
 
		»  que  Ton  nomme  diapentc[quinte],  en  sorte  quelle  ne  s’élève  pas  au-delà  de  
 «  trois  tons  et  demi  vers  l’aigu,  et  qu’elle  ne  s’abaisse  pas  au-delà  de  cet  inter-  
 »  valle  (,i).»  O r,  comme  nous  l’avons  déjà  remarqué  plusieurs  fois,  puisqu’on  
 reconnoît  encore  des  traces  certaines  de  beaucoup  de  pratiques  anciennes  qui  
 se  sont  perpétuées  en  Égypte,  et  qui  s’y  sont  aussi  conservées  par  l’insouciance  
 des  Egyptiens,  par  leur  attachement  opiniâtre  à  leurs  anciennes  habitudes,  et  
 par  leur  éloignement  extrême  pour  toute  espèce  d’innovation ;  puisque  leur  inébranlable  
 constance  n’a point  encore  été  affoiblie  par  toutes  les  vicissitudes  qu’ils  
 ont  éprouvées,  et  que,  semblable  à  une  digue  qui  résiste  aux  efforts  les  plus  impétueux  
 d’un  torrent débordé, elle a pu préserver un grand nombre de leurs usages,  
 de  ces  changemens  qu’ont  fait  subir  à  la  face  de  l’Égypte  les  révolutions  multipliées  
 qui  s y  sont  opérées,  nous  devons  croire  aussi  qu’un  usage  qui  fut  connu  
 dès  la plus haute antiquité  chez les Grecs,  et  qui ne  se retrouve plus qu’en  Égypte,  
 n aurbit  pu  s’y   maintenir  pendant  une  aussi  longue  suite  de  siècles  par  le  seul  
 instinct  de  1 habitude, si  les  principes  en  avoient  été  totalement  intervertis.  Mais  
 tout  nous  rappelle,  tout  nous  atteste  même,  sinon  la  connoissance  actuelle  de  
 ces  principes  parmi  les  Égyptiens modernes, au moins l’existence  des moyens qui  
 servirent  jadis  et  qui  peuvent  servir  encore  à  en  démontrer  l’application,  et  ce  
 qui  en  a  perpétué  la  pratique  jusqua  nos  jours  en  Égypte.  Ce  témoignage  se  
 tiouve  incontestablement  dans  le  rebâb;  dont  les  sons  se  renferment  précisément  
 dans  l’étendue  prescrite  par  les  anciens  pour  le  chant  du  discours et  pour  
 celui  de  la  recitation  poétique,  puisque  l’usage  de  cet  instrument  est  encore  
 réservé  à  l’accompagnement  des  rapsodes  et  des  poètes  lorsqu’ils  récitent  leurs  
 vers.  L e   rebâb  est  donc  un  véritable  tonarion;  et  l’emploi  qu’on  en  fait  encore  
 maintenant,  prouve  donc  que  sà  destination primitive  fut de  diriger,  de  soutenir  
 la  voix  et  de  la maintenir  dans  les  limites  fixées  par les principes  reçus. 
 C H A P I T R E   X I I I . 
 D u   K issa r,  ou  de  la   Lyre  Éthiopienne. 
 A r t i c l e   p r e m i e r . 
 D es  diverses  maniérés  de prononcer  et  d’écrire  le  nom  de  cet  instrument.  D e  
 la   parfaite  ressemblance  qui  s ’offre  entre  le  Kissar  et  la  Lyre  décrite par  
 H om ere,  dans  son  Hymne  à  Mercure.  Description  générale  du  Kissar ;  
 maniéré  d  en jouer.  Usage  de  l ’ancienne  Lyre;  préjudice  qu’a  éprouvé  l ’art  
 musical  depuis  qu ’on  a  négligé  cet  instrument.  Discrédit  dans  lequel  est'  
 tombée  la  M usique  depuis  ce  temps. 
 N o u s   n avons  rangé  le  kissar  parmi  les  instrumens  de musique  Arabe,  que  
 parce  quil  est  le  seul  de  ceux  des  Éthiopiens  et  des  peuples  de  l’intérieur  de 
 (0   Dionys. Halicam. ubi suprà. 
 l’Afrique  que  nous  ayons  vu  en  Égypte,  et  que  nous  nous  soyons  procuré :  
 ehcore  avons-nous  eu  assez  de  peine  à  déterminer  celui  à  qui  il  appartenoit  à'  
 nous  le  vendre.  Ce  n’est  pas  que  cette  sorte  d’instrument  paroisse fort  rare  ;  au  
 contraire, il  est  assez  ordinaire  de  voir  les Éthiopiens et  les Barâbras  en  apporter  
 avec eux, quand  ils  viennent de  leur  pays  au Kaire,  pour'  s’y placer  en  qualité  de  
 portiers  ou  de  garde-magasins. 
 Nous  nommons  cet  instrument  kissar,  parce  que  c’est  ainsi  que  l’appeloit  
 l’Éthiopien  qui  nous  l’a  cédé  et  qui  est  aussi  celui  que  nous  ayons  entendu  en  
 jouer  le mieux  (i).  Les  Barâbras  ou Berbères  qui habitent en deçà et  au-delà  de  la  
 première cataracte  du N il, nomment  cet  instrument kesser; d’autres, kesré;  et dans  
 quelques  contrées  de  la  Nubie,  on  l’appelle  gliezarké.  Comme ceux  qui  nous  ont  
 prononcé  ce  nom,  ont  chacun  un  idiome  particulier,  que  cet  idiome,  ainsi  que  
 le  patois  de  certaines  provinces  de  France,-n’est  point  écrit,  et  que  parmi  les'  
 peuples  de  la Nubie  il  y  a  fort peu  de  gens  qui  sachent  écrire,  nous  n’avons  pu  
 savoir  quelle  en  étoit  la  véritable  orthographe.  Laborde,  qui  a  suivi  la  prononciation  
 des  Turcs  pour les noms  des instrumens Orientaux  qu’il  a décrits  et  gravés  
 dans  son  Essai  sur  la  musique  ,  a  orthographié  le  nom  de  celui-ci  autrement  
 que  nous,  et  l’a  écrit  kussir.  Les  Égyptiens  désignent  le  même  instrument  par  
 le  nom  de  qytârali Barbaiyeh,  guitare des Barbarins  ou Barâbras. Dans 
 la traduction  Arabe  des  livres  saints, publiée  dans  la Bible polyglotte,  le nom  que  
 les Grecs ont  traduit par  i et  qu’ils  prononcent  kitliara,  en  donnant  au 6  la  
 même  valeur  que  les Anglais  donnent  à  leur tli,  c'est-à-dire,  une  valeur  qui  tient  
 le  milieu  entre  ïs   et  le  z ,   ce même nom a  été rendu  en  arabe  par  qyçârah,  
 mot  dans lequel  la  lettre  *L> se  prononce  absolument de même  que  le  9  parmi  les  
 Grecs modernes :  il  seroit  donc  naturel  de  croire  que  c’est  le même nom  que  les  
 Éthiopiens  prononcent  kissar,  et qu’ils  donnent  à  leur  lyre. 
 Il  est  certain  néanmoins  que  cet  instrument  ne  ressemble  nullement  à  celui  
 que nous nommons guitare :  c’est une véritable  lyre, qui, par l’extrême simplicité  dé  
 sa  construction,  par  la manière  grossière  dont  elle  est  travaillée,  semble  appartenir  
 aux premiers  siècles  où  cette  espèce d’instrument  fut  inventée.  Sa  forme  ne  
 manque  cependant  pas  absolument  de  grâce ;  et  ce  qu’il  y  a  de  très-singulier  et  
 de  fort  curieux,  c’est  que  cette  lyre  ressemble  exactement  à  celle  qui  a  été  décrite  
 par Homère  dans son Hymne à Mercure, et  dont il  attribue  1 invention  à  ce  
 dieu. 
 Afin  qu’on  puisse  juger  plus aisément de  cette  ressemblance,  nous  allons  rapporter  
 la  description  de  la  lyre  de Mercure  par Homère ;  ensuite  nous  décrirons  
 celle  des  Barâbras. 
 Mercure,  nous  rapporte  Homère,  ayant  rencontré  près  de  sa  demeure  une  
 tortue  qui  s’avançoit  doucement  en  paissant  l’herbe  fleurie,  et  1 ayant  considérée  
 en  riant,  conçut  dès-lors  le  projet  d’en  faire  quelque  chose  d’utile,  et  prévit en  
 même  temps  les avantages  qui  pourroient  en résulter.  Aussitôt,  la prenant  à  deux 
 ([)  Les prêtres  Abyssins  nous ont  assuré  que  cet  instrument  est connu  sous  le nom  de  ïlltl.  kr:ir,  dans  leur  
 pays,  ainsi  que dans l’intérieur  de  l’Afrique.