
On peut agrandir cette ouverture supérieurement, autant que les circonstances
exigent. Il faut établir un parallélisme parlait entre l’incision des tégümens, celle
des parties subjaccntes et les parois du kyste : il ne faut pas craindre de faire une
arge ouverture, ni de donner issue, dès le premier moment s’il est possible, à
toute la matière contenue dans l’abcès. La liqueur qui s’écoule a ordinairement
a consistance et la couleur de la lie de vin. Cependant cette couleur n’a pas toujours
été la même; elle étoit tantôt plus foncée, tantôt-plus claire et plus ou
moins consistante. Pour faciliter l'écoulement des matières, il faut mettre le malade
dans une position convenable, et comprimer graduellement le bas-ventre
à laide d’un bandage de corps.
Les pansemens sont simples, et consistent à mettre une pièce de linge fenêtré
sur la plaie, de la charpie, des compresses et le bandage approprié. Ces panse-
mens doivent etre renouvelés fréquemment.
Il nest pas nécessaire de faire des injections, ainsi que le conseillent quelques
praticiens : elles pourroient dilacérer le tissu friable et vasculaire du foie d’où
résulteraient de légères hémorragies , un surcroît d’irritation qui augmenterait
les effets de l’inflammation, et tous les accidens qui en sont la suite. Pendant les
premiers jours la suppuration est abondante ; ensuite, la couleur des matières changeant,
elle devient louable, et dès-lors on peut considérer l’ulcère du foie comme
deterge et en voie de guérison. Les pansemens doivent être faits à sec jusqu’à cette
epoque. On emploie ensuite le vin miellé; et pour empêcher l’adhésion des lèvres
de la plaie avant la cicatrisation des parties intérieures, on introduit une bandelette
de linge effilé, trempée dans la même liqueur. On frit faire usage au
malade des amers pris intérieurement, et on le conduit à la guérison par des soins
assidus.
Je vais citer quelques exemples de guérisons obtenues à l’aide de ces moyens.
Un sergent de la 22.' demi-brigade d’infanterie légère entra à l’hôpital de la
ferme dlbrâhym-bey avec tous les symptômes d’un hépatitis; douleur fixe dans
l hypocondre, sécheresse de la peau, maigreur générale, fièvre, insomnie, tension
des parois abdominales, constipation e£évacuation d’urine de couleur orangée.
Le sujet avoit été affoibli par l’usage des émétiques et des purgatifs : la suppuration
se forma promptement, malgré les moyens que j’employai pour l’empêcher.
Peu de jours après, je trouvai une tumeur fluctuante au-dessous du cartilage
de la dernière vraie côte, près du muscle droit. A ce symptôme se joignoient
tous ceux qui indiquent la formation de l’abcès hépatique.
On fit usage, les deux premiers jours, des émolliens appliqués à l’extérieur et
des boissons adoucissantes prises intérieurement. Je procédai ensuite à l’ouverture
de 1 abcès ; je coupai les tégumens et le tissu cellulaire par une incision oblique
qui s etendoit de l’attache du muscle droit au cartilage de la côte, au bas de la tumeur
en dehors. Cette première incision mit à découvert le muscle grand oblique,
que je coupai avec les subjacens parallèlement à ses fibres, et je.parvins à découvrir
la tumeur, qu’on aurait d’abord prise pour un anévrisme, à raison des battemens
qu elle donna pendant l’opération. Ces battemens m’arrêtèrent un moment ; mais,
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lorsqu’ils furent apaisés, et que j’eus reconnu leur caractère différent de celui des
battemens.de l’anévrisme, comme je l’ai expliqué plus haut, je me décidai a llo n ger
le bistouri dans la tumeur. L’ouverture qui en résulta fut suivie de la sortie
d’une très-grande quantité de matières de couleur de lie de vin, mêlées de flocons
blanchâtres purulens : j’agrandis cette ouverture haut et bas ; et après avoir porté
le doigt dans le foyer de la maladie, je trouvai une érosion profonde et considérable
dans le lobe moyen du foie, près du ligament suspenseur.
Dès ce moment le malade se trouva soulagé : la suppuration fut, les premiers
jours, très-abondante et de la même nature ; ensuite sa quantité diminua graduellement
et changea de couleur en très-peu de temps. La guérison fut achevée le
quarante-septième jour de l’ouverture du dépôt, et ce militaire sortit de l’hôpital,
parfaitement rétabli.
Un soldat de la 69.e se présenta dans le même hôpital avec une maladie semblable.
L’abcès fut ouvert aussitôt que la fluctuation devint sensible. Je suivis les
mêmes procédés et le même traitement, qui le conduisirent également à la guérison.
Chez un grenadier de la 88.°, l’abcès hépatique qui s’étoit formé à la face convexe
du foie, se manifesta dans l’intervalle des côtes, au bas de l’hypocondre, où l’on
sentoit la fluctuation. Jen fis l’ouverture, et elle me permit de reconnoître le
trajet purulent qui passoit du foie dans la poitrine, en traversant le diaphragme,
que je trouvai perforé vis-à-vis l’intervalle de la septième à la sixième côte.
La marche de cet abcès frit la même que celle du précédent ; les matières étoient
de la même couleur, et le malade frit conduit à la guérison par les mêmes moyens.
Dix à douze cas semblables se sont présentés dans le même hôpital, et la maladie
a eu, chez les individus qui en étoient atteints, la même terminaison.
Je vais rapporter encore un exemple d’une guérison spontanée obtenue par les
seuls secours de la nature.
La femme d’un sergent de mineurs me fit appeler pour me consulter sur une
tumeur douloureuse qu’elle portoit au bas de l’hypocondrc droit. Cette tumeur
faisoit une saillie très-sensible au-dessous du rebord des fausses côtes; elle étoit
fluctuante dans le centre, plus ou moins rénitente, et très-douloureuse dans la
circonférence. La malade éprouvoit depuis quelques jours des douleurs de coliques
qui paroissoient partir de cette tumeur, et se propageoient vers le bassin; elle
étoit constipée, privée du sommeil, et dans un état d’anxiété continuelle. Cette
irritation générale me fit suspendre l’ouverture de l’abcès, et prescrire seulement
l’usage des lavemens émolliens et anodins, qui la soulageoient beaucoup, de boissons
rafraîchissantes et anodines, et de cataplasmes émolliens à l’extérieur. Après
deux jours de ce traitement, la malade éprouva tout-à-coup de violentes douleurs
vers le fond de la tumeur, qui furent suivies de selles copieuses et fréquentes,
composées presque entièrement d’une matière analogue à celle qui étoit sortie par
1 ouverture faite aux dépôts extérieurs; ce qui procura aussitôt du soulagement. La
tumeur diminua sensiblement, les douleurs disparurent, et les matières purulentes
continuèrent de s’écouler par les selles : on seconda la nature à l’aide de lavemens
emolliens, du régime et de légers toniques amers pris intérieurement. Cette