Cependant il paroft que, depuis la plus haute antiquité jusqu’à ce jour, l’usage
de cette espèce d’instrument a toujours été presque exclusivement réservé aux
femmes. Chez les Hébreux, c’étoient des femmes qui en jouoient. Chez les Grecs
et chez les Romains, on ne le voyoit non plus qu’entre les mains des femmes; et
si les Corybantes en faisoient usage, c’étoit parce qu’ils avoient renoncé à leur
sexe, en se privant des organes de la virilité. Ltsfoqarâ d’Égypte, dont les cérémonies
et les danses ont beaucoup d’affinité avec celles des Corybantes, s’étant
affranchis de bien des règles établies par le Prophète ou par les autres statuts de
la religion musulmane, d’après lesquels il est défendu aux Mahométans de faire
usage de la musique et des instrumens dans leurs prières religieuses, ont admis
aussi cette sorte d’instrument dans leurs zekr; mais ces moines font exception
dans l’ordre religieux comme dans l’ordre civil.
Il n est pas sans exemple, cependant, que les alâtyeh, qui sont les musiciens de
profession du pays, se soient servis quelquefois de ces sortes de tambours, et ils en
jouent encore de temps à autre ; mais cela arrive trop rarement pour qu’on puisse le
regarder comme un usage.
Il y a fort peu de rapport assurément entre l’emploi que font aujourd’hui les
Egyptiens de ces tambours et celui qu’en faisoient les anciens peuples. Les
Hébreux avoient admis cet instrument dans toutes leurs plus grandes solennités
publiques, religieuses ou politiques. Ils s’en servoient, soit lorsque l’on trans-
portoit l’arche d’un lieu à un autre ( i), soit lorsqu’on rendoit grâces à Dieu de
quelque événement heureux pour la nation (2) ; après une victoire (3); pendant
les danses^et les chants religieux (4); aux néoménies (y ) ; pour aller au-devant
de quelqu’un et le recevoir avec honneur (6 ) , ou pour le reconduire lorsqu’il
s’en alloit (7 ) ; dans les festins (8 ), dans les jeux (9 ) , dans les plaisirs de la
(1) David, autan et omnis Israël ludebant coram Do- . , T . . _
nùno in omnibus lignis fnbrefacis, et Maris et lyris J , ' t “ 1 1 1 «*” > - •yn.panis, ctsistHs, Î cyLlis.U “ " " " ^
Porto David et univcrsus Israël ludebant coram Deo Omni Et elevaverunt oculôs suos, et viderun, ■ et ecce tumul
virtute ,n cannas, et m cubons, etpsaiteriis, et tympanis, tus ctavvaratusmub.,.. r ant et ecce tumulet
cymbalis, et tubis. 1 Parai, cap x m , v. 8. t \ p . n/T . , et jratres e/us obviain tllis curn tympanis et musicis pt (2) Sumpsit ergo Mariaprophetissa, sororAaron., tym - armis multis. M achab. cap. ix v. L panum m manu sua : egressoeque sunt omnes mulierpt nnct r~\ n _ *, . '
eam cum tympanis „ S g J K f l H R * J L f ' « B indicaremibi,
h) Incinitp Dnnttnn ; * r» • prosequerer te cum gaudio, et canticis,(3J et tym panis, et Jnapifc Domino « ty m p an is, cantate Domino m citharis! Genes. cap. XX XI v. 27.
cymbalis, modulamini illi psabnum novum. exaltate et Cithnm Pt h,™ ** 1 ... invocate nomen ejus, Judith cap x v i v 2 • T ' tym panum , et tibia., et vinum
D ' y ’ p V I , v. 2. ln convivus vestris. Isa. cap. V , v. 12
r r £ r r ; ™ ~ “ T ; ’■
(4) Laudent nomen ejus in choro: | tym pano et Vsal- " I T " ' “T “ -’ * ^ C) =
terio psallant ci. PsaL c x l i x v a ; * Psalter"s• choris et saltationibus
' Laudate eum in tvm nnnV .* / ; r . " Plaus,bus 'Egyptiorum, « dissolutis ejusmodi otiis stu-
I " “ w vr r - bmmb*> ^ $ 3 $ $ *
insigni die solemnitatÙ veste«. Ps. « x x T 3 et / J ” E 2 & (6) Excipienteseum c”u mco rcoonroisn eist elat mlapiaJdnidbuihs, du!c/e ntes atiduhmu.c J oerrneambe. rcisa pty. mXpXaXnrIs, tvu. ,s4,. etegredieris in choro luden- choros in tympanis et tibiis. Ju d ith , cap. n i , v. lo.
jeunesse ( i) , &c. ; mais ils ne s’en servoient jamais dans les temps de deuil et
de Calamités publiques (2).
Chez les Grecs et chez les Romains , cet instrument étoit particulièrement consacré
à la célébration des mystères de Bacchus (3), de Rhée (4) et de Cybèle (y);
rarement il étoit employé dans les amusemens particuliers ou dans les plaisirs du
vulgaire, et jamais, non plus que chez les Hébreux, dans les temps de deuil et
d e ‘ calamité (6).
Les Egyptiens modernes, au contraire, n’admettent cette espèce d’instrument
dans aucune cérémonie publique, solennelle ou politique, ni dans aucune circonstance
sérieuse de quelque importance : il est uniquement consacré à la joie. On
s’en sert dans les réjouissances domestiques de l’hyménée; il devient un moyen de
récréation pour lès femmes dans leur harem. Il est ordinairement aussi du nombre
des instrumens des saltimbanques ou ménétriers qui suivent les gliaouâzy et qui
les accompagnent dans leurs danses, des jongleurs qui amusent la populace dans
les carrefours et dans les places publiques : mais, hors de ces cas, nous n’avons pas
remarqué qu’il fût en usage, si Ce n’est dans une danse funèbre de fellâli que nous
avons décrite dans notre Mémoire sur l’état actuel de l’art musical en Egypte (7).
Une opposition aussi marquée entre l’usage que les anciens faisoient de ces
sortes de tambours et celui auquel ils sont bornés chez les Égyptiens modernes,
ne peut avoir assurément pris sa source que dans l’éloignement que Mahomet a
inspiré aux Musulmans pour tout ce qui tient au cérémonial des autres religions.
eor(u1m) Eexgureltdainutn tluurs iqbuuas.s i Tgernegeenst parvuli eorum, et infantes et gaudent ad sonitum organi. tympanum et citharam, Job. cap. x x i, v. 11. (2) Cessavitgaudiumtym panorum , quievitsonitusIcetan-
tium ; conticuit dulcedo citharce. Isa. cap. XXIV, v. 8.
(3) NuncQ fiura òqru, eu st uBba Jcdcahoi furiis Eleléidcs acta, tympana colle movent.
Ovid. Herold. ìv, v. 47* AAut ts iB qaunioss ipasuats CEovliiai daods saacurta Gaednveotcytltl,idos, Vix colloqui esset, sic sonarent tympana.
Aristoph. Lysistrata, v. 1 et seqq. SEornguos qilulee luxus fiminarum promicat, tympani et frequens bacchatio. Aristoph. Ly siscrata, v. 387.
(4) QVeunaeqruane dsau pRerh etaau, rfiifleirau mm sualtcirfoarsm roist apsr himaboegnetenmit ic,opula coronas,
Tympanis sonans, amans insaniam, astri aripes puella.
Orph. Suffim. aromat. in Rheam, v. t et seqq.
(5) OVmennii aa dd osamcarnifsic, iuPmhr, yvgeinae rsaernvdaat,r itxy, mSpaatunrisn ig uauxodre.ns, Calestis, veneranda, vita nutrix, astrum ' Veni lata,' grata pletati. amans,
Orph. Aiatris dtorum svffim. var. v, 11 et seqq.
Tympana vox buxusque vocant Berecynthia matris, Virgii. Æneid. iib. IX, v; 617.
(6) NNoecn Baccha thyrsigerà, tympanorum strepitus.
Euripid. Cyclops, v. 64 et dy, Non crepitacela aris et tympanorum pulsationes.
Euripid. Cyclops, v. 204.
(7) L’usage du tambour de basque dans les cérémonies
funèbres, chez les Egyptiens, a été aboli par
A ly, pâchâ du Kaire, dans l’an 1626, au mois de mai;
depuis ce temps, on ne s’en est plus servi dans ces circonstances.
Voye£ les Notices et Extraits des manuscrits
de la Bibliothèque impériale, tom. 1, p. 20J.