
Q j 6 d e s c r i p t i o n d e s i n s t r u m e n s d e m u s i q u e
TROI S IEME PARTIE.
Des Instrumens bruyans de percussion.
CHAPITRE PREMIER.
Considérations générales sur les Instrumens bruyans de percussion.
A r t i c l e p r e m i e r .
D e la Différence qui existe entre les Instrumens mélodieux et les Instrumens
bruyans. D e ce qui distingue l ’harmonie du bruit.
N o u s n’avons parlé jusqu’ici que des instrumens mélodieux; nous allons maintenant
nous occuper des instrumens bruyans.
On appelle instrumens mélodieux ceux qui sont propres à la mélodie. La mélodie
est une certaine ordonnance de sons simples dont se compose le chant.
Les sons simples sont ceux dont la résonnance est produite par des vibrations
simples et isochrones. '
On nomme instrumens bruyans ceux qui ne produisent que du bruit. Le bruit
est l’effet simultané d’une infinité, ou, au moins, d’un très-grand nombre de
sons différens qui résonnent à-la-fois avec à peu près une égale intensité de ton.
De même que la clarté se forme de la réunion de toutes les couleurs que produit
la lumière, de même aussi le bruit se forme de tous les sons que produit l’air mis
en vibration.
Le bruit, la lumière, ainsi que le mouvement, sont, pour les êtres vivans, ce
que le silence, la nuit et le repos sont pour les êtres morts. Nos organes n’ont
besoin d’être exercés qu’en raison de la force du principe de vie qui les anime ;
e t s il vient un âge où le bruit, la lumière et le mouvement lés importunent et
les fatiguent, c’est celui où nous approchons du terme de notre existence.
Il n appartient qu’à l’art de nous procurer des sensations proportionnées à la
vigueur des organes faits pour les recevoir, et cet art, sagement dirigé, seroit
également utile à notre santé et favorable à notre bonheur.
. . L ar t musical nous-apprend à moduler et à combiner les sons, à leur donner
toutes les nuances que l’expression exige ; il nous enseigne à les marier plusieurs
ensèmble ; il nous offre même les moyens nécessaires pour produire le vacarme
le plus terrible. Les organistes, pour imiter sur l’orgue le fracas du tonnerre
ou dun très-grand bruit, ne font autre chôse que d’appuyer en même temps
leurs deux bras sur toute l’étendue du clavier; par ce moyen, faisant résonner
à-la-fois
à-la-fois tous les sons, ils produisent, avec la plus énergique vérité, l’effet qu’ils
desirent.
Si nous voulions suivre en détail la comparaison que nous venons de faire
entre les sons et les couleurs, nous trouverions un grand nombre de rapports,
non pas hypothétiques, comme plusieurs fois on a voulu en établir, mais certains
et incontestables, prouvés.par l’expérience. Nous verrions que de même que
plusieurs couleurs opposées de ton entre elles forment, étant réunies, des couleurs
composées, agréables à la vue, comme, par exemple, lorsque du bleu et du jaune
on forme le vert, lorsque du rouge et du bleu on forme le violet, &c., de même
aussi plusieurs sons opposés entre eux forment des tons composés, c’est-à-dire,
des accords agréables à l’oreille, comme, par exemple, lorsque d’une tonique quelconque
et de sa tierce ou de sa quinte on forme les consonnances les plus parfaites
de notre harmonie. Mais comme l’éclat des couleurs, même de celles qui offrent
entre elles les oppositions les plus harmonieuses, s’efface ou se trouble en raison de
ce qu’il y a un plus grand nombre de ces couleurs réunies, la résonnance des sons
est aussi d’autant moins sensible; et son effet d’autant plus confus et moins efficace,
quant à l’expression, qu’il y a un plus grand nombre de sons différens qui résonnent
à-la-fois. ( i ), quel que soit même l’éclat de cette résonnance dans chacun des sons
individuellement qui, par leur opposition de ton, des uns aux autres, paroissent
les plus propres à former des accords musicaux. Mais ces rapprochemens n’étant
pas absolument nécessaires ici, nous ne pouvons nous y arrêter, et nous nous
hâtons de reprendre notre sujet.
A r t i c l e I I .
Des diverses espèces d’ Instrumens bruyans. D es Noms q u ’on a donnés à ceux
dont les sons participaient de la résonnance mélodieuse, et à ceux qui se rapprochaient
davantage du bruit. D e l ’affinité des uns et des autres, et de l ’utilité
de chacun d’eux.
Pa rm i les instrumens bruyans, il y en a dont la résonnance ne se compose que
d’un certain nombre de sons différens, lesquels ne se confondent pas tellement
qu’on ne puisse en distinguer plusieurs d’entre eux ; ceux-ci ne produisent qu une
espèce de cacophonie plus ou moins éclatante, qui tient le milieu entre le bruit
et les accords dissonans complets de notre harmonie, comme les accords disso-
nans tiennent le milieu entre la cacophonie dont nous parlons et les accords
consonnans complets.
On peut donc distinguer les instrumens qui produisent une cacophonie plus
ou moins éclatante, de ceux qui ne font entendre que du bruit, ou des sons trop
multipliés et trop confus pour qu’on puisse distinguer les uns des autres ; c’est
pourquoi nous désignerons les premiers sous le nom de crotales, et les derniers
sous la dénomination d’instrumens bruyans.
(i) 'Ceci auroit besoin de plus grands développe- ont des préjugés trop favorables à notre harm onie m o-
mcns pour parottre sans réplique aux personnes qui derne.
É. M. L" ' “