
A r t i c l e IV.
Des diverses espèces d’Instrumens qui ont été imaginés à l’imitation des
premiers.
L a n a l o g i e frappante qu’offrent la forme, soit du canon monochorde de Pto-
lémée, soit de celui qui est sculpté sur les monumens antiques de l’Égypte, et celle des
instrumens de musique Orientaux connus aujourd’hui sous les noms de kemângeh
et de kytarait, nous a encore fait naître d’autres réflexions, qui, si elles sont justes,
nous découvrent la marche progressive des inventions qui ont produit la plupart
des instrumens à cordes. Regardant cette analogie comme un témoignage non
douteux de l’origine commune de ces diverses espèces d’instrumens, tout nous a
convaincus de plus en plus que les derniers avoient été inventés à l’imitation du
monochorde, et que, par une extension et un abus de l’usage de celui-ci, ceux-là
avoient acquis une perfection qui, en faisant négliger le premier instrument et
les spéculations philosophiques auxquelles il avoit été consacré, étoît devenue la
source de cet art futile et fantasque auquel on donna depuis, mal-à-propos, le nom
de musique, quelque peu de rapport qu’il eût avec cette science. Dès que l’on
eut commence a ajouter plusieurs cordes à l’instrument canon, cet instrument, au
lieu de servir uniquement à mesurer les longueurs des cordes, à déterminer les
rapports harmoniques des sons et à en fixer le choix, fut bientôt employé dans la
mélodie, qui, jusqu’alors, avoit paru ne devoir appartenir qu’à la voix, seul instrument
naturel capable de rendre des sons réellement expressifs, dignes de fixer
notre attention et de nous toucher, par conséquent le seul propre au chant. Ce
fut sans doute pour empêcher une semblable dépravation, que les anciens Grecs,
et sur-tout les Lacédémoniens, punissoient avec tant de sévérité ceux dont les
innovations en musique tendoient à détourner de leur véritable et utile destination
les lyres-canons, en les faisant servir à un usage qui, dans ces siècles reculés,
autant par la défaveur que lui donnoit la nouveauté que par la frivolité ridicule de
son objet, devoit paroître répugner au bon sens, à la raison et au bon goût;
peut-etre aussi, à cette époque, l’imperfection des premiers essais ne permettoit
pas d y trouver les mêmes charmes qui nous séduisent aujourd’hui : ces motifs et
plusieurs autres, sans doute, que nous ignorons, durent avoir alors assez de force
pour faire condamner à l’amende, ou à une peine infamante, ceux qui osoient
ajouter de nouvelles cordes à la lyre. Ce qu’il y a de très-certain, c’est que les
principaux griefs qu’on reprochoit aux coupables en ce cas, c’étoit de violer les
lois et de dépraver les moeurs en corrompant la musique.
corporibus existant, commonstret ; ac, quod maximum e u AI Q u e N A T U R A SUO A M B IT U 1NCLUDIT ,.CO->
est et perfectissimum, quæ de anima , quam nulli non GERE E T C O N C IN N A R E . Veritm de liis in sequenlibus
homineidijfictjller percipiunt, tumsingulorum, tumquoque demonstrabilur, oratione eo provectâ.
universi, rationes suppeditare habcat. Cujus rei mi/ii testis C’est en effet ce que, dans la suite de son Traité
estdivina sapientis viriPanamas, Pythagorei, oratio, qui, sur la musique, Aristide-Quintilien démontre par les
NEGOTIUM, inquit, m u s ic e s e s t , NON t a n t u m preuves et les faits qu’il allègue.
VOCIS P A R T E S IN T E R SE COMPONERE , SED QUÆ~
Le
1
Le canon polychorde en forme de trapèze donna probablement aussi 1 idée
des espèces d’instrumens qui lui sont analogues, tels que le. santir des Orientaux
modernes, notre psaltérion, notre tympanon, les harpes antiques, cl’oû sont venus
par la suite nos harpes : .odernes, nos épinettes, nos clavecins et nos pianos. C’est
ainsi que souvent une découverte utile, dont l’emploi a d’abord été tout naturel
et fort simple, donne naissance à des inventions plus recherchées et plus composées,
et que celles-ci en engendrent à leur tour de plus compliquées encore,
qui, au lieu de contribuer à la perfection de l’art, ne font que le corrompre et
l’embarrasser par mille difficultés aussi vaines que puériles. On peut en dire autant
des autres espèces d’instrumens de musique. La forme en a d’abord été fort simple
et l’usage très-naturel, ainsi que nous l’avons dit dans notre Dissertation sur les
diverses espèces et les noms des instrumens de musique que l’on remarque parmi
les sculptures qui décorent les antiques monumens de l’Egypte, A. tom. I, pag.idi.
A r t i c l e V.
De la Forme générale et des Dimensions principales du QânOn des Egyptiens
modernes.
Nous avons déjà dit que la forme du qânon des Égyptiens est un trapèze ( i ) ; il
ne nous reste plus rien à ajouter ici sur ce point, sinon que ce trapèze est terminé,
à droite, par un côté D qui aboutit à angle droit, par l’une de ses extrémités, à la
base Et, et par l’autre, au sommet st; à gauche , le trapèze' est terminé par un
angle aigu: c’est-à-dire que la ligne.du côté droit D s’élève perpendiculairement
de la base au sommet, tandis que la ligne du côté gauche G s y élève obliquement.
Les dimensions de ces lignes, que nous allons décrire, achèveront de
donner une idée exacte de la forme de cet instrument.
La ligne du sommet, en supposant qu’on la prenne à partir dé l’extrémité
supérieure du cheviller c, et qu’on la prolonge parallèlement au sommet de la
table, jusqu’à l’extrémité de cette partie de l’instrument t du côté droit, a 325 millimètres
; mais, en déduisant de cette dimension l’étendue de 61 millimètres qui
appartient au cheviller, lequel forme dans toute son étendue une saillie hors
du corps de l’instrument, ce qu’il est facile d’apercevoir dans la partie G de la
figure 2, laquelle représente le profil du qânon, et en ne mesurant la ligne du
sommet que sur la table, cette ligne n’est plus que de 264 millimètres : mais,
comme la table, dépasse encore le corps de l’instrument de 19 millimètres dans
toute son étendue du côté droit D, ce que l’on n’a pu rendre sensible que dans
le profil (2) de cet instrument, on pourroit retrancher cet excédant et réduire
la ligne du sommet à 245 millimètres.
La ligne de la base B , en y comprenant la largeur de la ligne du cheviller Ec,
a 953 millimètres; et en retranchant la partie Ee de cette dimension qui
(1) .Voyez, pl. BB t fig. I.
Ê . M ,
(2) Voyez t, D , pl. BB, J!g. 2.
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