de 1 Afrique, marcheroient vers le Nil; cette vallée correspond aux provinces de
Gyzeh et de Bahyreh. La vallée du Fleuve sans eau est encombrée : mais il s’en
faut beaucoup que les sables s’élèvent à la hauteur des bords du bassin ; alors
meme ils seroient obligés de combler la vallée des lacs de Natroun, avant d’arriver
sur le plateau, doù ils seroient portés dans la vallée du Nil.
Laction des vents sur les sables qui se trouvent dans cette dernière vallée, est,
sans contredit, la plus funeste. Ces sables sont remués, déplacés, et de proche
en proche ils arriveront jusqu’au fleuve, comme on le voit déjà dans les endroits
ou le bassin de l’Egypte est resserré.
Les vents n ont pas fait tous les frais du rapprochement des sables vers le Nil ;
les eaux du fleuve, par leur tendance à se porter sur la rive gauche, et en corrodant
ses bords, se sont elles-mêmes rapprochées des sables.
§. III.
Des Couvens Qobtes.
Les couvens Qobtes qui se trouvent dans la vallée de Natroun, ont été fondés
dans le iv.e siècle; mais les monastères doivent avoir été rétablis plusieurs fois
depuis cette époque. Trois de ces monastères ont la forme d’un carré long, dont
le grand côté a depuis 98 mètres jusqu’à i^ z, et le petit côté, depuis 58 jusqu’à
68; ce qui donne une surfkce moyenne d’environ 7560 mètres carrés.
Les murs d enceinte ont au moins treize mètres d’élévation, et deux mètres
et demi à trois mètres d’épaisseur à la base; ils sont en bonne maçonnerie et bien
entretenus. Il règne à la partie supérieure un trottoir d’un mètre de largeur. Le
mur, au-dessus du trottoir, a des meurtrières, les unes dans le mur même, les
autres inclinées et saillantes en dehors pour pouvoir se défendre contre les Arabes
a coups de pierres, car les institutions des moines leur prohibent l’usage des armes
a feu : les meurtrières saillantes ont des masques pour garantir la tête des coups de fusil. r
Les couvens n’ont qu’une seule entrée, qui est basse et étroite; elle n’a pas plus
cl un metre de hauteur, et de deux tiers de mètre de largeur. Une porte très-
epaisse la ferme en dedans; elle est contenue par un loquet dans le haut, par une
forte serrure en bois dans le milieu, et, vers le bas, par une traverse qui pénètre à
droite et a gauche dans la maçonnerie. Cette porte est recouverte en entier intérieurement
par de larges bandes de fer contenues par des clous à tête. L’entrée est
en outre fermée en quelque sorte hermétiquement en dehors par deux meules de
granit posées de champ. Ces meules ont de diamètre un peu moins que la hauteur
de 1 entree, et leur épaisseur permet qu’elles se logent à-la-fois, et de côté, dans
le cadre de la maçonnerie. La porte est défendue par une espèce de mâchicoulis
Lorsquon veut se clore, un moine resté en dehors commence à rouler une des
meules avec une pince; il la cale et présente l’autre ; il se glisse ensuite en dedans
et entraîne vers lui la seconde meule, qui se place naturellement à côté de la
première. Les deux meules logées, on ferme la porte. Le mâchicoulis découvre
ceux qui voudroient tenter de retirer les meules.
La cloche du couvent est placée à côté du mâchicoulis. Une longue corde faite
de filamens de dattier, y est attachée et pend jusqu’à terre. Les moines sont quelquefois
réveillés pendant la nuit par le son de cette cloche ; mais, toujours défians,
même lorsqu’ils ont reconnu du haut de leurs murs qu’ils ont affaire à des gens
amis, ils ne se déterminent a leur ouvrir la porte pour les recevoir, que lorsqu’un
moine H suspendu à I extrémité d une cordé, est descendu par le mâchicoulis, à
l’aide d’un moulinet, et est venu voir de plus près si l’on ne cherchoit' pas à les
surprendre. Pendant qu’on .ouvre et qu’on ferme la porte, Un moine reste en sentinelle
au haut du mur, et observe s’il n’aperçoit point d’Arabes.
Chaque couvent a dans son intérieur une tour carrée, où l’on n’entre que par
un pont-levis de cinq mètres de longueur, et dont l’élévation est de six mètres et
demi au-dessus du sol. On lève le pont au moyen d’une corde ou d’une chaîne qui
passe à travers le mur, et qui s’enroule autour d’un moulinet ou treuil horizontal.
La tour est terminée par une plate-forme supérieure au mur d’enceinte.
Les trois couvens qui sont dans le voisinage des lacs, ont des puits creusés de
treize mètres, où il y a à-peu-près un mètre d’eau douce que l’on élève au moyen
de roues à pots. Les puits servent, dans chaque couvent, aux besoins dumonastère,
et à arroser un petit jardin où croissent un peu de légumes, et où sont plantés quelques
arbres, tels que le dattier, l’olivier, le tamarisc, le henné et le sycomore. A
la fin de janvier, leau des puits est au maximum de son élévation ; elle baisse
en été, mais jamais les sources ne sont taries. Le couvent des Syriens possède 1 arbre miraculeux de S. Éphrem (1), qui a six mètres et demi de hauteur, sur trois
mètres de tour : c’est le tamarinier de l’Inde (a) , dont les moines Syriens se croient
seuls possesseurs. Cet arbre est fort rare dans la basse Égypte, mais très-commun
dans le Sa’yd.
Le quatrième couvent, qui porte le nom de couvent de S. Macaire, n’a qu’un
puits dont 1 eau est salée ; mais, à environ quatre cents mètres en dehors, on trouve
un puits bien entretenu (3), dont l’eau est très-bonne, et il y a une source sur la
pente opposée du vallon. Les deux couvens ont également dans leur voisinage une
source pareille.
Les cellules des moines sont des réduits où le jour ne pénètre que par l’entrée,
qui a un peu plus'd’un mètre de hauteur. Leurs meubles sont une natte; leurs
ustensiles, une jarre et un qolleh (4). Les églises, ies chapelles, décorées d’images
(1) On raconte que, dans les premiers temps de la
ferveur monastique, les moines du désert, déjà dégoûtés
de leur état, se plaignoient de ce qu’il ne croissoit
aucune production dans leurs solitudes sablonneuses.
S. Ephrem, pour éprouver et réchauffer leur zèle, ordonna
à un de ses prosélytes de planter son bâton dans le sable,
et lui annonça qu’il en viendroit un arbre. Après quelques
instances, le jeune moine obéit. On dit que le miracle
eut lieu, et que le bâton poussa des racines et des branches.
C’est le même arbre, sur pied depuis cette époque, qui
porte le nom d'arbre dè S. Ephrem, ou à'arbre de Vobéissance.
(2) Tamarindus Indica, Lin.
(3) Ce puits a cinq mètres de profondeur, un mètre
un tiers en carre, et il y a un peu moins d’un mètre d’eau.
(4) On dit aussi et plus généralement bardâq; ce dernier
mot est Turk. Les qolleh sont des vases faits d’une
terre préparée et cuite de manière à permettre une légère
transsudation ; ils servent à contenir l’eau qu’on fait rafraîchir
en exposant ces vases à un courant d’air.