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» l’on appella depuis des Jhfs, c’eft-à-dire, des dons
» faits à la charge cl^ rendre au bienfaiteur conjoin-
» tement ou icparéniem des fervices militaires &
♦» domclliques: par cette politique adroite , le maire
f> s’accptit un empire plus ferme fur fes bénéficiers ,
>* & leurs devoirs délignés les attachèrent plus par-
>» cuüérement au maitn : cette derniere exprelfion
>» paroitra peut-être trop dure , c’ell; cependant
» l'exprefiion propre : puifque ces nouveaux ofîi-
n ciers furent appelles du nom de vaffuux, quifigni-
» fioit alors, & qui lignifia encore pendant long-
»> temps, des officiers domelliques. Toujours vic-
>> torieux, toujours lùr de la fiilclité de fon armée,
» il regarda les capitaines qui le lliivoient comme
» le corps entier de la nation. Il méprifa trop les
» rois Dagobert, Chüperic & Thierri de Chelles,
» dont il avoir fait fes premiers fiijers, pour leur
» envier leur titre ». Cette derniere phral'e nous pa-
roît plus fafiueufe que vraie : Charles pouvoir mé-
prifer la perfonne des rois qu’il avoir dégradés, mais
non pas leur titre ; s’il ne le demanda pas , c’ell: qu’il
prévoyoit encore des obllacles, & qu’il avoit trop
délévation dansTame pour s’expofer à la honte d’un
refus. M. de Mably ne me paroîc point avoir faiC
cette lurprife où la mort de Thierri jetta les François
; ce dut être un fpcdacle bien fingiilier, bien
étonnant de voir tout un peuple trembler devant fon
maître, l’admirer & lui refufercependant le titre de
roi , que l’on n’ofoit rendre aux princes du fane»
royal. Charles-Martel gouverna avec ce defpctllmc
julqu’à fa mort, qui arriva en 741 : il termina fa vie
par une difpofition qui montre jul'qu’cù il avoit élevé
fa puiflance ; il dllpofa de la France comme d’un ancien
patrimoine, il donna l’Aufiralie à Carioman fon
fils aine, & dont nous allons maintenant
nous occuper, eut la Neullrie & la Bourgogne
; Grifoti, fon fils naturel, obtint quelques comtes
qui ne dévoient pas fuffire ù fon ambition. Ce
parrage fut confirmé par les capitaines de fesbandes
& les officiers de (on palais ; on ne parla non plus de
la race royale quefi elle eût été entièrement éteinte.
Pepin,^ la mort de Charles , fe trouvoit dans une
pofition fort critique, fort embarrafiante; redouté
des grands &: du clergé qui avoienr à fe plaindre des
dédains avec lefqueis on les avoit traités, & haï du
peuple qui ctoit toujours attaché à la perfonne de
les rois , il n’avoit pour lui que les gens de guerre ;
il futaffiezfage pour comprendre que fa puiflance
ne feroii jamais bien affermie tant qu’elle ne feroit
appuyée que fur la terreur. II fongea donc à regagner
les elprirs que la fierté de fon pere avoir aliénés , &
cacha fous une feinte modération les fers que fon
ambition préparoit.Quelques gens d’églilé fur-tout fe
répandoienten murmures contre le gouvernementde
Charles , & faifoient courir les bruits les plus injurieux
à fa mémoire; ils profitoient de l’ignorance où
les guerres avoient plongé les François , & leur
faifoient adopter les fables les plus groffieres: ils
publioient que Charles étoit damné, pour engager
leurs fuccefleurs àreflituer les biens dont ils avoient
été dépouillés. Pepin , au lieu de le punir, feignit
d’ajouter foi à leurs contes, trop ridicules pour croire
qu’il en ait été la dupe : il les plaignit, il les abufa
par de vaines promelTes , & bientôt il en fit les principaux
inflrumens de fes profpérités. L’indocilité
des peuples de la France qui menaçoient de fecouer
le jotig lui fervit de prétexte pour éluder leurs importunités
, pour conferver aux militaires les bénéfices
dont ils étoienten pofleffion & dont il n’au-
roit pu les priver fans danger. Pepin ne put cependant
fedifpenfer de faire un roi; il y fut fur-tout déterminé
par les continuelles révoltes des tributaires
qui fe prétendoient dégages de leurs fermens, fi la
race des Mérouingiens venoit à s’éteindre, ou fi
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on lui raviffoit le feeptre. Il étoit moins défavanta-
qeuK pour lui de fouffirir pour quelques inftans un
fantôme de royauté fur le trône , que d’être obligé
de refl'errer fa aornination : i! confentit donc au couronnement
de Childeric III. Si Carioman Ibn frere ,
ne reconnut pas ce monarque , ce n’cil pas qu’il fût
plus hardi que Pepin , ainfi que le fuppofe M. l’abbé
de Mably, maisc’cftquc l’Aultrafie étoit accoutumée
à fe paffer de roi, &C qu’il n’en étoit pas de même de
la Neullrie. Pepin ne tarda pas à s’appercevoir combien
la polition de fon frere ctoit plus avantageufe
que la fienne ; il fentoit tous les avantages de la
principauté, il mit tout en oeuvre pour l’engager à
la lui céder : le génie de Carioman qui ctoit plus
propre à ramper dans les détails d’une adminifiration
lubalterne qu’à régler les defiinées d’un grand peuple,
lui pcrmectoit de tout el’pérer ; il s’etoit apperçu de
l'impreffion qu’avoit faite fur l’efprit de ce prince le
bruit de la damnation de leur pere. Il augmenta les
terreurs dontil étoit frappé , & les fortifia tant par
lui-même que par des prélats qu’il eut foin de mettre
à fes c()tés, dans la pieule rélolution d’entrer dans
un monafiere 6c d’y expier les égaremens de Charles-
Martel. Pépin cacha au fond de Ion coeur la joie que
lui caufoit cette retraité ; il reçut les adieux de Ion
fiere, non fiins un grand attendriflément, 6c s’empara
de fes états avec la plus grande célérité : il s’gp-
prêroic à donner au monde un Ipedfacle bien différent
: il ménagea Drogon, fils de Carioman , auquel
il ne fit aucune part des états que fon pere avoit pof-
Icdés, 6c fongea à achever ce grand ouvrage que fes
aïeux avoient commencé. Non moins habile dans
les combats , auffi courageux que Charles, auffi ambitieux
, mais moins fier, il étoit difficile de l’empêcher
d’arriver au trône oii les peuples n’avoienc
pu voir julqu’alors les defeendans de Mérouce. Les
guerres que lui fiifcita Grifon Ibn frere, ne fervi-
rent qu’à augmenter la haute idée que l’on avoit
conçue de fes talens. Grifon ctoit fils de Charles, 6c
ne pouvoir l’oublier : il avoit déjà fait connoîtie fes
fentimens dans plufieurs guerres qui avoient donné
beaucoup de peine à fes freres. Sa fierté qui ne lui
permettoit pas de fléchir, fon efprit remuant, inquiet
, avoit engagé Pépin à le reléguer dans la
fortereffe de Neufchatel ; mais depuis il l’avoit rap-
peilé à fa cour, il lui avoit donné plufieurs comtés,
6c l’on peut dire que fi ce jeune prince eût fu fe contenter
du fécond rang, rien n’auroit manqué à fon
bonheur. La retraite de Carioman lui parut une oc-
cafion favorable de recommencer fes intrigues t il fe
plaint de ce qu’au lieu d’une principauté, on ne lui
donne que des terres qui le font dépendre d’un
maître. Il déclame contre qu’il peint fous les
plus odieufes couleurs, 6c lorl'que fes déclamations
lui ont attaché un parti, il palTe dans la Germanie ,
où il exhorte les peuples à féconder fon reffenti-
ment : les Saxons furent les premiers à adopter fes
projets de vengeance. Pépin ne tarda point à entrer
en Saxe , il porta le fer 6c le feu dans cette province
qu’il fournit à des nouveaux tributs. Grifon forcé de
fuir, fe retira dans la Bavière 6c s’empara de ce duché.
Odillon , bcau-frere (le Pepin ^ qui en étoit divc,
venoit de mourir, 6cTaffillon fon fils qui n’avoit
que fix ans, n’étoit point en état de déiéndre fon
pays- Carioman , touché des défordres qu’occa-
fionnoit la rivalité de fes freres, écrivit au pape
Zacharie ; il le conjuroit de faire fon polfible pour
rétablir la paix entr’eux. Zacharie, flatté d’une démarche
qui tendoità donner une nouvelle confidé-
ration à fon fiege, envoya des ambafiadeurs à Pépin
qui lui parleront avec un zele vraiment apoflolique.
Ces ambafiadeurs reçurent un favorable accueil,
mais Pépin ne jugea pas à propos d’interrompre fes
defieins : dès que la faifon lui permit d’entrer en
campagne.
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campagne, il fe rendit dans la Bavière qu’il parcourut
moins en ennemi qu’en triomphateur; ilpour-
fult les partifans de Grifon jufqu’à l’Enn, où il les
força de lui rendre hommage 6c de reconnoître pour
duc, Tafiillon, fon neveu : les principaux furent forcés
de le fuivre à Metz, moins pour orner fon triomphe
que pour donner aux peuples un exemple de fa
modération. , devenu l’arbitre de la deffinée de
fes ennemis, ne fe fervit de fes viéfoircs que pour les
accabler du poids de fh grandeur; il leur pardonna à
tous, donna à Grifon la ville du Mans avec douze
comtes confidérables: le peuple ébloui de fa gloire fe
répandoit en éloges ; ce fut alors qu’il laifia entrevoir
ledefirqu’ilavoiedeprendre l.i couronne. Les grands
qui l’avoient iiiivi dans fes differentes expéditions 6c
qui tous avoient admiré fa valeur, lui laifioient entrevoir
dc.s dilpofiiions'favorables, ainfi que les prélats
qu’il avoit comblés de careffes 6c qui pour la plupart
lui étoient redevables de leurs dignités. Ces deux ordres,
admis aux délibérations publiques, ne craignaient
plus l ’abus d’autorité, 6c peu leur importoit
que Pepin régnât (bus le titre de duc, de maire, de
prince ou de roi; ils n’étoient plus retenus que par
un ferupuie de confcience. Les François ctoient per-
fuadés qu’il n’appartient qu’à Dieu de détrôner les
rois, 6c craignoient d’attirer fes vengeances fur eux,
s'ils renonçoient à la foi qu’ils avoient jurée à Childeric.
Pepin feignit d'applaudir à ce ferupuie; mais
comme ilfavoit qu’il n’efi: que trop facile d’abufer
des efprits déjà feduits par leurs penchans, il propofa
de coiifulter Zacharie, pour qui il avoit témoigné les
plus grands égards, 6c fur leur confentement, il envoya
des ambafiadeurs à Rome, demander fi les
François pouvoient dégrader leur fouverain légitime,
6c renoncer à fon obéili'ance.
Burch.ud , évêque de Versbourg, 6c Fulrade, tous
deux chefs de cette mémorable ambafiàde , propofe-
rent la queftion d’une maniéré propre à faire connoî-
tre quelle réponfe ils follicitoient.j Après avoir fait
un éloge pompeux furies belles qualités de Pepin, 6c
une fatyre amere fur la famille royale, ils demandèrent
lequel on devoit décorer du diadème, ou de
celui qui (ans crédit, paré d’un vain titre, vivoit
tranquille auprès de fes foyers, fans s’occuper des
intérêts de la nation; ou de celui qui, fans cefie les
armes à la main, veilloit pour la défendre ou pour
étendre fa gloire ; l’intérêt qui avoit fait propofer ce
prétendu problème difla la réponfe. Il y avoit long-
tems que les papes afpiroient au bonheur de fe faire
un état indépendant des débris de celui de Conffanti-
nople ; l’efpoir de régner un jour dans la capitale du
monde infjfira l’oracle. Zacharie répondit que celui-
là devoit être roi qui avoit en main la puifTance. Tel
fut le fuprême decret qui précipita Childéric III du
trône de les peres, 6c qui éteignit en lui l’illuffre race
de Mérouée ; elle comptoit trois cens cinq ans de
régné. Pepin n’avoit pas reçu la parole du pontife,
qu’il avoit ordonné les cérempnies de fon inauguration
; 6c comme U craignoit que le peuple , par fon
inconfiancc ordinaire, n’entreprît de le faire delcen-
dre du trône où ii s’appretoit à monter, il voulut
rendre fa perfonne plus refpeflable, en imprimant
fur fa couronne les caradleres auguffes de la religion.
Ce tut par un effet de fa politique qu'il fe fit facrer.
Cette cérémonie, inconnue jufqu’alors dans l’inauguration
des rois , étoit empruntée des Juifs. Bertrade,
femme de fut couronnée pendant la même ceremonie.
Le commencement du regue de Pepin fut
fignale par des victoires remportées fur les Saxons
révoltés. Ces peuples, toujours malheureux dans
leurs guerres contre les Auffraliens, ne pouvoient fe
rcloudre a leur payer les tributs auxquels on les
avoit loumis; leur indocilité leur caulà de nouveaux
ravages ; toutes leurs provinces furent pillées ; ré-
lome IFy
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diiits à demander la jiaix, ils ne l’obtinrent qit’cn
aggravant le fardeau dont ils pi étendoienî fedébarraf- 1er. Ils ajoutèrent trois cens chevaux à un tribut de
500 boeufs auquel ils éioient déjà afinjettis; 6c ce qui
augmentoit la honte de cette (crvitiide , ils dévoient
les^ amener eiix-mcjnes 6c les j)réfenrer dans rafienr*
blee du champ de Mars. Cependant Zacharie ne put
recueillir le tnilt de l'oracle qu’il avoir rendu. Il s’é-
loit flatté qu’on lui doiineroic i’Exarcat 6c la Penta-
pole que les Lombards venoient de conquérir (ur
les Grecs ; il mourut (ur ces entrefaites. Etienne II,
fon fuccefieur, brûla comme lui du defir de régner
fur ces riches provinces. Non moins politique que
Zacharie, Etienne commença par s’affurcr de la pro-
leftion de Pepin, qui feul ctoit en éiat de le mettre
en jiolfeffïon du pays dont il ambitionnoit la domination.
II envoya des députes à la cour du monarque
qui l’afilira de fa protedion 6c de fon amitié. Le pontife
fe rendit eniuitc à la cour d’Adolphe, roi des
Lombards ; alors paroifîant animé d'un zele légitime
pour (on fbuverain, ii lui fit les inffances les plus vives
, afin de l’engager à faire la paix avec l’empereur
de Conffantinople & à lui refiituer les terres qu’il
avoit conquiles. Adolphe devina ailcment le motif
du voyage d'Etienne, il avoit connu les intrigues de
fon prédécelleur ; il fentoit bien , par la n iture de fes
demandes, qu’il n’afpiroii qu’à lui iulcitcr un ennemi,
lin’-omitrien pour l’engager à changer de réfolution :
il s’olftit même de lui rendre philieurs places dont il
avoit fait récemment la conquête : mais le pontife
étoit alTuré de la protection de Pepin, il fut inflexible.
Il pafia les Alpes 6c vint à Pomis, dans le Parfois,
où la cour alla le recevoir. Pepin lui témoigna les
plus grands égards, 6c le pape en reconnoillance ,
n’oublia rien pour confacrer i’ufurpaiion de ce
prince. Il lui donna l’abfolution du parjure donc
il s’étoit fouillé an dépofant Childéric, aucjnel en
fa qualité de maire du palais de Neudrie, il avoit
fait ierment d’obéifiance. Pepin , plein de reconnoillance
pour tant de lervices , ne clemandoit qu’à paffer
les Aljies; mais comme U ne pouvoir, ou plutôt
comme il ne vouloir rien entreprendre fans l’agrément
des feigneurs qu’il eût été tres-dangereux de
mécontenter , il convoqua une afiemblée à Querci
lur l'Oile dont la conclufion fut très - contraire aux
efpérances d’Etienne; les feigneurs reprefenterentà
Pepin qu’il ne devoit point quitter fes états pour aller
fans profit & lans inrérêc verfer le fang de fes peu-
])les , fans autre morit que de ruiner un roi fon allié
6c qui n’avoit rien fait dont les François pufient
s’offenfer ; ils déclarèrent qu’il falloir attendre qu’E-
tienne eût des motifs de plaintes plus légitimes ,
avant d’entreprendre la guerre contre les Lombards.
Cet avis ayant prévalu, on envoya des amballa-
deurs à deifein de prévenir tout prétexte de guerre
; mais Pepin avoit choifi ces ambalTadeurs ; ils
rendirent la guerre indifpeniàblc. Ils exigèrent d’Af-
tolphe, qu’il leur remît l’Exarcat 6c la Pentajiole fur
lefqueiles ils n’avoient aucune apparence de droit.
Ces provinces dcpendoient de l’empire Grec; ce n’ç-
toit pas à Pepin, mais à l’empereur à les réclamer 6c
à fe plaindre. Aftolphe coni'entoit cependant à faire
le facrifice d’une partie de fes droits, 6c propofoit de
renoncer à la louverainté de Rome qui dépendoit de
Ravenne, capitale de i’Exarcat, 6c à remettre plufieurs
places qu’il avoit conquiles récemment dans
la Romagne.
Tant de modération de la part du prince Lombard
ne fut pas capable de rétablir le calme ; on lui envoya
de nouveaux ambafiadeurs qui lui expoferent,
de la part d’Etienne, les motifs fur lefqueis il appuyoit
fa réclamation ; mais tandis que l’on amulbit les
Lombards par des ambafiadeurs, Pepin dil'pofoit, en
faveur du S. fiege, des terres de leurs conquêtes. La
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