Ces sortes de cymbales, étant plus épaisses et plus profondes que les nôtres,
rendent aussi un son plus plein et plus nourri; mais il est moins retentissant,
parce qu’au lieu de frôler, comme nous le faisons, les deux parties l’une contre
l’autre, les Égyptiens, au contraire, les frappent plus ou moins perpendiculairement
l’une sur l’autre, comme le faisoient les anciens (i), suivant que nous le
remarquons, soit dans les monumens de la haute antiquité (2), soit dans les peintures
des vases Étrusques, où l’on voit des personnages représentés dans l’action de
jouer des cymbales. Or, de cette manière, l’instrument ne pouvant vibrer aussi
librement ni aussi long-temps que de la manière dont nous nous en servons, le
son en est presque aussitôt; étouffé que produit, et l’effet de la résonnance interceptée
a quelque chose de désagréable à l’oreille; et c ’est-là sans doute la raison
pour laquelle les poètes ont donné au son de. cet instrument l’épithète de
rauque (3).
Les Egyptiens emploient encore cet instrument aux mêmes usages auxquels il
fut destiné par les anciens peuples (4) : il est encore admis chez eux dans les solennités
religieuses et politiques. Il letoit également jadis chez les Israélites, les Grecs
et les Romains. Chez lés Israélites, on l’entendoit retentir, tantôt dans les temples [<),
près de l’autel (6) et près du roi (7); tantôt autour de l’arche, lorsqu’on la trans-
portoit d’un lieu à un autre (8) : en un mot, cet instrument se faisoit entendre
par-tout où se manifestoit la joie publique (9).
Chez les Grecs et chez les Romains, les cymbales accompagnoient toujours les
( i ) Dictaos referunt Cttretes, q u i Jouis ilium
Vagitum in Creta quondam occultasse fe ru n iu n
Cùm pueri circùm puerum pernice choreâ
Armati in numerum pulsarent ttribus ara , Stc.
Lucret. t/e Rtrum n attira, lib. i l , v . 633 et seqq,
Æraq ue tinnitus are repuisa dabunt.
Ovid. F as t. lib. iv , v. 184.
............................................. Æ ran e tantum
Æ r e repuisa valent '!
Ovid. Motam, lib. n i , v. 53a et .333.
N ous ne ferons aucune- réflexion sur l’erreur des sa-
vans com m entateurs d’O vide, qui se sont imaginé que
ce poète avoit voulu faire entendre que ces cymhales
se frappoient avec des baguettes de fer. II y auroit trop
à faire, si l’on vouloit critiquer ces sortes de méprises
dont sont remplis la plupart des com m entaires il est
impossible de s’imaginer jusqu’à quel point les commentateurs
se m ontrent ignorans dans ce qui concerne la
m usique; ils auraient beaucoup m ieux fait de garder le
silence sur ce point,’ que de hasarder des opinions aussi
peu tolerables. N ous n’entendons pas parler ici des comm
entateurs Romains ni des scholiastes Grecs; ceux-ci ne
hasardoient pas aussi légèrem ent leur sentim ent, et leurs
idées sont toujours justes en ce sique. qui concerne la mu(
2) Voye^ les Recherches curieuses d’antiquités, par
S pon; huitièm e dissertation, des cymbales, crotales et
autres instrumens des anciens. O n voit, à la tête de cette
dissertation, une gravure représentant trois Bacchantes
d après d antiques bas-reliefs de R om e, et ces Bacchantes
paraissent dans l’action de danser, en frappant des cymbales
une partie sur l’autre, de la même m anière que le
font aujourd’hui les Egyptiens.
(>) Vertice turrigero juxtà dea magna Cybelle
Tundet ad Idaos çymbala rauca ckoros.
Propert. lib. n i , eleg. v , v . 35. . (4) S. Clém ent d’Alexandrie {Pcedagog. lib. i l , cap. IV,
p. 16 4) dit bien que, de son tem ps, les Egyptiens al-
loient à la guerre au son des tam bours; mais il ne parle
pas des cymbales: seulement il dit que les Arabes se ser-
voient de la cym bale comme d’un instrum ent de guerre.
(5) Dixït David principibus Lev ita ru ni ut constituèrent
de fratribus suis cantores in organic musicoriini, nablis videlicet
et lyris et cym balis, ut resqnaret in excelsis son i tus
laetitioe. I Paralip. cap. x v , v. 16.
(6) Vestiti byssinis, cymbalis et psalteriis et citharis
concrepabant, stantes adorientalem plagarn altaris. II Parai,
cap. V , v. 12. *
(7) Distnbuti erant, in cymbalis et psalteriis et citharciasp,
. inx xmvi,m steria donuts Domini Juxta regent. I Paralip. v. 6.
(8) Un ¡versus Israel deduçebant arcam foederis Domini
injubilo, et sonitu buccinoe, et tubis, et cym balis, et nablis,
et citharis, concrepantes. I Paralip. cap. x v , v. 28.
(9) P orro David et universus Israel ludebant coram Deo
omni virtute in canticis, et in citharis, et psalteriis, et tym- panis, et cymbalis, dfc. I Paralip. cap. x m , v. 8 ; cap. x v ,
v. 19 ; cap. x v i, v. 5 et 4 2 ; cap. XXV, v. 1 et 6. Judith,
cap. x v i, v. 2. Psalm. 150, v. 5. M achab. cap. iv ,
v. 54.
cérémonies
cérémonies en l’honneur de Rhée (i)„ de Cybèle (2), de Bacchus (3). Ménandre
nous apprend que cinq fois par jour des femmes se rendoient dans les temples ;
et tandis que les unes, au nombre de sept sur chaque rang, jouoient des cymbales
(4), les autres faisoient éclater leurs voix par des cris.
De même, en Égypte, le kâs se fait entendre aussi dans toutes les solennités
religieuses ou politiques; à la naissance de Mahomet (y); à celle du Rouyali,
c’est-à-dire, de l’apparition (6); à la fête du Beyrarn ou du déjeûner (7); à celle
du Mahmal [8), c’est-à-dire, de la convocation des hâggy, ou de ceux qui se
disposent à faire le pèlerinage de la Mecque; à celle.de la crue du Nil (9), appelée
( 1) Ardua jamdudum resonat tinniùbus Id e ,
' Tu tu s ut infanti vagiat ore puer.
Pars clypeos sudibus, galeas pars tundit inanes :
H o c Curetés liaient, hoc Coiybàntes opus.
Res latuit patrem; priscique imita mina fa c t i ,
Æ r a d ea comités raucaque terga movent.
Çymbala pro galeis, pro scutis tympana puisant :
Tibia dat Phrygios, ut dédit ante, modos.
'Ovid. Fast. lib. iv, v. 307.
(2) N e Phiygia festa cemam, ne çymbala manibus quatiam.
Nonn. Dionysiac. lib. XL, v. 156.
( j ) Perte mihi ferulam, agita te çymbala, M u s a ,
Et manu date thyrsum decantati Dionysii.
Nonn. Dionysiac. lib. 1, v . 11 et 12.
Æ r if ira comitum concrepuere manus.
Ovid. Fast. lib. l i t , v . 740.
(4) Rem quinquies die una fecimus sacrant : .
Septem ordine famulez insonabant cymbalis,
A lia ululabant.
Apud Strab. Geo'gr. lib. v u ,p . 297. (5) C ette fete arrive le 11 de la lune du mois de rabiy
d-aouel, et se célèbre dans la nuit qui précède le 12. A
cette époque, toutes les confréries de foqarâ se réunissent
chez le plus proche des descendans de M ahomet
en ligne directe qui existe alors (du temps que nous
étions au K aire, c’étoit le cheykh eJ-Bekry ); et sur la
place de Birket el-Ezbikyeh, ils exécutent les danses
propres à leurs confréries. Ceux-ci dansent en tournant
et en frappant des m ains; .ceux-làen jetant la tête, tantôt
d’arrière en avant, tantôt de droite à gauche. D ’autres
se tiennent parla main en dansant, quelques-uns ne se
tiennent que par les doigts. Ceux-là s’élèvent seulement
sur la pointe des pieds, en sautillant sans perdre terre;
ceux-ci dansent sans se tenir les uns les autres, ni par la
m ain, ni par les doigts. D ’autres s’agitent de différentes
m anières, en fermant les yeux- et sans tourner. Pour donner
une idée de ces sortes de cérémonies qui sont très-
variées et assez ordinairem ent accompagnées du bruit
des instrumens les plus éclatans et les plus bruyans, il
faudrait décrire en détail ce qui concerne chacune de
ces confréries; et elles sont assez nombreuses pour faire
la m atière d’un travail particulier.
(6) *LJ leylet el - rouyah, nuit de l’apparition.
C ’est la veille du ram adân. Cette nuit-ià, les cheykhs
des six corps de marchands de comestibles, qui sont,
1.° le cheykh des m euniers, 2.0 le cheykh des boulangers,
3.0 le cheykh des bouchers qui tuent, 4® le cheykh
des marchands de viandes, 5.0 le cheykh des marchands
d’huile et de beurre, 6.° le cheykh des marchands fruitiers,
É. M.
se réunissent aux mohteçeb du grand K aire, à celui du
vieux Kaire et à celui de Boulâq (le mohteçeb est un
inspecteur de police pour les poids et mesures); ensuite ils
se rendent ensemble chez le qâdy, accompagnés de tous
les instrumens militaires, qui sont les tam bours, les timbales,
les cymbales, les hautbois-et les trompettes. Là ils
attendent le retour du courrier que le qâdy a envoyé jusqu’au
Birket el-Hâggy, pour observer le lever de la lune et
venir ensuite lui en donner avis. D ès que cet homme
est de retour, et qu’il a annoncé l’apparition de la lune,
le qady en dresse procès-verbal en présence des cheykhs
des six corps de marchands et des trois mohteçeb, ordonne
le jeim e, et commande aux derniers de le publier
dans tous les quartiers de la ville. Aussitôt ceux-ci, suivis
du même cortège qui les avoit am enés, parcourent les
divers quartiers de la ville, en criant et faisant crier par
leurs domestiques, siarn ,siam[ jeûne, jeûne]; puis ils sont
reconduits chez eux avec la même pompe.
(7) La fete du Beyram ou du déjeîiner, autrem ent la
fin du jeûne, arrive trente jours après celle du Rouyah ; elle commence dans la nuit qui précède le prem ier de
JiyS chaouâl. D ès le point du jour, on tire le canon, le
jeûne cesse, et le peuple étrenne des habits neufs.
(8) C ette fete arrive le 18 de chaouâl. C e jour-Ià,
toutes les confréries de foqarâ se rassemblent sur la place
de Qarâm-meydân, chacune avec sa bannière et les ins-
trumens de musique qui lui sont propres. Elles sont précédées
de Yemyr el-hâggy, c’est-à-dire, du com m andant
des pèlerins, du cheykh el-belad, ou com m andant de la
ville, et des soldats de toutes arm es, avec lesquels elles
font processionneilement le tour de la ville par les quartiers
les plus considérables et les plus fréquentés.
(9) La fête de la crue du N il arrive après que la goutte
est tom bée, lorsque le N il s’est accru de seize coudées.
A lors, on rompt la digue en présence du cheykh el-belad,
du qâdy, de tous les grands de la ville et de toutes les
troupes qui s’y trouvent, réunies. Pendant qu’on coupe
la digue , on fait partir des feux d’artifice, et les musiciens
du pays viennent y faire entendre leur m usique,
composée comme nous l’avons dit dans une des notes
précédentes.
O n appelle vulgairem ent en Egypte la goutte el-
noqtah jduüJI, une rosée après laquelle les eaux du N il
semblent se corrom pre,.se troublent et deviennent jaunâtres.
Euripide, en parlant de ce phénomène dans sa
tragédie d’Hélène, s’exprime ainsi, vers 1 et suiv. :
Né/m* f&y tu S i Ka.Mimp'h iYoi p ie t f , M m m m m m