
e(l-i! le preffentiment de ce qui plaira le plus univer-
fellement dans tous les pays 6c dans tous les âges;
ou de ce qui plaira dans tel tems, à telle claffe d’hommes
qui s'appellewo/zJ.;, & qui plus occupée des
objets d’agrément, fe fait l’arbitre des plailirs? Voilà
ce femble une difficulté infoluble 6c interminable :
n’yauroit-il pas quelque moyen de la fimplifier 6c
de ta réf'oudre?
En fait dé goût, il y a deux juges à conftilter &
à concilier enfemble: l’un eft le bon fens qui eft
larbiire des vraifemblances, des convenances, du
deffein, de l’ordre , des rap;)orts mutuels, foit de
la caufe avec l’eftci, loit de l’intention avec les
R E G
moyens qu’on emploie. Cette partie du goût eft d
re.lort de la railon ; elle eft fufcepiible de cette évR
dence qui frappe tousles hommes dès qu’ils font
éclairés. Jufques-là les regies de l’art ne font que les
regies du bon fens, invariables comme lui. L’ar-
tiite dotié d’un clprit jufte feroit donc en cette partie
aft'ez lûr de fe bien conduire , 6c n’auioit pas beioin
de guide , s'il vouloir le donner la peine de méditer
lui-même les procédés de l’art, de les rédiger en
méthode ; mais quelle trifte 6c longue étude ! te
genie impatient do produire n’cft-il pas trop heureux
qu’on lui épargne le travail d’une froide réflexion?
Corneille eût-il pafte fi rapidement de Clitandre à
Cinna, s’il n avoir pas trouvé fa loute comme tracée
par Ariftote , pour lequel fon refpeél annonce fa re-
connoilVance ? La théorie des beaux-arts reflcmble
aux élémens des fcicnces : l’homme de génie a de
quoi les deviner , s’ils n’étolent pas faits ; mais quel
tems n’y emp!oieroit-il pas.^
Le fécond juge, en fait de goût, c’eft le fenti-
ment, foit qu’on entende par-là l’effet de l’émotion
des organes , l'oit qu’on entende l’impreffion faite
directement fur l ame par l’entremife des fens.
C’ eft ici que le goût varie, 6c que dans une longue
fuite de fiecles 6c dans une multitude innombrable
d’hommes diverf'ement affeCtés de la même
chofe, il s’agit de déterminer quels font les tems,
les lieux, les peuples dont le jugement fera lo i, 6c
le moyen en eft facile : c’eft de recueillir les lûfTra-
ges des fiecles 6c des nations. O r , dans tous les arts
qui intcreiient les lens, la déférence univerfellc décidera
en faveur des Grecs. La nature femble avoir
fait de ce peuple le légiflateur des plaifirs, le grand
maître dans 1 art de plaire, rinventeur, l’artifan , le
mod-, le du beau par excellence dans tous les genres.
C ’eft à lui qu’elle a révélé le fecret des plus belles
formes, des plus belles proportions, des plus harmonieux
enfemble : cette fupériomé leur eft acquil'e
au moins en Iculpture , en architeClure, 6c depuis
le tciui de Ferities jiRqu’à nous on n’a rien imaginé
de plus parfait que les modèles qu’ils bous ont faif-
fés; de l’aveu même de tous les peuples, en s’éloignant
de ces modèles, on n’a fait qu’altérer les
beautés pures de ces deux arts. En tracer les règles
ce n’ert donc que réduire leur méthode en préceptes,
généralifer leurs exemples 6c enfeigner à les imiter!
Lorlejue Virgile difoiî des Romains;
Excudent alïi fpirantia moLlius tzra,
il ne croyoit que flatter fa patrie , & la confoler
de la lupé'ionté des Grecs dans les arts ; Une croyoit
pas prclager la gloire de l’Italie moderne. C ’eft cependant
ce peuple , amolli par la paix & la fervi-
tude, qui a pris la place des G recs, & qui, après eux,
femble avoir été le confident de la belle nature.
Dans les deux arts dont je viens de parler, il n’a fait
que les imiter ;-mais dans les arts dont les modèles
ne lui avoient pas été tranlniis, comme la peinture
6c la niLifique, fon génie frappé de l’idée effenrielle
6c univerfelle du beau , a fait douter fi les Grec^
eux-mêmes avoient été auffi loin que lui. La fculp-
ture , il eft vrai, du côté du deffin a été le modèle
de la peinture ; mais le coloris, le clair-obfcur la
perfpeéfive ont été créés de nouveau ; & du côté
de la muftque, quelques lueurs confufes fur les rapports
des fons, que les anciens nous ont tranfmifes,
ne dérobent pas au génie italien la gloire de l’invention
& de la perfeélion de ce bel art. Ainfi, en
fculpture, en architeélure, en peinture, en miifique,
le goût fait où prendre fes regies ; les modelés en
font les types, l ’expérience en efl la preuve, & le
fiiffrage univcrfeldetouslespeiiples y a mis lefeeau.
En éloquence 6c en poélie, nous n’avons pas
d’autorité aufîi formdlcmeni déciftve ^ auffi unani-
R E G
iîfement reconnue : par la raifon que les objets, les
moyens, les procédés de ces deux arts font plus
divers, que les modèles en font moins accomplis ,
6c que dans les goûts qui intéreffent l’efprlt, l’ima-
giiiation 6l le lentiment, & fur lefquels l’opinion,
les moeurs, le génie 6c le caraâere des peuples ont
beaucoup d’influence, il y a plus d’iuconftancc 6c de
variété. Cependant, comme ces deux arts ont, de
tout tems, fixé l’attention des hommes les plus
éclairés & fait l’objet de leurs étuclss, foit qu’ils
les aient exercés eux-mêmes , l'oit qu’ils n’aient
fait qu’en jo u ir ,& , qu’étonnés de-leur puifTance,
ils aient voulu en obi'erver, en développer les ref-
forts, il eft certain que les fccrets en ont été approfondis
& les moyens réduits en réglés il en
eft de ces réglés comme des loix, dont la lettre tue &
tcfprh vivifie ; elles font devenues, dans les mains
des commentateurs , de lourdes chaînes dont ils ont
charge le génie. C’eft peu même d’avoir mal entendu
6c mal expliqué les préceptes diètes par les maîtres
de l’art, ils ont voulu faire des loix eux-mêmes ; fiers
de leur érudition , 6c fanatiques de l’antiquité qu’ils
fe glorifioient de connoître, ils nous ont donné pour
modèles tout ce qu’elle nous a laifTé , 6c ont mis
fans dil'cerncment l’exemple ôcl’autorité à biplace
du fentiment 6c de la raifon. Tout n’eft pas beau
chez les anciens; les poètes, les orateurs les plus
célébrés ont leurs défauts: les ouvrages même les
plus admirés font encore loin d’être parfaits ; les
plus grands hommes dans leur art n’en ont pas atteint
les limites ; les procédés 6c les moyens ne leur en
étoient pas tous connus, 6c la route qu’ils ont fiiîvie
n’eft bien fouvent ni la feule ni la meilleure qu’on
aitàfuivre. Mille beautés ont fait pafter mille défauts,
mais les défauts qu’elles ont rachetés ne font
pas des beautés eux-mêmes : c’eft-là ce que les Sca-
ligers, les Daciers n’ont jamais bien compris. Si
Corneille en avoit cru Ariftote, il f'e feroit interdit
le dénouement de Roiogune ; 6c fi nous en croyons
Dacier, ce dénouement eft des plus mauvais; car il
eft d’une efpece Inconnue aux anciens, 6c rejetrée
par Ariftote. D’après la même théorie , toutes les
pièces où le perfonnage intérefTant fait fon malheur
lui même avec connoilî’ance de caufe , feroient bannies
du théâtre , 6c l’on n’auroit jamais penfé à y
faire voir l’homme viciime de fes paffions. Voilà
comme une théorie exclufivement attachée à la pratique
des anciens donne les faits pour les limites des
poffibles, 6c veut réduire le génie à l’éterncdle fervi-
tude d’une étroite imitation.
Une autre efpcce de faifeurs de réglés, ce font
ces artiftes médiocres qui commencent par compo-
fer ,& qui, fe donnant pour modales , font de leur
pratique , bonne ou mauvaife , la théorie de leur
art. La Motte , par exemple , en traitant avec plus
d’efprit que de goût des divers genres de poéfie dans
lefquels il s’eft exercé, femble moins occupe, comme
je l’ai déjà dit, à trouver des réglés que des exeufes.
Ainft , tout ce qu’il a écrit fur le ])ocme épique eft
plein des mêmes préjuges qui lui ont fait fi mal traduire
6c abréger VIliade : ainfi, au lieu d’etudier le
méchanifme de nos vers , il ne cefle de rimer 6c de
déclamer contre la rime ; ainft , fes dilcoursfur l’ode
^ la paftorale ne font que l’apologie déguil'ce de fes
paftorales 6c de fes odes, artifice ingénieux qui n’en
a impofé qu’un moment.
Les vrais léglftateurs des arts font ceux qui remontant
au principe des choies, après avoir étudié
&^dans les hommes 6c dans la nature 6c dans les arts
meme, les rapports des objets avec l'ame & les
léns, & les impreffions de plaiftr 6c de peine qui rc-
fultent de ces rapports ; après avoir tiré de l’expérience
de tous les fiecles , fur-tout des fiecles éclaires,
des induâions qui déterminent 6c les procédés
Tome IK,
G 59'
les plus fürs 6c les moyens les plus puifTans, 6c les
eHctsies plus conllamment infaillibles, donnent ces
iclultats pour règles , fans prétendre cuie le génie s’y
foiimcite fervilemcnr, 6c n’ait jias le droit de s’en
dégager toutes les fois qu’il font qu’elles l’appefan-
nftcnc ou le mettent trop à l’étroit. Ce font des
moyens de bien faire , c[u'on lui propofe en lui laif-
fant la liberté de faire mieux : celui-là feul a tort qui
fait plus mal en s’écartant des regies; 6c comme il
n y a rien de plus commun qu’un ouvrage régulier
& mauvais, il eft poffible , quoique plus rare , d’en
produire un qui plaife univciTellement, contre les
regies 6c en dépit des regies : le poème de l’Ariofte
en eft un exemple ; mais la licence alors eft obligée
de mériter à force d’agrémens 6c de beautés qui lui
foient dues, qu’on la préféré à plus de régularité.
On a dit que quelques lignes tracées par un homme
de génie, font plus utiles au talent que des méthodes
j)éniblement écrites par de froids fpéculateurs. Rien
n’eft plus vrai, quand il s’agit d’cchaufi'er l’ame 6c
de l ’élever; niais les modèles les plus frappans ne
jettent leur lumière que fur un point : celle desr^"/.'^
eft plus étendue, elle éclaire toute la route ; il ne
faut donc avoir pour les regies tracées ni un préfomp-
tiieux mépris, ni un ref'pecf fuperftitieux 6c fervile.
Cicéron Quintilien , pour les orateurs ; Ariftote,
Horace, Longin, Boileau , pour les poètes, font des
guides que le génie lui-meme ne doit pas dédaigner
de fuivre ; mais, i.iour marcher d’un pas plus lûr,
il ne doit pas cefTer de marcher d’un pas libre.
[M. Ma rm o n t e l . )
RÉGLER LE PAPIER, ( Mufiq. ) c’ eft marquer fur
un papier blanc les portées pour y noter la muftque.
P a p i e r réglé, ( Mufiq.) Suppl. ( S )
REGLEUR , f. m. ( Mufiq.) ouvrier qui fait pro-
feffion de régler les papiers de muftque. (_S)
RÉGLURE, {. f. (^Mufiq ) maniéré dont le papier
eft réglé pour la muftque. Cette réglure eß trop noire.
I l y a plaifir de noter fur une réglure bien nette, Foycr^
P a p i e r réglé, ( Mufiq. ) Suppl, i^S)
REGNER, {Hijl.de Suede.) roi de Suede, vivoit
dans le deuxieme ftecle. L’hlltoire de ce prince eft:
trop intérelTante pour n’ être pas un peu fabuleufe :
voici ce que les anciens hiftoriens nous en ont tranf-
mis. 11 étoit fils d’Uftbn. Après la mort de ce méchant
prince afTaftiné par un méchant comme lui, fa
veuve s’empara du trône , 6c fit conduire le jeune
Regner dans un defert, o ù , confondu parmi des
pâtres, il gardoit les troupeaux de la couronne.
Suanvita, princefTe Danoife, avoit l’ame fenfible :
elle avoit entendu parler des charmes & des vertus
naiffantes du jeune prince ; fon malheur la toucha
encore davantage. Réfoluc de découvrir le lieu de
fa retraite , elle part, s’égare dans les déferts , rencontre
enfin Regner, le reconnoît à la noblefTe de
fes traits, à celle de fes dii'cours, l’excite à remonter
fur le trône , lui promet des l'ecours, & lui infpire
toute la paffion dont elle étoit dévorée. Regner]QXiQ
fa houlette, prend une épée-, rafTemble quelques
amis, fait périr fa belle-mere , & partage fon trône
avec Suanvita. Les foins du gouvernement l’appel-
lerent à l’extrémité de fes états. Frothon , frere de
la reine & roi de Dancmarck , (aiftt cet inftant pour
tenter la conquête de la Siiede. Il arme une flotte,
Suanvita monte fur la ftenne ; la bataille fe donne ;
les Danois font vaincus, & la génereufe princeft'e
rend la liberté aux prifonniers. Dans un fécond
combat Frothon périt, 6c fon armée fut taillée en
pieces. Sa mort rendit le calme à la Suede 6c aux
deux époux , qui ne s’occupèrent plus que du bonheur
de leurs l'ujets. Regner mourut le premier :
Suanvita fe donna la mort pour ne pas lui furvivre ;
6c cette cataftrophe donne encore à cette hiftoire
une teinte plus romancfque. ( M. d e S a c t . )
F F f f ij