M E M O I R E
marqués comme des .désastres, et dont on garde le souvenir, n’étant point connus
en Egypte, les formes du terrain ont dû conserver les affections générales de la
matière, et les modifications de ces formes suivre l’action des élémens, toujours
uniforme dans ce pays, combinée avec les lois du mouvement et la résistance des
obstacles.
Les pluies qui tombent régulièrement toutes les années , pendant le solstice
dete, sur les montagnes de 1 Abyssinie, dépouillent ces sommités au profit de là
vallée du Nil et du Delta.
Les troubles entraînés par le Nil sont déposés par-tout où la vitesse de l’eau est
ralentie; ils élèvent le sol.sur lequel les eaux séjournent ; ils forment des bancs de
sable j occasionnent les changemens de direction du cours du fleuve, concourent
à la formation des barres et à l’extension des plages.
Les vents, dans les tourmentes, soulèvent les sables du fond de la mer, et les
poussent sur les côtes. Dans le temps des basses eaux, lorsque les sables sont séchés,
les vents s en emparent de nouveau, et les portent sur les plages. C ’est ainsi que
les plages et les dunes s’élèvent, et que les parties couvertes de récifs se convertissent
en plages.
Le courant littoral qui suit les côtes de la Méditerranée de l’ouest à l’est, se
combine avec le cours des branches du Nil, et produit, en vertu de la diminution
de vitesse, à gauche, entre les deux forces composantes, un attérissement qui se
prolonge en pointes plus ou moins aiguè's, tandis que la plage à droite, comprise
entre la direction du cours de la rivière et la résultante, prend une forme arrondie.
Ces deux formes sont constantes; on les retrouve à l’embouchure de la branche
de Damiette, à la bouche.de Dybeh, et à celle d’Omm-fareg.
Les sables et les vases entraînés dans ce mouvement composé contribuent à
1 extension des plages, sur-tout de celle de droite, d’où naissent les caps que l’on
voit entre Damiette et Péluse, ainsi que les récifs et ce long talus qui se prolonge
au-dessous des eaux, et qui éloigne de la côte les mouillages profonds. La nature
de ces mouillages est également subordonnée à la direction des sables et du limon.
La baie de Damiette, à gauche de l’embouchure du Nil, a un fond dur de vase
noire, tandis que le fond des rades de Boghâfeh et du cap Bouau, qui sont situées
à la droite, est de vase molle jaunâtre, sur laquelle les bâtimens chassent quelquefois
, mais sans danger, jusqu’à deux ou trois lieues.
L’analogie nous porte à croire que les plages qui lient le lac Bourlos et celui
de Bahyreh aux branches du Nil, ont dû leur formation aux mêmes causes.
Enfin le courant littoral, dans les mouvemens ordinaires, ou lorsqu’il est poussé
par les vents tenant de l’ouest, en rencontrant le golfe de Ghazah, forme des
remous trop peu connus, trop peu étudiés, qui ont concouru à combler le fond
du golfe du côté de Péluse, et qui continueront de faire prendre de l’extension à
cette plage.
Maintenant, si Ion considère que, du Delta au sommet des montagnes de 1 Abyssinie, le Nil coule entre deux chaînes de montagnes qui sont calcaires jusqu’à
Açouân, et granitiques dans la partie au-dessus, on aura à-peu-près ce qui
est relatif à la géologie deTÉgypte. Les collines qui bordent les déserts de la
Libye dans la partie de 1 Egypte inférieure, paroissent être sablonneuses; elles sont
recouvertes de sables quartzeux : mais le noyau est de roche calcaire, comme on
en est convaincu lorsqu’on descend dans le puits des momies d’oiseaux au-dessus de
Saqqarah, qu’on entre dans les catacombes attenantes aux pyramides de Gyzeh, et
que l’on considère le sphinx, et le sol même sur lequel sont élevées les pyramides.
§. V I I .
Notice sur quelques Villes qui ont des rapports avec le lac Menzaleh.
L e pays de l’Egypte que j’ai visité, présente presque par-tout l’aspect d’une
grande dépopulation. Les villes de ce canton, placées au débouché de la Syrie,
se trouvoient sur les pas des conquérans, et devoient se ressentir de la présence
des armees dinvasion, composées p*our la plupart de peuples barbares, dirigés par
des chefs intraitables, tels que Cambyse ou le farouche O’mar; mais la principale
cause de leur entier dépérissement a sans doute été la suppression des branches
Pélusiaque, Tanitique et Mendésienne.
Ces branches avoient sur leurs bords , ou dans leur voisinage, des villes considérables,
Tennys (i], Tounah, Samnah et Péluse, et d’autres moins importantes. ■
Les villes de Tennys et de Tounah , ruinées, sont maintenant au milieu des
eaux; et elles appartiennent, ainsi que nous l’avons dit, au lac Menzaleh. Commè
toutes les villes qu’atteignoit l’inondation, elles étoient placées sur des levées artificielles.
La terre mêlée de décombres sur laquelle on marche à présent, est
entièrement inculte, et sa surface est saisie par une sorte de cristallisation, en
sorte que le terrain crie et cède sous les pieds, comme la neige qui commence à
geler ; ce qui rend ces îles très-pénibles à parcourir.
Tennys étoit une vaste cité; une enceinte de murailles, flanquée par des tours,
avec un fossé plein d’eau, faisoit sa défense. Elle ne présente aujourd’hui aucune
habitation. Des vestiges de bains, quelques ruines de souterrains voûtés avec art,
dont les murs sont recouverts d’un ciment très-dur et très-bien conservé, les
ffagmens d’une cuve rectangulaire de granit rouge ; tels sont les seuls monumens
que l’on distingue au milieu de débris immenses de briques, de porcelaines, de
poteries et de verreries de toute couleur. Les habitans des pays circonVoisins font
continuellement des fouilles dans cette île ; ils y recueillent des matériaux propres
à leurs habitations. C ’est ainsi que se sont transportés les colonnes, les piédestaux
, les chapiteaux et les autres monumens que l’on voit placés d’une manière si
barbare dans les mosquées et les principaux édifices, ou bien jetés dans les constructions
ordinaires. Le seuil des casernes-de Damiette est un fragment d’un très-
bel obélisque à hiéroglyphes. Nous avons trouvé dans cette ville, aux côtés d’une
poite, deux piédestaux charges d’inscriptions, l’une Grecque, l'autre Latine;
( 1 ) Tenny s, ville Romaine, bâtie sur les débris d’une ville Égyptienne, borissoit du temps d’Auguste.