
l’autorité ne peut être méconnue; les fautes et les lacunes dont ces tableaux sont
susceptibles, sont d’ailleurs souvent faciles à découvrir; et quand la position d’un
lieu y est donnée par l’intersection de plusieurs communications, elle porte en
quelque sorte avec elle-même sa vérification. On doit sur-tout considérer, dans ces
itinéraires, la nomenclature et l’ordre de succession des Jieux. D’ailleurs on ne
peut pas supposer que les Romains, qui avoient hérité des connoissances des
Grecs en Egypte, les eussent perdues absolument ; et par cela seul que ces itinéraires
sont postérieurs à ceux des Grecs, ils semblent mériter plus de confiance.
La position d’Heroopolis étant invariablement fixée à Abou-Keycheyd, vers les
29° 50” de longitude, et 30° 32' 45" de latitude, nous prouvons qu’elle satisfait,
i.° Au fait historique cité par Joseph (Anriq. liv. 11, chap. 4 ), qui porte que
le fils de Jacob allant au-devant de son père, qui venoit du pays de Chanaan èt de
Bersabée [ou du puits du serment], le rencontra sur cette route à Heroopolis (1) :
or il est de la.plus grande évidence, comme l’observe d’Anville (Mémoires, p. 122),
« que la route qui, des environs de Gaza, dont la position de Bersabée étoit peu
» distante, conduit en Egypte, laisse fort à l’écart de sa direction un lieu voisin
73 de Soueys, et que la caravane de la Mekke trouve sur son passage en prenant une
» route très-différente de celle qui conduit de l’Egypte dans la Palestine » : or on
ne pense pas que Jacob eût trouvé plus convenable de traverser le désert entre
Bersabée et Soueys, que de suivre la route par Qatyeh, vers Heliopolis;
2.0 A l’authentique version des Septante, faite en Egypte sous les premiers Pto-
lémées, et dans laquelle on lit un passage non moins concluant : il y est dit que
Jacob envoya Juda au-devant de lui, pour rencontrer Joseph près d’Heroopolis,
auteur de l’arpentage de l’Empire. L’édition la plus ré- y» ch. xlvi, v. 34.) Aussi ne les reçut-on point dans I’incente
a été donnée en 1753 , par François--Christ, de » térieur de l’Egypte ; et il est si vrai qu’il n’existoit au-
Scheyb, et imprimée à Vienne, in-folio. »cune ville dans la terre de Gozen, que quand ces Hé-
Les éditions de Ptolémée sont nombreuses et très-fau- »breux s’y furent multipliés, les Egyptiens les forcèrent
tives : celle de Bertius (de 1618 ) , qui paroit la plus com- » d’en bâtir deux , Pithom et Ramessès. ( Exod. cap. 1 ,
plète, n’a pas cependant paru très-exacte à M. Gossellin ; » v. 1 1 .) »
elle réunit les itinéraires viables et maritimes des Romains. Mais Pithom, que, dans une version Qobte du texte
(1) M. Gossellin, dans ses Recherches sur la géographie Grec, on a traduit par Heroopolis , et Ramessès, étoient
ancienne (tome I I , page 18/), combat les motifs de donc dans la terre de Gessen ; et cette terre de Gessen
d’Anville, qui, malgré l’autorité des géographes anciens, ou de Ramessès est évidemment l’Ouâdy, qui, dans son
a cru devoir placer Heroopolis au milieu des terres, à plus étendue, et particulièrement vers les ruines d’Aboude
douze lieues de l’extrémité du golfe Arabique. « Quant Keycheyd, n’offroit, comme aujourd’hui, que des terrains
» au passagede Joseph, dit ce savant, il nepeut mériter au- vagues, envahis parles sables, mais susceptibles de cette
» cune confiance : le texte Hébreu de la Bible ne fait point culture qui suffit à des peuples pasteurs.
» mention d’Heroopolis; il est dit seulement ( Gen. cap. Nous sommes donc autorisés à combattre les objections
» x l v i ) que le fils de Jacob alla au-devant de son père de M. Gossellin, quoique cette version d’une autre ver-
» et de ses frères, jusque dans la terre de Gozen ou Ges- sion, réplique ce savant, ne fasse pas autorité contre le
» sen, que le Pharaon avoit abandonnée à cette famille de texte Hébreu, qui ne parle pas d’Heroopolis.
m pasteurs, pour y vivre avec ses troupeaux. Cette terre L e général en chef, en l’an 9 [1800], accorda aux
» de Gozen, située vers le milieu de la largeur de l’Isthme grands Terrâbins, Arabes pasteurs, après leur fuite de
s» de Suez, près des marais et des lacs*que l’on trouve Syrie, un asile dans les mêmes lieux; la crue extraor-
» encore, et qui répandent quelque fertilité dans leurs dinaire de cette année, qui avoit porté les eaux au-delà
» environs, ne pouvoit être alors que très-peu habitée. même de la vallée, leur permit de semer dans des endroits
» Si les Egyptiens avoient daigné former des établis- depuis long-temps incultes, et d’y nourrir par-là plus
» semens, s’ils avoient eu des villes ou seulement des abondamment leurs troupeaux.
»bourgades à la proximité de ces lieux, auroient-ils souf- Voir plus bas, page ¡5 7 , lu note remise par M. Gos-
» fert que des Arabes pasteurs, qu’ils avoient tous en sellin.
» abomination, vinssent partager leur territoire î ( Cm.
dans
dans le pays de Ramessès ; et l’on sait positivement que le pays de Ramessès, qui
ctoit le ineme que le pays de Gessen, où les. frères du patriarche Joseph demandèrent
a s établir, ne pouvoit être éloigné du nome d’Heliopolis, et que cette
considération qui nous porte nécessairement dans les terres propres à la culture
nepeut absolument convenir aux parages de Soueys, bien qu’il ait pu y exister
quelque végétation;
. 3.» Aux ruines considérables d’Abou-Keycheyd, qui ont tout le caractère d’une
ville Egyptienne , et au centre desquelles il existe encore un monument Égyptien
tres-remarquable (i) ; 6 r
4. A 1 Itinéraire d’Antonin, qui fournit une route de Babylone à Clysma, dont
e eve oppement et la direction nécessitent encore la position d’Heroopolis à
Abou-Keycheyd. Cette route est ainsi détaillée dans l’Itinéraire :
■I NDI C A T I ONS DES L IE U X . DISTANCES.
MILLES ROMAINS (2). TOISES. mètres. '
f B ab y lon e .......................à H e liop olis . . .
1 H e liop olis.....................à Scenæ veteranorum..
] Scenæ veteranorum.. à Vicus Judæoruin
D e (V ic u s J u d x o rum . . . à Th ou
/ H ero o p o lis .................. au Serapeum. . .
l Serapeum...................... à C ly sm a . .
T o t a u x . . . .
XII.
XVIII.
XII.
XII.
XXIIII.
XVIII.
L.
12 .
l8 .
12 .
I 2.
2 4 -
18.
50.
9 .072.
1 3,608.
9 .0 7 2 .
9 .0 7 2 .
18,14-4*
1 3,608.
37,800.
1 7 6 8 1 . 66.
2 6 5 2 2 . 4 9 .
1768 i . 66.
1 7 6 8 1 . 66.
35363. 32.
2 6 5 2 2 .4 9 .
7 3 6 73 - 55-
c x x x x v i . s 46'. 1 IO, 37 ^). 2 1 5 1 2 6 . 83.
Or s. Heroopolis devoit repondre à l’emplacement de l’ancienne Arsinoé (,)
ou Soueys comment retrouver les 68 milles que cet itinéraire donne pour la
distance ,dHeroopolis à Clysma, quand d’ailleurs la position intermédiaire du
Serapeum correspond s. bien aux distances y désignées '
| Ptolémée fait conclure qu’Arsinoé (que l’on place généralement vers Souevsï
eto.t de o 4o au sud d’Heroopolis. En effet, les ruines d’Abou-Keycheyd sont d!
o° 35' au nord de Soueys ; et la distance
(1) C e monument consiste dans un monolithe de granit
taillé entonne de fauteuil, sur lequel sont assis, à côté
I un de l’autre, trois personnages Égyptiens, sans doute
de (ordre des prêtres, ainsi qu’on le jugera par le costume
et les bonnets qu’ils portent. C e monument est encore
dans sa position verticale, et les figures regardent
io rient; elles etotent enterrées jusque sous l’estomac:
mats, ayant fait fouiller jusqu’au pied, nous avons été à
meme de e voir en entier et de le mesurer. Le dossier
du fauteuil est particulièrement couvert d’hiéroglyphes,
[0rme un tableau régulier et complet. On voit
encore dans ces vestiges beaucoup de blocs mutilés, de
grès et <*e granit, portant dès hiéroglyphes, et tous les
debns semblables a ceux qu’on trouve à la surface desem-
placemensde villes détruites dans la basse Egypte. { Voyer
le dessin qui en a été fait par M. Févre.)
É . M .
directe au nord-ouest de Soueys fournit
(2) Le mille Romain est évalué à vçc* /¿s go 01
M. Romé de l’isle. On l’a calculé d a n s « ] tab.eaul à
raison de 756 toises en compte rond. L ’indication des
mètres en a été déduite.
(3Î Nous avons déjà consenti à considérer le site de
ioueys comme pouvant répondre à celui d’Arsinoé-
cependant nous croyons que cette ancienne ville a pii
exister sur les hauteurs et les ruines qu’on retrouve à
extrémité du golfe (vqyrç planche 11), et au pied
desquelles la mer remonte encore dans les grandes marées.
Nous avons même remarqué sur la plage une cunette
qui, se dirigeant vers les vestiges de l’ancien canal, au nord-
ouest, semble en retracer la tête primitive, que les Arabes
auront abandonnée en proiongeam le canal au sud vers
le port de Qolzoum, près de Soueys.
Y