668 R O M gouvernement. Romain clcgradé_ revendiqua fes
droits les armes à la main , mais il fut vaincu par
Andronic Docas, qui l’obligea de chercher une retraite
dans la CiÜcie. Le timide Michel craignant
qu’il ne le relevât de l'a chute, lui offrit de partager
l’Empire. Roiiuiin vaincu rejetta cette offre avec
autant de mépris que s'il eût été vainqueur ; il leva
une nouvelle armée, mais il fut trahi par fes Ibl-
dats , qui le forcèrent d'abdiquer & de s’enfevelir
dans robfcuritc d’un cloître : Michel le fît affurer
qu’il ne lui feroit aucun mal, & il étoit bien ré-
Iblu de tenir fa promeffe ; mais fon oncle Jean
Ducas qui voyoit clans Romain défarme un ennemi
toujours redoutable , lui ht crever les yeux ; il ne
furvécut pas long-temsà fon malheur : l’impératrice
Eudocie , cjui l’avoit accompagné dans Ion e x il,
lui rendit les honneurs de la lépulture ; U avoit régne
environ quatre ans. Les Turcs, fous prétexte
de venger fa mort , ravagèrent toute l’Afie.
ROMAINS (^Milice des^ , Art milit. des anciens.
Les Romains^ perfuadés qu9 ce n’eft ni du nombre
nid’une valeur aveugle qu’il faut attendre la viéloire,
& qu’elle fuit prefque toujours dans les combats la
capacité & la fcience des armes , ne fe fervirent
d’autres moyens, pour fubjuguer la terre , que d’une
pratique continuelle des exercices militaires, d’une
bonne difeipline dans les camps, & d’une attention
confiante à cultiver les armes. Convaincus, parleur
propre expérience , que les Gaulois l’emportoient
fur eux parle nombre de leurs troupes; qu’ils étoient
inférieurs aux Germains pour la taille,aux Efpagnols
en nombre & en force de corps , aux Africains en
richefi'es & en rufes, Si aux Grecs en génie & en
lumières ; pour s’oppofer à ces avantages , ils s’attachèrent
à choilir leurs nouveaux foldats, à les dreffer
au maniment des armes , à leur fortifier le corps par
l’habitude du travail, à les préparer dans les exercices
duchamp de Mars à tout ce qui pouvoir arriver
dans les batailles, à établir des punitions féveres
contre les pareffeux.
Ils n’avoient pas plutôt enrôlé les foldats, qu’ils
les accoutumoient à travailler aux camps, à marcher
en troupe, à fe contenter d’une nourriture frugale
& grofficre , à porter des fardeaux, à ne point
craindre le folell ni la poufliere , à paffer les nuits ,
tantôt fous des tentes , tantôt à découvert. Ils leur
montroient enfuice le maniment des armes ; & lorf-
qu’ils prévoyoient qu’ils pouvoient en avoir befoin
pour une longue expédition, iis les tenoient, le
plus long-rems qu’ils pouvoient , dans des camps ,
pour qu'ils puffent fe former le corps par cette vie
militaire , ÔC prendre l’efprit du métier. Il eff vrai
que dans les premiers tems de la république ils levèrent
les armées dans Rome ; mais les foldats ne pouvoient
s’amollir dans une ville oîi l’on ne connoiffoit
ni luxe ni plaifirs. La jeunefle , après la fatigue de
la courfe & d’autres exercices , alloit nager dans le
Tibre, & y laver fa lueur : ils ne connoiffoient point
d’autres bains. Le guerrier & le laboureur étoient
alors un même homme , qui ne faifoit que changer
dans l’occafion fes outils contre des armes. Tout le
inonde fait qu’on alla chercher Quintius Cincinna-
uis à la charrue pour lui offrir la diclature. Ils recru-
toient principalemcntleurs armées de gens de la campagne
, parce qu’ils comptoient davantage fur leur
courage , facham que ceux qui ont moins goûté des
douceurs dans la v ie , ont moins fujei de craindre la
mort.
Ils recherchoient la grande taille dans le nouveau
foldat , & ne recevoient, parmi les cavaliers des
ailes & les fantalTins des premières cohortes légionnaires,
que des hommes de fix pieds, ou tout au
moiqs de cinq pieds dix pouces ; mais dans la fuite
R O M Us eurent moins d’égard à la grandeur qu’û
force.
Celui qui étoit chargé de la levée des troupes
s’attachoit, fur toutes chofes, à connoître, par les
yeux, par les traits du vilage 6c par la conformaiion
des membres, ceux qui pouvoient faire les meilleurs
foldats. Ils excluoient de la milice les pêcheurs les
oifeleurs, les pâtilfiers ou gens de cuifme , les tifre-
rands, 6c en général tous ceux qui exerçoient des
prof'effions qui ne conviennent qu’aux femmes. Us
leur préferoient les forgerons , les charpentiets, les
bouchers & les chaffeurs de bête fauve.
Tous les foldats , fans exception , apprenoicnt à
nager. Aufli les Romains , formés à la guerre par la
guerre même, avoient-ils choili, pour leur champ
de Mars , un lieu voifin du Tibre. La jeuneffe por-
toit dans ce fleuve la fueur & la pouffiere de fes
exercices , & fe délaflbit, en nageant, de la fatigue
de la courfe.
Indépendamment de la nage, ils avoienl l’exercice
du faut qui mettoit le foldat en état de franchir fans
peine des foffés ou des hauteurs enibarraffantes.
Celui du pieu étoit très-propre à les façonner. On
leur donnoit des boucliers ronds d’ofier qui pefoient
le double de ceux dont on fe fervoit à la guerre , tSc
des armes de bois une fois plus lourdes que l’épée.
Avec ces efpcces de fleurets on les faifoit efcrinier
le matin & l’après-midi contre un pieu. Chaque
foldat plantoit fon pieu de façon qu’il tînt fortement,
& qu’il eût fix pieds hors de terre ; & c’elt contre
cet ennemi qu’il s’exerçoif, tantôt lui portant fou
coup au vifage ou à la tête, tantôt l’attaquant par
les flancs, & quelquefois fe mettant en poftiire de
lui couper les jarrets , avançant, reculant, & tâtant
le pieu avec la vigueur & l’adreffe que les combats
demandent. Les maîtres d’armes avoient fur-tout
attention que les foldats portafl'ent leurs coups fans
fe découvrir.
On leur montroit principalement à pointer ; car
les Romains ont non-leulement battu aifément leurs
ennemis qui ne faifolent que fabrer, ils les ont même
méprifés. La raifon en eft qu’avec quelque force
qu’un coup de tranchant foit appuyé, il tue rarement
, parce que les armes défenfives & les os l’empêchent
de pénétrer ; au lieu que la pointe , enfoncée
feulement de deux doigts, fait fouvent une
bleffure mortelle.
Les nouveaux foldats apprenoient encore l’exercice
de l’efcrime. Les Romains étoient lî perfuadés
de l’utilité de cet exercice , qu’ils donnoient double
ration aux maîtres d’armes. Les foldats qui n’avoient
pas bien profité de leurs leçons, recevoient leur
ration en orge, & on ne la leur rendoit point en
bled , qu’ils n'eufl'ent fait preuve de leur capacité
en préfence des tribuns & des autres officiers de la
légion.
Ils joignoient à l’exercice du pieu celui du javelot
: il confiftoit à leur faire lancer contre le même
pieu de faux javelots beaucoup plus pefans que les
véritables. Les maîtres d'armes leur apprenoient à
le jetter avec roideur, & les porter au but. Leurs
bras fe fortifioient par cet exercice, & ils apprenoient
à affurer leurs coups.
Ils falfoient encore exercer la trolfieme ou la quatrième
partie des plus jeunes foldats & des phis
leffes, à tirer contre le pieu des fléchés fauffes avec
des arcs faits exprès. Ils les exerçoient aufli à jetter
adroitement des pierres avec la fronde & à la main-
En effet des cailloux ronds, lancés avec force, fout
plus de mal, malgré les cuiraffes & les armures, que
n’en peuvent faire les fléchés, & l’on meurt de la
contufion fans répandre une goutte de fang. D ailleurs
cette arme n’eff point einbarraffante â porter,
R O M J: elle peut être d’un grand fecours, foît qu’on
engage une affaire dans des lieux pierreux, foit qu’il
s’agiffe de défendre l’approche d’une montagne ou
d’une colline , ou qu’il faille repouffer l’ennemi ù
l’attaque d’une ville ou d’un château.
L’ufage des fléchés plombées faifoit encore partie
des exercices des foldats Romains. Ils eurent dans
riliirie deux légions, compofées chacune de fix mille
hommes, qu’ils nommèrent martiobarbuUs, parce
qu’ils lançoient vigoureufement & avec adrefl'e ces
fortes de traits.
Les Romains exerçoient leurs nouveaux cavaliers
à voltiger , pendant l’hiver, clans un lieu couvert,
& pendant l’été dans le champ de Mars. Iis avoient
pour cet effet des chevaux de bois, fur lefquels ils
voltigeoient d’abord fans armes, & enfiute tout
armés. Ils apprenoient à monter & à defeendre également
de droite & de gauche , l’épée ou la lance à
la main.
'Ils accoutumoient encore rinfanterie à porter des
fardeaux de foixante livres, & les faifoient marcher
ainfi chargés , pour les accoutumer de longue main
à porter enfemble leurs vivres ôc leurs armes dans
des expéditions difficiles.
Les Romains diviiôienr leur milice en trois parties,
cavalerie , infanterie êc marine, llsappelloient
vcxilluùon , du nom de fes enfeignes, ce qu’on ap-
pelloit autrefois aile de cavalerie. Ce mot à''aile vient
de ce que la cavalerie couvroit à droite & à gauche
le corps de la bataille. llsappelloient cavaliers légionnaires
, ceux qui étoient attachés aux légions.
Ils avoient deux fortes de flottes , compofées
l’une de navires de guerre appelles Liburnes y l’autre
de pataches ou barques armées. La cavalerie leur
fervoit à garder les plaines, les flottes les mers
& les fleuves, & l’infanterie pour défendre les collines,
les villes , la rafe campagne , &c.
Ils divifoient l’infanterie en deux corps, en légions
& en troupes auxiliaires. C ’éroient les allies
ou les nations confédéréesquifourniffoient celles-ci ;
mais la force du peuple Romains toujours confiflé
principalement dans la belle ordonnance de fes propres
légions.
Le nom de légion vient d’un équivalent d’éûVe,
terme qui marque i’exaéfitude & le loin que les com-
mill'aiçes doivent apporter dans les levées. Les légions
formoient ordlrtairement un corps plus confi-
dérable que les troupes auxiliaires.
Les Macédoniens, les Grecs, les Dardaniens , fe
fervoient de phalanges de huit mille combatians. Les
Gaulois, les Celtibérlens , & pluficurs autres peuples
barbares, combattoient par bandes de fix mille
hommes. Les légions des Romains étoient compofees
(le fix mille hommes, & quelquefois plus.
La différence qu’il y avoit entre les légions & les
troupes auxiliaires , etoit que celles-ci étoient formées
d’étrangers l'oudoyés, au lieu que la légion romaine
étoit compofée de troupes qui lui étoient
propres , & réuniffoit dans un même corps l’armure
pefante, c’eft-à-dire, les princes, les haffaires, les
iriaires, les avant-enfeignes, avec les légèrement
armés, les ferentaires, les frondeurs, les arbalétriers
, fans compter la cavalerie légionnaire qui lui '
appartenoit.
Chaque conful ne menoit autrefois contre les ennemis
les plus redoutables, que deux légions renforcées
de troupes alliées , tant on comptoir fur la
difeipline ôc fur la fermeté des légionnaires. Voici la
maniéré dont les Romains formoient leurs légions.
Après avoir choifi avec foin-, pour faire des loi-
dats, des jeunes gens d’une complexion robiifle &
de bonne volonté ; apres leur avoir montré l’exercice
tous les jours pendant quatre mois au moins ,
ils en formoient une légion par ordre fous les
R O M 669 aiifpices du prince. Ils commençoient par imprimer
des marques ineffaçables fur la main des nouveaux
enrôles ,& on recevoii leurferment à mefurequ’on
enregillroit leurs noms fur le rôle de la légion : c’efl
ce qu ils appelloieut U ferment de la milice.
^ Chaque légion étoit de dix cohortes; la première
etoit au-deffiis des autres, par le nombre & par la
qua.ue de les foldats qui dévoient être tous cens
bien ncs & élevés dans les lettres ; elle étoit en pof-
lelhon de i aigle qui etoit l’enfeigne générale des
armees romaines. Elle etoit de douze cens cinq fantalhns
èc de cent trente-deux cavaliers cuiraffes
sappelloit cohorte militaire. C ’étoit la tête de toute
la légion, & c’étüit auffîpar elle qu’on commençoit
a tonner la première ligne, lorfqu’on metioit la légion
en bataille.
_ La fécondé cohorte contenoit cinq cens cinquante-
cinq tantafims & ioixante-fix cavaliers, 6c s’appel-
loit cohorte de cinq cens y comme les autres l'uivantes.
La irojfieme contenoit lemêmenombre de cinq cens
cinquante-cinq fanrairins& de loixanre fix cavaliers,-,
on Id compofoit ordinairement de foldats vjeroureux*
parce quelle occupoic le centre de la première ligne’
La quatrième cohorte etoit aulfi de cinq cens cinr
quante-cmq faniaffins 6c dè foixante-fix cavaliersv
La cinquième , de cinq cens cinquante cinq fantaf-
1ms & de loixante-fix cavaliers ; elle demandoit encore
de braves gens, parce qu’cHe fermoit la gauche
de même que la première fermoit la droite. Ces cinq
cohortes formoient la première ligne. ^
_ La fixieme cohorte etoit compofée de cinq cens
cmquante-cmq fantafllns 6c de loixante fix cavaliers;
elle étoit compofée de la fleur de la jeuneffe
parce quelle étoit placée dans la fécondé ligne’
fous la première cohorte , derrière l’aiole & les
images des empereurs. La feptieme & huiaeme cohortes
étoient pareillement compofées du meme nombre
de fanraffms 61 de cavaliers ; mais on choifilToic
pour cclle-ci de bons foldats, parce qu’elle occupoit
le centre de la fécondé ligne. La neuvième étoit de
cinq cens cinquante-cinq tantalîins & de foixante fix
cavaliers; !a dixième de même , mais e/îe étoit
compofée de bons foldats, parce qu’elle fermoit la
gauche de la fécondé ligne.
Ces dix cohortes formoient une légion complettô
de fix mille ceni tàmaffins, & de ffpt cens vingt-
fix cavaliers. On la faifoit quelquefois plus forte ,
en y aiouiant une cohorte militaire.
Les officiers qui commandoient la légion étoient
le grand tribun, qui étoit créé par un brevet de
l’empereur; le petit tribun , qui le devenoit par fes
fervices. Le nomderr/é«« vient de tribu , parce qu’il
commandoii les foldats que Romuius leva le premier
partiibus. Les ordinaires étoient des officiers fupé-
lieurs , qui dans une bataille menoient les ordres
ou certaines divifions. Ceux qu'Augufte leur joignit
le nommoient Augufialitns, 6c l’on appelloit
FLivicns ceux que Flave Ve-fpafien ajoiiia aux légions
pour doubler les auguftalicns. Les porte-aigles
6c les porte-images étoient ceux qui portoieni les
aigles Ôi les images des empereurs.
Les optioqnalres font des lieutenans d’officiers plus
élevés, qui fe les affocient par une el'pcce d’adoption
pour faire leur férvice en cas d’abience ou de
maladie.
Les porte enfeignes font ceux qui portoient les
enfeignes : on les nommo t aulli dragonaires.
Les lefféraires étoient ceux qui portoient l’ordre
aux chambrées.
Ceux qui étoient chargés de faire faire les exercices,
avoient deux mots honoiables qui exprimolent
l’utUité de leurs fonétions.
Les marqueurs de camp marchoient devant l’armée
pour choifir les campemens.
n i i l . ' ' '
. i v : l'Séf’'-il!