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cettc maxime à Fabius; ÔC cependant elle eft d’Alexandre
!ui-mcnic.
C ’cil une rcriié rare en fait de moeurs que celle
du caradere d'AcInlle dans Ion entrevue avec
Priain ; & a lejugcr par les moeurs adfuellcs , il pa-
roîtroit bien étrange que le meurtrier d’Hedor s’établît
le conl'olateur de fon pere , & lui tînt ce dif-
cours, qui dans les moeurs antiques & dans l’opinion
de la fatalité eil finaturel &c fi beau : « Ah , malheu-
f> reux Prince , par quelles épreuves avez-vous
palTé J Comment avez-vous ofé venir feul clans
» le camp des Grecs, & foutenir la préfcnce d’un
» homme qui a ôté la vie à un fi grand nombre de
» vos enfans , aont la valeur éioii l’appui de vos
» jîcuples } Il faut que vous ayez un coeur d’airain.
» Mais aÜcycz-vous lur ce fiege Ik. donnons qiiel-
» que treve à notre alïîidion. A quoi fervent les
» regrets & les plaintes ? Les dieux ont voulu que
» les chagrins 6i les larmes compofaflent le tiflii de
la vie des mitérables mortels.........Mon pere en
» efl une preuve bien fignalée : les dieux l’ont com-
» blé de faveurs depuis fa nailîance; la fortune k
»» fes richefi'es palî'ent celles des plus grands rois . ..
» Il n’a de fils que moi, qui luis deltmé a mourir
» à la fleur de mon âge, k qui pendant le peu de
» jours qui me refient, ne puis être près de lui
»> pour avoir foin de fa vieillelTe ; car je luis éloigne
»> de ma patrie, attaché à une cruelle guerre lur
» ce rivage, k condamné à être le fléau de votre
famille k de votre royaume , tandis que je laifie
mon pere fans confolation k l'ans fecours. Et vous
» nicme , n’ctes vous pas encore un exemple épou-
» vaniable de cette v é r i t é ? . . . . Mais fupportez
« courageufement votre fort, k ne vous abandon-
M nez point à un deuil fans bornes : vous n’avance-
» rez lien quand vous vous défefpérerez pour la
» mort de votre fils , k vous ne le rappellerez
» point à la vie, mais vous l’irez rejoindre, après
» avoir achevé de vuider ici bas la coupe de la co-
» lere des dieux ». C’efi là ce qu’on appelle les
moeurs locales, k la vérité relative.
Le poète ne nous doit la raWts abfolue que lorf-
qu’ll parle lui-même ou qu’il donne celui qui parle
pour un homme fage , éclairé, vertueux, comme
Burrhus, Alvarès, Zopire; dans tout le refie il ne
répond que de la vériii relative ; k il eft abfurde de
lui faire un crime de la fcélérateffe d’Atrée, de
NarcilTe ou de Mahomet. (A/. Ma rm o n t e l . )
§ VERS , f. m. ( Pocjle. ) Le fentiment du nombre
nous elï fi naturel,que chez les peuples lesplus
fauvages , la danl'e k le chant font cadencés. Par la
même raifbn, dès qu’on s’eft avifé de parler en
chantant, les Tons articulés ont dû s’accommoder
au chant. Telle efi l’origine des vers. IlLud quidem
cenuni ^ omnern pocfiri olirri cantatam fuiÿe. ( llaac
VolTuis. ) Ce qui les difiingue de la proie, c’eft la
mefure ou le riihme , la cadence ou le nombre, k
la rime ou la confonnance des finales.
Chez les anciens, la rime n’étolt connue que dans
la proie ; ils avoient fait un ornement du fiyle , de
donner quelquefois la même définance à deux membres
de période ; & on appelle cette figure de mots
fimiliter cadens, fimiliter dejintns. Ils le plailbient
aulfi quelquefois à faire rimer les deux hemifiiehes
du vers pentamètre Si de l’alclépiade.
Dans la baffe latinité, lorfqu’on abandonna le
vers métrique, c’eft-à-dire le vers régulièrement
mefuré, pour le vers rithmique beaucoup plus facile
, parce que la prolodie n’yétoit plus oblervée,
k qu’il luffifoit d’en compter les fyllabes fans nul
égard à leur valeur; les poètes femirent que des
vers privés du nombre , avoient befoin d’être relevés
par l’agrément des confonnances ; de là l’ufage
de la rime , introduit dans les langues modernes ,
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adopté par les Provençaux, les Italiens , les François
k par tout le refic de l’Europe. Poye^ Rime,
Le vers ancien avoir tantôt des mefures égales ,
comme lorfqu’ii étoit compofé de daèlyles k de
Ippndces qui font l’équivalent l'un de l’autre; k
quelquefois chacun de ces pieds avoit fa place invariable
comme dans i’afclépiade; quelquefois le
poète avoit la liberté de les fubflituer l’un à l’autre
comme dans fhexametre , où le claèlyle n’eft obligé
qu’au cinquième pied, k le Ipondce qu’au fixieme;
encore fl le caraètere de l’exprefTion k l’harmonie
imitative le demandoient, pouvoit-on mettre au
cinquième pied le Ipondée au lieu du daèfyle qu’on
jilaçoit alors au quatrième ; k cette licence don-
noit au vers le nom de fpondaique. C’efi l’égalité de
ces deux mefures, k l'hcureufe liberté qu’a le
poète de les combiner à Ibn gré ; c’eft-là , dis-je ,
ce qui fait de l’hexametre le plus régulier, le plus
varié k le plus beau de tous les vers. Tantôt le vers
ctoif compofé de mefures inégales comme du fpondée
de riambe, du chorée k du daètyle, k c’efi ici
que notre oreille efi en défaut. Quel pouvoir être
en efiet l’agrément de ce mélange de pieds inégaux,
les uns à quatre rems k les autres à trois ?
On le conçoit dans le vers de i’iambe defiiné
à la poéfie dramatique, k préféré par e lle ,
comme le dit Horace , parce qu’il approchoit plus
de la marche libre k irrégulière de la profe; mais
dans les vers lyriques, comment concilier avec la cadence
du chant, I’incgalitc des mefures, k le paf-
fage alternatif du fpondée à Fïambe , du chorée au
daélyle? C’efi une énigme dont la mufique ancienne
poLirroit feule donner le mot. Nous favons feulement
que par des filences on fuppléolt quelquefois
aux teins qui manquoieni à un vers. Dans le phaleu-
que ou hendecafyllabe , régulièrement compofé de
fix longues k de cinq breves, ce qui failbit dix-
fepî tems, Saint Augiifiin nous dit qu’on en laifibit
julques à quatre à fuppléer par des filences.
Le nombre a été confondu jufqu’ici dans nos vers
avec la mefure, ou plutôt on ne leur a donné ni
mefure ni nombre précis; c’ert pourquoi il eft fi facile
d’en faire de mauvais, k fi difficile d’en faire de
bons.
Nos réguliers font de douze, de dix, de huit
ou de fept fyllabes; voilà ce qu’on appelle mefure.
Le vers de douze efi coupé par un repos après la
fixieme , k le vers de dix après la quatrième ; le repos
doit tomber fur une fyllabe fonore, k le vers
doit tantôt finir par une fonore, tantôt par une
muette. Voilà ce qu’on appelle cadence.
Toutes les fyllabes du vers ^ excepte la finale
muette, doivent être fenfibles à l’oreille. Voilà ce
qu’on appelle nombre.
On fait que la fyllabe muette efi celle qui n'a
que le Ion de cet. e foible qu’on appelle muet ou féminin
; c’eft la finale de vie k de fiarnme. Toute
autre voyelle a un ibn plein.
Dans le cours du vers , Ve féminin n’eft admis
qu’autant qu’il efi foutenu d’une confonne, comme
dans Rome k dans gloire. S’il efi feul, fans articulation
, comme à la fin de vie k d’année, il ne fait
pas nombre, k l’on efi: oblige déplacer après lui
une voyelle quirefface, comme vi 'active, anné'
abondante; cela s’appelle élifion. L’/z initiale, qui
n’eft point afpirée, efi nulle k n’empêche pas l’c-
llfion.
On peut éiider Ve muet final, quand même il efi
articule ou foutenu d’une confonne, mais on n’y elt
pas obligé ; gloire durable, k glnir 'éclatante font au
choix du poète. Si l’on veut que l’c muet articulé
fafle nombre, il faut feulement éviter qu’il fbit fuivi
d’une v o yelle ; comme fi l’on veut qu’il s’élide, fi
faur
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faut qu’une voyelle initiale lui fuccede immédiatement.
Dans la liaifon d'hommes illufrcs, Ve muet
d'hommes ne s’élide point; l’4 finale y met obfiacle.
Le repos de l’hémifiiche ne peut tomber que fur
une fyllabe pleine ; fi donc le mot finit par une fyllabe
muette, elle doit s’élider, k l’hémifiiche s’appuyer
fur la fyllabe qui la précédé.
Il n’y a d’élifion que pour Ve muet; la rencontre
de deux voyelles fonores s’appelle hiatus , k l’hia-
tus eft banni du vers. Je crois avoir prouvé qu’on a
eu tort de l’en exclure. Quoi qu’il en foil, l’ufage
a prévalu, b^oyer^ Hia tus. Suppl.
J’ai dit que la finale du vers efi tour-à-tour fonore
& muette. Le vers à finale fonore s’ajjpelle mafcuUn,
les Anglois le nomment vers à rime Jimplc, k les
Italiens , vers tronqué. Le vers à finale muette, s’ap-
pelIe/tfV«//2i/z, les Anglois k les Italiens le nomment
vers à rime double. Il efi vrai que dans le vers françois
la finale muette efi plus foible que dans le vers italien;
mais l’une eft auffi breve que l’autre, k c’eft
de la durée, non de la qualité des fons que rcfitlte
le nombre du vers.
Cette finale fur laquelle la voix expire, n’étant
pas alTez fenfible à l’oreille pour faire nombre, on
la regarde comme fuperfîue, k on ne la compte
pas. Le vers féminin, dans toutes les langues, a
donc le même nombre de fyllabes que le versmaÇ-
ciilm, k de plus fa finale muette.
Les vers mafeulins fans mélange auroient une
marche brufque k heurtée ; les féminins fans
mélange auroient de la douceur, mais de la mollefTe.
Au moyen du retour alternatif k périodique de ces
deux elpeces de vers, h dureté de l’un k la mollefTe
de l’autre fe corrigent mutuellement, k la variété
qui en reluire efi je crois un avantage de notre poéfie
lur celle des Italiens, fur-tout fi l’on s’applique à
donner à l’entrelacement des rimes toute la grace
qu’il peut avoir.
On a voulu jufqu’à préfent que la tragédie & l’épopée
fufient rimees par difiiques,& que ces difii-
ques fufibnt tour-à-tour mafeulins k féminins. On
a permis les rimes croifées au poeme lyrique, à la
comédie , à tout ce qu’on appellepoéfes familières &
poefies fuguives, Ainfi la gone Ce la monotonie font
pour les longs poemes, & les plus courts ont le double
avantage de la liberté k de la variété. N’oft.ce
pas plutôtaux poèmes d’une longue étendue qu’il eût
fallu permettre les rimes croifées? Je lecroirois plus
jufte, non feulement parce que les w s mafeulins
k féminins entrelacés n’ont pas la fatigante monotonie
des difiiques , mais parce que leur marche
libre , rapide k fiere donne du mouvement au récir,
de la véhémence à l’aêfion, du volume & de la rondeur
à la période poétique. On a pris pour de la ma-
jefié la pel'anteur des vers qui-fe tiennent comme
enchaînés deux à deux, & qui fe retardent l’un l’autre
; mais la majefié confifie dans le nombre, le coloris
, l’éclat k la pompe du fiyle; k le morceau le
plus majefiueux de la poéfie françoife , la prophétie
de Joad dans ^thalie, eft écrit en rimes croifées
Voyez de même dans l’opéra de Proferpinc, s’il
manque rien à la majefié des vers entrelacés dans le
début de Pluton. Du refie, on fait que la nécefiité
genante k continuelle de deux rimes accouplées
amène fouvenr des vers foibles S: furperfiusror, une
difficulté Infruélueufe eft toujours un vice dans l’art.
D ’un autre côté , les rimes croifées donnant plus
d aifance à la veriification, il arrive communément
qu’étant plus libre elle efi auffi plus lâche : c’eft un
ecucil à éviter , k moins Part efi févere, plus l’ar-
lifte doit l’être.
De quelque façon que l’on entrelace les rimes ,
I oreille exige qu’il n’y ait jamais de fuite deux finales
pleines, ni deux muettes de différens fons.
Tome IFt
V E R 985 comme vamqueur k combat, comme viélolre k couronne.
Elle demande auffi que la rime ne change qu’au
repos abfolu. C eft une regie trop négligée ; elle a
cependant fon exception non feulement dans le dialogue,
maislorfqu’une longue fuite de vers efi terminée
par un vers ifolé dont la penfée efi d’un grand
poids; alors ce vers jetté feul k fans rime, n’en eft
que plus étonnant pour l’oreille: on fait donc bien
derelerver la rime pour la reprîfe qui le fuit.
Peut-etre y a-t-il encore de nouveaux moyens
cl ajouter au nombre & à l’harmonie de nos vers ; k
a recherche de ces moyens, inutile aux poètes qui
ont 1 oreille fenfible k jufte, je la recommande à
ceux qui, doues du talent de la poéfie, n’ont pourtant
pas reçu de la nature cette délicatefle d’organe
qui lupplee aux regies de l’art. °
Le de dix fyllabes françois répond au vers
héroïque Italien que les anglois ont adopté, avec
cette différence que dans le vers françois le repos eft
conftamment après la quatrième fyllabe, & que Je
Italien s’appuie tantôt fur la quatrième , tantôt
fur la fixieme ;enforte qu’il efi divifé par fon repos
en 4 & 6 , ou en 6 & 4. ^
Ce changement de coupe répugne à notre oreille,'
k nous avons pour nous l’exemple des anciens oui,
dans l’alcaïque & le faphique, modèle du vers de dix
fyllabes, frappoient fur la quatrième, laifl’ant la cinquième
en fulpend ; mais les vers héroïques italiens
étant féminins prefque fans mélange , ils feroient
monotones s’ils avoient tous la même coupe, au
heu que de notre vers de dix fyllabes la marche eft
régulière k n’eft point fatigante; il coule de fource ;
lUft doux fans lenteur; il efi rapide fans cafeade ;
l’inégalité des cleux hémlfiiches avec le mélange des
finales alternativement fonores & muettes, en fup-
pofantles rimes croifées, fuffit pour le fauver de \a
monotonie fans qu’on altéré le mouvement.
Il faut avouer cependant qu’il n’y a que les vers
grecs k latins où la variété des nombres fe concilie
pleinement avec la régularité de la mefure, k c’efi
dans cette fource qu’on doit piiifer l’art de la verfi-
fication ; mais pour tirer quelque fruit de l’exemple
des anciens, il faut fè bien perfuader que notre langue
a la profodie , ou peut l’avoir comme les leurs,
k nous commençons à le croire.
11 eft vrai que dans la langue françoife, comme
dans toutes les langues, tels nombres font plus rares
& tels nombres p]i,s familierst a.iffi n’ell-elle pas
indilterente a toutes les formes de vers; k de-JA
vient, par exemple , le mauvais fuccès de nos anciens
poètes qui ont voulu compofer en françois des
vtwélégiaques fur le modèle des latins. xMais cela
prouve leulemem qu’ils n’avoient pas étudié le ca-
raftere de la langue ; & il n’en efi pas moins vrai
qu’il y a des_ mouvemens qu’elle obferveroit fans
effort: il luffiroit pour cela qu on voulût bien accorder
à la profodie poétique ce que l’oreille ne lui
reftife pas, k ce que lui permet l'ufage.
A propos de Ve féminin qui, redoublé à la fin d’un
mot, fe change en e mafcuün fur la pénultième , «la
» langue,, dit M. l’abbé d’Olivct, a confulic les
» principes de l’harmonie cjui demandent que la pc-
» nultieinc foit fortifiée, ii la derniere efi muette»’ .
Ilobfcrve ailleurs: « qu’une fyllabe douteufe , k
» qu’on abroge dans le cours de la phrafe, efi alon-
» gee, fi elle le trouve à la fin ; on dit un homme hon>
» neti, un homme brave; mais on dit un honnïte-
» homme, un brave homme »».
^ 11 fait remarquer aulîi que la premiere fyllabe
d’/;<.v/re efi breve dans,«/;e heure entiae, k longue
dans , depuis une heure, par la raifon que dans i'une
elle efi pafiàgere , & que dans l'autre c’efi le point
du repos.
Le même, après avoir mis au nombre des fvHabe»
I I l i i j
te-.
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