voit ses chevaux, ses boeufs, ses moutons, expirer de fatigue ou de besoin , ses
chameaux fui restent et lui suffisent; ils le portent sur leur dos, le nourrissent de
leur lait; et supportant et la feim et la soif, affrontant dünunenses solitudes» ils
le dérobent à ses ennemis.
Les chameaux n'ont presque pas besoin de repos; ils broutent, en cheminant,
quelques plantes épineuses, que tout autre animal dédaigneroit. On les nourrit
ordinairement-avec de la paille hachée, des fèves, et des noyaux de dattes pilés.
Dans un trajet que je fis à travers Je désert , ceux que .j’avois né burent que le
septième jour.
Les gros chameaux nommés gemd n’ont qu’une bosse: leur allure habituelle
est le pas; leur trot est lourd , et ils ne pourroient le continuer long-temps.
Les Arabes les conduisent avec un licou, et, .lorsqu’ils marchent en caravane ils
les attachent à la queue les uns des autres; un homme alors en soigne ordinairement
six. On les emploie à porter à dos toute espèce de fardeaux; car l’on ne
connoît dans le désert ni voitures ni traîneaux. La charge se répartit des deux
cotes du chameau, au moyen d’un bât garni de cordes, et il est rare quelle soit
de plus de deux cents kilogrammes, à moins qu’il ne s’agisse tf’un trajet fort court.
La vitesse moyenne d une caravane composée d’une centaine de chameaux ainsi
chargés et allant au pas, est d’environ trois mille cinq cents mètres par heure : un
seul chameau feroit à-peu-près un quart en sus dans le même temps.
Il est une autre espèce plus foible, plus svelte, plus légère à la course, appelée
hegyn par les Arabes, et dromadaire par les Européens. Cet animal ne sert que de
monture ; on le conduit au moyen d’un cordon attaché à un anneau passé dans
la narine. Il na quune bosse comme le chameau, et c’est sur elle que l’on place
la selle : son trot est en général plus doux et aussi alongé que- celui d’un cheval;
et quelque rapide que soit le galop de celui-ci, un dromadaire l’atteindra à la
longue par la continuité de sa marche.
Quand on veut charger un chameau on le monter, on est obligé, à cause de
sa hauteur, de le faire coucher, et pour cela on l’habitue à- obéir à un cerlain
commandement qui consiste à pousser du gosier un son rauque, presque semblable
a celui de quelqu’un qui se gargarise. L’animal commence d’abord à plier les
genoux , ses jambes de devant se placent sous lui; il laisse glisser en avant celles
de derrière, qui viennent se ranger de chaque côté, et son ventre pose à terre.
Quand on le monte, il faut se placer lestement en selle, se pencher en
arriéré et ensuite en avant; car à peine met-on le pied à l’étrier, qu’il se dresse
promptement sur les jambes de derrière, puis sur celles de devant, de façon à
vous faire passer d’abord par-dessus sa tête, ou à vous jeter ensuite en arrière.
II faut savoir saisir avec précision ces deux mouvemens opposés, qui sont fort
brusques et se succèdent rapidement.
La chair du chameau est assez bonne ; elle a presque le gout de celle du
boeuf, et est sur-tout bien préférable à celle du cheval.
Les chevaux Arabes Jouissent, à juste titre, d’une grande réputation: ils se
divisent en deux races bien distinctes, les communs et les nobles. Ces derniers,
appelé
appelés hohel, sont plus rares dans les déserts de l’Egypte que dans ceux de l’Hegâz
et de la Syrie. Un cheval n’est point réputé noble, si son père et sa mère ne le sont
pas tous deux; et comme cette valeur d’opinion établit une grande différence
dans les prix, on a soin, lorsque l’on fait couvrir des jumens nobles par des
chevaux de même race, d’en dresser acte en présence de témoins : cette pièce
accompagne toujours la vente des chevaux, et on la leur suspend au cou dans
un petit sachet de cuir, qui renferme souvent encore un écrit mystérieux destiné
à porter bonheur au cheval et à son cavalier. Les Arabes ne sont point dans
l’usage de hongrer leurs chevaux ni de leur couper la queue et les oreilles; ce
n’est qu’en Europe que l’on mutile ainsi ce noble animal : la mode, qui règne
en despote sur cette partie du monde, a soumis les animaux mêmes à ses bizarres
caprices.
A dix-huit mois, les Arabes commencent à habituer leurs chevaux à la selle ;
à deux ans, on les fait monter par des enfàns : on ne leur donne que deux allures,
le pas et le galop. Us mangent dans la journée de la paille hachée, et au coucher
du soleil cinq ou six livres d’orge, jamais de foin; ils ne boivent qu’une fois, vers
midi, et trois fois moins qu’un cheval Français.
Les chevaux Arabes deviennent de bonne heure foibles des jambes de devant,
et il y en a deux causes principales : la première est la position très-avancée de la
selle; la seconde est la manière dont les Arabes les arrêtent lorsqu’ils galopent:
ils tirent fortement la bride ; le cheval roidit les jambes de devant, se laisse traîner
sur Celles de derrière, qui viennent se ramasser contre les premières, et s’arrête
ainsi brusquement au moment de sa plus grande vitesse.
Les Arabes emploient des mors extrêmement durs: aussi, lorsqu’ils poussent
leurs chevaux au galop , sont-ils obligés de rendre tout-à-fait la main ; en les
soutenant, ils les gêneroient.
Les selles des Arabes ont, comme celles des Mamlouks, un dossier de huit à
dix pouces de haut, assez semblable à celui d’un fauteuil ; elles ont sur le devant
un pommeau de la grosseur du bras, qui s’élève perpendiculairement de cinq à
six pouces. Les étriers sont formés d’une plaque de cuivre recourbée des deux côtés,
de façon à donner pour appui aù pied une surface plus longue et plus large que
lui, un peu. convexe et de forme quadrangulaire; les angles, qui avoisinent les
flancs du cheval, sont acérés et tiennent lieu d’éperons.
Ces sortes de selles sont fort commodes: le cavalier, les jambes ployées sur
des étriers attachés fort court, se dresse sur eux dès qu’il galope ou combat;
et le dossier de sa selle lui offrant un appui, il se trouve, fût-il mauvais cavalier,
parfaitement d’aplomb et maître de tous ses mouvemens (i).
Lorsque les Arabes viennent de faire une course, ils ont soin, avant d’attacher
leurs chevaux, de les promener au petit pas une demi-heure, lors même qu’ils
n’ont pas chaud, et de les laisser ensuite une heure sans manger.
(i) Les .Mamlouks durent en grande partie à la forme Nous étions en quelque sorte assis, eux debout; le
de leurs selles la supériorité que leur cavalerie eut sur la combat n’étoit pas égal.
nôtre, dans les commencemens de notre i ' séjour en Egypte. ; K k k k E. M.