
ceux <ju ils ont adoptés dans chacun des divers pays où il leur est permis d’avoir
des synagogues. Quant au caractère principal, il est par-tout le même, et ils
prétendent qu’il n’a pas changé depuis l’institution de ces chants par Moïse,
David et Salomon. Le caractère du Pentateuquc est doux et grave; celui des
Prophètes a un ton élevé et menaçant; celui des Psaumes est majestueux, il
tient de J’extase et de la contemplation; celui des Proverbes est insinuant; celui
du Cantique des cantiques respire la joie et l’allégresse; enfin celui de l’Ecclé-
siaste est sérieux et sévère : mais, dans chaque pays, ces chants sont différemment
exécutés, parce que les accens musicaux, quoique portant le même nom, ne se
composent pas des mêmes inflexions de voix, et varient la forme de la mélodie,
sans cependant en changer le caractère. Il en est de même de l'effet- qui doit
résulter de ces diverses manières dont les Juifs des différens pays expriment leurs
accens, comme de celui de la musique d’église ou de celle du théâtre, composée
par divers auteurs, sur les mêmes paroles : quoique la mélodie de chacun de
ces compositeurs ne soit pas semblable à celle des autres, néanmoins elle conserve
toujours le caractère propre aux sentimens qu’elle doit rendre, si l’auteur
est un musicien habile. Il en est encore de même des bons orateurs ou des bons
comédiens, dont chacun, avec des inflexions de voix qui lui sont propres et
quil modifie dune maniéré qui lui est particulière, sait exprimer également
bien les memes idees et les memes sentimens. Ce n’est que de cette manière que
les Juifs des divers pays, en modifiant différemment les uns des autres leurs
accens musicaux, ne conservent pas moins toujours le caractère essentiel du
chant de chacun des livres de la Bible.
A r t i c l e II.
Du Style des Chants religieux des Juifs d’Égypie; Conformité de ce style dans
tes Chants religieux des deux Sectes différentes qui sont en Egypte ; opposition
des Moeurs et diversité des Rites de ces deux sectes.
C o m m e on navoit encore eu, en Europe, aucune connoissance du style musical
propre aux Juifs d’Égypte, nous crûmes qu’il étoit à propos, pendant que nous
étions en ce pays, de nous assurer si ce style avoit, ou non, quelque chose de remarquable.
Un Juif Italien, qui avoit parcouru une grande partie de l’Europe,
et qui s étoit rendu de Malte au Kaire avec l’armée de l’expédition d’Égypte,
voulut bien nous aider dans nos recherches à ce sujet, et nous procura en
même temps des renseignemens très-détaillés sur les moeurs et les usages des Juifs
Egypte - mais nous ne nous arrêtâmes pas là, nous voulûmes encore être témoins
de tout ce qu il nous fut possible de voir et d’entendre. Ayant appris qu’il y
avoit en Égypte deux sectes de Juifs entièrement opposées dans leurs moeurs,
dans leurs usages et dans leurs rites, nous fûmes bien aises d’assister aux cérémonies
des uns et des autres, afin de pouvoir juger par nous-mêmes s’il existoit
dans leurs chants respectifs une aussi grande différence; mais l’expérience nous
prouva qu’il n’y en a aucune, et nous convainquit que la diversité des chants
des Juifs ne vient point de celle de leurs rites, mais qu’elle n’est occasionnée
que par la seule manière dont ils expriment, dans certains pays, leurs accens
musicaux.
Des deux sectes de Juifs opposées l’une à l’autre presque en tout , excepté
dans leurs chants religieux, l’une est la secte des Rablanym; elle est ainsi nommée
parce qu’elle suit la doctrine des rabbins : l’autre est la secte des Karaym, qui
sont Saducéens; celle-ci a rejeté, au contraire, l’autorité des rabbins.
Le quartier des Rabbanym, au Kaire, est situe près de celui du Mousky, et aboutît
au quartier Khân-el-Khalyly ; on le nomme Hâret el- Yhoudy, c’est-à-dire, quartier
des Juifs. Celui des Karaym n’en est pas éloigné, puisqu’il est contigu au quartier
de Khân-el-Khalyly.
Chacune de ces sectes a des moeurs et des usages si différens de ceux de
l’autre, que les Juifs de l’une ne veulent se servir ni des mêmes bouchers ni
des mêmes ustensiles de cuisine dont se sont servis ceux de l’autre; qu’ils ne
mangent jamais les uns avec les autres ; que les ouvriers de l’une de ces deux sectes
qui travaillent chez les Juifs de l’autre, n’y mangent pas non plus, et qu’ils vont
acheter chez ceux de leur secte tous les alimens dont ils ont besoin, excepté les
fruits, qu’ils achètent indifféremment de tous ceux qui en vendent, quelle que soit
la différence de la secte ou même de la religion des marchands.
Il en est de même pour leurs rites : chacune de ces sectes, a un calendrier
différent pour ce qui concerné les fêtes. Les Rabbanym célèbrent leurs néoménies
pendant deux jours de suite ( 1 ) '. les Karaym, au contraire, ne célèbrent ces
fêtes que pendant un seul jour. Les Rabbanym et les Karaym suivent respectivement
ces mêmes usages à toutes les autres fêtes; les derniers les font toujouis
durer un jour de moins que les premiers.
Il faut donc que les Juifs aient un grand respect pour leurs chants religieux,
puisque, malgré l’opposition des moeurs des deux sectes qui les divisent, ils
n’ont pas osé apporter le moindre changement à ces chants.
Nous avons assisté plusieurs fois à leurs prières dans les principales synagogues
qu’ils ont en Égypte, et nous ne nous sommes pas aperçus, en eflèt, qu ils chantassent
autrement dans l’une que dans 1 autre secte.
Si l’on en croit la tradition que les Juifs conservent aujourd’hui, les rites et les
chants en usage dans, ce pays y ont éprouvé beaucoup moins d altération que
par-tout ailleurs, y ayant été transmis sans interruption depuis la plus haute antiquité.
A la vérité, on voit encore, en Égypte, dans plusieurs synagogues, des
■(,) Cet usage des Rabbanym remonte, suivant les remarqué : mais comme ces feux ne pouvoient être aperçus
Juifs modernes, au temps où leurs ancêtres habitoient en des contrées trop éloignées, les rabbins avoient ordonné
corps de nation dans la Palestine. Il vient de ce qu’aux d’y célébrer les néoménies pendant deux jours de suite,
environs de Jérusalem, qu’ils regardent comme le lieu le dans la crainte qu’on ne s’y trompât; et voilà pourquoi
plus élevéde cette contrée,les Israélites avoient coutume, les Juifs Rabbanym ont coutume de célébrer ces néome-
vers le temps de la nouvelle lune, de charger quelqu’un nies pendant deux jours de suite, et leurs autres fêtes un
d’entre eux d’aller sur la plus haute montagne observer la jour de plus que ne le font les Karaym dans tous les pays
nouvelle apparition de cet astre, et de faire allumer des éloignés de Jérusalem où ils habitent,
feux sur les montagnes environnantes, sitôt qu’on l’avoit
Q q q q q * E . M .