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avec une certaine précifion , le mnücien , pour fuî-
vre la parole , doit au moins les imiter le plus qu’ il
ert polfible, & afin de porter dans re/prii des auditeurs
l’idée des intervalles & des accens, qu’il ne
peut exprimer en notes, il a recours à destranliiions
qui Icsluppolent ; fi par exemple , l’intervalle du
fcini ton majeur au mineur lui ell nccelTaire , il ne le
rotera pas, il ne fauroit ; mais il vous en donnera
Fidée à l’aide d’un paffage enharmonique. Une marche
de balle fuffit fouvent pour changer toutes les
idées & donner au récitatif VaccGnt 6c l’inflexion que
l’aélcur ne peut exécuter.
Au relie , comme il importe que l’auditeur foit attentif
au récitatif 6c non pas à la balTe , qui doit faire
Ibn effet fans être écoutée, ilfiiitde-là que la baffe
doit relier fur la même note autant qu’il eff poffible ;
car c’eft au moment qu’elle change de note de frappe
une autre corde, qu’elle fêtait écouter. Ces momens
étant rares 6c bien choifis , n’ufent point les grands
effets ; ils dillrailént moins fréquemment le fpcdla-
leu r , & laiflent plus ailément dans la perfuafion qu’il
n’entend que parler, quoique l’harmonieagiffe continuellement
fur fon oreille. Rien ne marque un plus
mauvais récitatif, que ces baffes perpétuellement
fautülanres qui courent décroché en croche après
la lucceffion harmonique , & font tous la mélodie
de l;t voix , une autre maniéré de mélodie fort plaie
& fort ennuyeufe. Le compofiteur doit favolr prolonger
6i varier fes accords fur la même note de
baffe , 6c ifen changer qu’au moment où l’inflexion
récitatif à<tvenMU plus vive , reçoit plus d’effet
par ce changement de baffe , 6c empêche l’auditeur
de le remarquer.
Le/-fC/zar//ne doit fervir qu’à lier la contexture
du drame , à Icparer 6c à taire valoir les airs, à prévenir
rétourdifiement que donneroie la continuité
du grand bruit ; mais quelqu’eloquent que foit le
dialogue , quelqu’énergique 6c favant que puiffe être
le récitatif, il ne doit durer qu’autant qu’il ell nécef-
faire à fon objet, parce que ce n’eff point dans le
récitatif qu’agit le charme de la mufique , 6c que ce
n’eff cependant que pourdéployer cescharmes,qu’eft
inftitué l’opéra. O r , c’eft en ceci qu’ eft le tort des
Italiens , qui par l’extrême longueur de leurs l'cenes ,
abufent du Quelque beau qu’il foit en luimême
, il ennuie parce qu’il dure trop , 6c que ce
n’eft pas pour entendre du récitatif que l’on va à Topera.
Démoffhene parlant tout le jour , enniiieroit à
la fin ; mais il ne s’enfuivroit pas de-là que Démof-
thene fin un orateur ennuyeux.
J'ajoute que quoiqu’on ne cherche pas communément
dans le récitatif \a même énergie d’expreflîon
que dans les airs , elle s’y trouve pourtant quelquefois
; & quand elle s’y trouve, elle y fait plus d’effet
que dans les airs même. Il y a peu de bons opéra,
où quelque grand morceau de ré£i^tir//'n’excite Tad-
miration des connoiffeiirs& l’intérêt dans tout le fpec-
tacle ; Teffei de ces morceaux montre affez que le défaut
qu’on impute au genre, n’eff que dans la maniéré
de le traiter.
M. Tartinl rapporte avoir entendu en 17 14 , à
Topera d’Ancone ,un morceau de récitatif d'une feule
ligne, 6c fans autre accompagnement que la baffe ,
faire un effet prodigieux, non-feulement fur les pro-
feffeurs de-Tart, mais fur tous les fpeèlateurs. « C é -
» toit, dit-il, au commencement du troifieme a£le.
» A chaque repréfemation , un filence profond dans
»> tout le fpeélacle , annonçoit les approches de ce
» terrible morceau. On voyoit les vifages pâlir ; on
» fe fentoit friffonner , & Ton fe regardoit Tun &
w Tautre avec une forte d’effroi : car ce n’étoient ni
» des pleurs ni des plaintes ; c’étoitun certain fenti-
» ment derigueur âpre & dédaigneufe quitroubloit
» Tame, ferroit le cceur & glacoit le fang ». 11 faut
R E C franferire le paiTage original; ces effets font fi peu
connus fur nos théâtres , que notre langue eft peu
exercée à les expliquer.
L'anno quatordecimo i d fecolo prefente ml dramma
cke Jiraprefintava in Ancona, v\ra f u i principio ddl'
atlo ttr^o una riga ai recicativo non accompagnato da
altrijlromenti chcdalbaffo; per cuitanio in noiproff,
fort , quanto negli afcoltanti , f i defava una tal e tanta
commo^iorii di animo , che tutti f i guardavano tn fuccia
l'un l'attro ptr la evidinu mutaftonc di colore chef,
faceva in ciafeheduno di noi. L\fctto non era di
pianto ( rni ricordo beni (fme du le parole erano difdegno )
ma di un cerio rigore e jreddo ml Jangue , che difitio
turbava l'animo. Tredeci volte f i récité il dramma , e
fernpre fegue l'effetto ftejj'o univerjalmcnte ; di che era
fegno palpabite il jommo previo fUnfio , con cui l'udd
torio tutto f apparecchiava à goderne Cefetto. ( -S' )
R é c i t a t i f a c c o m p a g n é , ( Mufique.') eff celui
auquel, outre la baffé-continue, on ajoute un accompagnement
de violons. Cet accompagnement qui ne
peut guere être fyllabiqiie, vu la rapidité du débit, eff
ordinairement formé de longues notes foutenues fur
des mefures entières,& Ton écrit pour cela fur toutes
lespartiesdefymphoniele mot fofîenuto , principalement
à la baffe qui l'ans cela ne frapperoii que des coups
fees 6c détachés à chaque changement de note,comme
dans le récitatif ordinaire;au Heu qu’il faut alors filer 6c
foutenir les ions felon toute la valeur des notes.Quand
l’accompagnement eft mefuré, cela force de mefurer
auifi \e récitatif y lequel alors fuit & accompagne en
quelque forte l’accompagnement, ( i")
R é c i t a t i f m e s u r é , ces deuxmotsfont contra-
difloires. Tout récitaùfoitXon fent quelqu’autre me-
fureque celle des vers , n’eft plus du récitatif: mais
foLivent un récitatif or6\ua\re fe change tout d’un coup
en chant, 6c prend de la mefure 6c de la mélodie ;
cequife marque en écrivant fur les parties, à tempo
ou à battuta. Ce contrafte , ce changement bien ménagé
, produit des effets furprenans. Dans le cours
d’un récitatif ddh'wé , une réflexion tendre & plaintive
, prend Taccentmuffcal , 6c fe développe à Tinf-
tantparles plus douces inflexions du chant; puis
coupée de la même maniéré par quelqu’autre réflexion
vive & impétueiife, elle .s’interrompt bruf-
quement pour reprendre à Tinftant tout le débit de
la parole. Ces morceaux courts 6c mefiirés, accompagnés
pour l’ordinaire de flûtes 6i de cors de
chaffe , ne font pas rares dans les grands récitatifs
italiens.
On mefure encorele récitatif, lorfqiie Taccom-
pagnement dont on le charge étant chantant & mefuré
lui même , oblige le récitant d’y conformer fon
débit. C ’eft moins alors un récitatif mefuré c\ue,
comme je Tai dit plus haut, un récitatif accompagnant
l’accompagnement. ( 5 )
R é c i t a t i f o b l i g é , c’eft celui q ui, entremêlé
de ritournelles & de traits de fymphonie, oblige
pourainfi dire le récitant & Torcheftre l’un envers
l’autre, en forte qu’ils doivent être attentifs & s’entendre
mutuellement. Ces paflages alternatifs de
récitatif 6c de mélodie revêtue de tout Téclat de Torcheftre
, font ce qu’il y a de plus touchant , de plus
raviffant, de plus énergique dans toute la mufique
moderne. L’afteur agité , tranfporté d’une paflion
qui ne lui permet pas de tout dire , s’interrompt,
s’arrête, fait des réticences , durant lefquelles Torcheftre
parle pour lui; & ces lilences ainli remplis,
afferent infiniment plus l’auditeur, que fi l’afteur
difoit lui-même tout ce que la mufique fait entendre.
Jufqu’ici la mufiquefrançoife n’a Ai faire aucunufage
da récitatif obligé. L’on a tâché d’en donner quelque
idée dans une feene du Devin du village, & il paroît
que le public a trouvé qu’une fituation vive ainfi
traitée, en de venoit plus intéreffante. Que ne feroit
R E C point le récitatif obligé dans feenes grandes '6c
paihétiqiics, A Ton en peut tirer ce parti dans un
genre ruftique badin ? ( -5^ )
II eft clair que clans ces trois efpeces particulières
(le /■ ('c Ad///j-,iIfaut oblcrver les mêmes regies que dans
le récitatif ordinaire. Voyei liÉciT ^{Mufique. )
Suppl. Il n’y a que les endroits du récitatif mefuré c\u\
font marqués à tempo, où Ton puifle prendre plus
de liberté. ( F. D. C. )
RÉCITATION , ( Muficiui.) aéllon de réciter la
mufique. yoyei ci-après R é c i t e r , (^Mufique. )
Suppl. ( S )
RÉCITER , v. a. 6c n. ( Mufique.) c’eft chanter
ou jouer léul danS une mufique; c’eft exécuter un
récit. Voyei R é c i t , ( Mufique. ) Diciionn. raif des
Sciences, 6cc. (iS)
RECKHEIMo«RECK.EM , ( Géogr. mod.)com\é
d’Allemagne Atuc dans le cercle de Weftphalie,
entre Tévêché de Liege 6c le territoire de Mafiricht.
Il appartient à la maifon d’Afpremont, qui prend
place à ce titre dans le college des comtes de la
M’eflp’nalie, & paie 51 rixdallers 45 creutzers à
la chambre impériale. Il renferme une ville de fon
nom, avec quelques villages, & le couvent de
Hoichten. (^D. G .)
RÉCOLTE , f. f. (^(Ecoa. ruß.) fe dit de la dépouille
que Ton fait des fruits de la terre , mais
principalement des bleds & autres grains.
Si la récolte eft le teins où le cultivateur doit jouir
du fruit de l'es peines , c’eft aufii alors un Aircroît
de travail, & Taugînentation du nombre des ouvriers
multiplie les frais. Mais on s’y livre volontiers
dans Tefpérance de parvenir à mettre de bons
grains dans les granges; à ferrer des provifions de
fruits fains ; à faire de bon vin , debonciclre, &c.
Nous parlons de la récolte des fruits, dans leurs articles
refpeèUfs ; nous avons encore eu foin d’in-
ferer ce qui regarde la récolte des diverfes graines,
dans les articles de chaque plante. Ce que nous
dirons ic i, regardera particuliérement la récolte dts
grains : on ne laifléra pas d’y trouver bien des choies
applicables aux autres fortes de récoltes.
Le laboureur doit ufer de toute la diligence pof-
fible pour recueillir fes grains. La grêle qui détruit
tout, les orages qui font verier les plus beaux grains,
le vent violent qui égraine les épis mûrs, 6c qui
mêlant enfemble les pailles , nuit beaucoup à la
commodité 6c à Texaûitude du moiffonneiir ; enfin,
les pluies abondantes qui diminuent la qualité du
grain, ôc qui le font même affez foiivent germer
dans Tépl, font des aeddens à redouter jul'qu’au
moment de la récolte.
Les domeftiques doivent redoubler en ce tenis
leur adivité , pour prêter la main à tout.
Le maître doit s’y prendre de bonne heure pour
s’afiiirer du nombre lliffilant d’ouvriers dont il a
beloin pour la récolte. Les uns ne font que couper,
d’autres mettent en gerbe , d’autres font les tas ,
cbarriem, engrangent, &c.
On convient avec eux des conditions de leur travail
, foit pour les prendre à la tâche, foit à la journée,
ou pour les payer en argent ou parla récolte
même.
L’obligation de nourrir tout ce monde oblige à
fe précaudonner de vivres abondans, 6c lur-rout
de farine : car dans cette laifon les eaux font communément
baffes, 6c il fait peu de vent ; ce qui fait
que, manque de prévoyance, on fe trouve quelquefois
privé de pain, quoique Ton ait beaucoup
de bled, (-f-)
RECONNOISS ANGE, f. f. {Belles-Lettres. Poé/ie?)
pans le poème épique 6c dramatique , il arrive
fouvent qu’un perlonnage ou ne fe connoît pas lui-
lÿême, ou ne connoît pas celui avec lequel il eft
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en adlon ; & le moment 011 il acquiert cette con-
noilfance de lui-même ou d’im autre, s’appelle rc-
connoifjance. C’eft ainli que dans le poème du Taffe,
Tancrede rcconnoîi Clorinde après l’avoir mortellement
bleflée ; c’eft ainfi que dans la Henriade,
d’Ad ly, le pere , rcconnoit fon fils après Tavolr tué
de^ fa main ; c ’eft ainfi que, dans Athalie , cetto
reine reconnoît Joas ; que dans Mérope , Egifte fe
connoît lui-même, 6c que Mérope le reconnoît ;
que dans Iphigénie en Tauride , 6c dans (Ed'ipe,
Iphigénie 6c fon frere Greffe, CEdipe & Jocafte ,
la mere , fc reconnoiffent niutuellement, 6c que
chacun d’eux fe Connoît lui-même.
ü ip v o it , par ces exemples, que \areconnoifi'ance
peut être fimple ou réciproque, 6c que des deux
côtes, ou d’un feul, ce peur être foi que Ton re-
connoifie, ou un autre , ou un autre êcfoi en meme
tems.
On peut confulter la poétique d’Ariftore 6c le
commentaire de Caftelvetron fur ces différentes
combinaifons de la reconnoiffance, 6c fur les maniérés
de la varier , foit relativement à la fituation & à la
qualité des perfonnes , foiirelativement aux moyens
qu’on emploie pour l’amener, 6c aux effets qu’elle
peut produire.
La reconnoiffiance à laquelle Ariftoîe donne la
préférence, eft celle qui naît des incidens de TaéHon
même, comme dans VCEdipe ; mais je crois pouvoir
lui comparer celle qui naît d’un figne involontaire
que Tinconnu laiffe échapper , comme dans l’opéra
de Thelée , oii ce jeune prince eft reconnu à Ion
épée au moment qu’il jure par elle. Le plus beau
modèle en ce genre eft la maniéré dont Greffe fe
faifoit connoître à fa foeur dans Viphigénie du So-
phifte Polydes , lorfque ce malheureux prince,
conduit aux marches de Taiicel pour y être immolé,
s’écrioit : « Ce n’eft donc pas afi'ez que ma fcciir
» ait été facrifîée à Diane, il faut que je le fois
» aufii».
La reconnoijjance doit-elle produire tout-ù-coup la
révolution, ou laifi'er encore en Aifpens le fort des
perfonnages ? Dacier qui préféré la plus dccifive,
n’a vu Tobjet que d’ an côté.
Si U révolution fe fait du bonheur au malheur,
elle doit être terrible, 6c par conféquent tout changer,
tout renverfer , tour décider en un infiant. Sî
au contraire la révolution fe fait du malheur au
bonheur, & que la reconnoiffiance réuniffe des malheureux
qui s’aiment, comme dans Mérope dans
Iphigénie; pour que leur réunion foit attendrifiante,
il faut que l’événement foit Aifpendu 6c caché ;
car la joie pure & tranquille eft le poifon de l’intérêt.
L’art du poète confifte alors à les engager; au
moyen de la reconnoiffiance même, dans un péril
nouveau, finon plus terrible, au moins, plus touchant
que le premier, par l’intérêt qu’ils prennent
Tun à Tautre. Mérope en eft un exemple rare ôc
difficile à imiter.
Il n’y a point de reconnoijfance fans une forte de
péripétie ou changement de fortune : ne fît-elle ,
comme dans la fable fimple, qu’ajouter au malheur
des perfonnages intéreffans. Mais il peut y avoir
des révolutions fans reconnoifi'ance ; 6c quoiqu’elles
ne foient pas aufii belles,les Grecs ne les dédaignoient
pas.
Il y a aufiî une reconnoiffiance de chofes , comme
de l’innocence d’HyppoIite , de Zaïre, d’Aménaide,
de la perfidie de Cléopâtre dans Rodogune, de
Tempoifonnement d’Inès, &c. 6c celles ci ne font
pas les moins pathétiques.
La reconnoifiance ; fi précieufe dans la tragédie ,
foitavant, foit aprèslecrime ; avant ,pourempêcher
qu’il ne foit commis ; après, pour en faire fentir tout
le regret. La reconnoijfona eft dans le comique une
F ?