mais, devenant plus sensibles par degrés, on ne tarde pas à y reconnoître l’image
révoltante de ce que le libertinage a de plus effronté. L ’expression de la figure
et du maintien de la danseuse caractérise successivement toutes les- gradations
de la passion que manifestent les impudiques mouvemens de son corps. O n voit
naître l’inquiétude, puis la m élan co lie ; le trouble e t l’agitation du coeur leur
succèdent.; bientôt le désordre répandu dans tous les sens manifeste le désir
impatient de jouir. A l’ivresse et en quelque sorte au spasme du plaisir, on juge
que le désir est satisfait; mais cet état se change presque aussitôt en abattement
qu’accompagne la honte. Cep endant ce sentiment se dissipe peu à p e u , la co n fiance
renaît, et la passion se reproduit avec plus de force encore que la première
fois. Ainsi se continue cette impudique p an tomim e , jusqu’à ce que les spectateurs
en soient rassasiés e t se re tiren t, ou jusqu’à ce que la danseuse soit lasse.
C e qu’on aura peut-être de la peine à c ro ir e , c’est l’énergie que prête à l'expression
de cette danse le rhythme du bruit des instrumens à percussion ; il en
caractérise tous les mouvemens d’une manière à n’y rien laisser de douteux. Rien
n’est plus voluptueux que le cliquetis a rgentin , e t j’oserai dire le son aqueux, des
castagnettes d’airain que les danseuses ont dans chaque main. C e t instrument a la
forme de très-petites cymbales d’un diamètre de quarante-huit millimètres ( i ) , et
est épais à-peu-près d’un millimètre vers les bords. Une petite bou c le en co rd on n e t,
que l’on fait passer au travers d’un trou qui est au centre de la partie bombée
de cet instrument, où elle est arrêtée en dedans par un noe u d , sert aux danseuses
à introduire leur doigt pour tenir ces castagnettes sans en gêner le mouvement.
Elles en o n t une paire dans chaque main, c’est-à-dire, une castagnette attachée au
pouce e t l’autre au grand d o ig t , tant de la main droite que de la main gauche ; de
cette manière elles les frappent l’une contre l’a u tre , tantôt successivement, tantôt
toutes à-la-fois, suivant l’effet qu’elles veulent produire. L e son est d’autant plus
éclatant qu’elles les frappent davantage l’une sur les bords de l’autre ; il l’est
moins en raison de ce qu’elles les avancent davantage l’une sur l’autre; et il est
presque étouffe et sans éclat quand elles les frappent d’a p lom b , de manière que
l’une couvre exactement l’autre. C ’est par le choix et l’usage que les danseuses
savent faire à propos de ces diverses modifications du son de leurs castagnettes,
et par le rhythme convenable qu’elles ne manquent jamais d’adapter parfaitement
à la situation qu’elles veulent p e in d re , qu’elles caractérisent d’une manière
étonnante l’effet du sentiment dont elles exécutent la pantomime. T o u t en
faisant entendre cet agréable cliquetis, elles d év e lop p ent, étendent ou élèvent
mollement leurs bras en les arrondissant, comme si elles sollicitoient et attendoient
Tendere quoe tremulum Pelian Hccubaque maritum
Posset a d Hectoreos sollicita re rogos:
U rit et excrudai dominum Thelesina priorem ;
Vendidit ancUlam, nunc redim it domina\n.
Martial, lib. V I , epigr. I.XXI.
Jam tremulum crissâ t, tain hlandum p ru rit, u t ipsum
Masturbaiorem fecerit Hipjmlytum.
Martial, lib. X IV , epigr. CCIII.
(i) Environ un pouce huit lignés;
Motus doceri gaudet Iónicos
Matura virgo, et fingitur artubus
Jam nunc, et incestos amores
P e tenero meditatur ungui.
Horat. lib. HI, od. v i.
Huc huc convenite nunc, spatahcinadi,
Pede tendile, cursum addite, convolate planta,
Femore facili, clune agili, et manu procaces,
Mollcs, ve teres, Deliaci manu recisi.
Petron. Satyr,
un embrassement; puis elles les rapprochent de leur figure et presque sur leurs
yeux baissés, qui expriment la pudeur ou la h o n te , comme si elles vouloient se
dérober aux regards.
En un m o t , tous les mouvemens de cette danse tendent à exprimer les combats
de la pudeur contre l’am o u r , le triomphe de celui-ci e t la défaite de celle-là; et
suivant que les mouvemens de la danseuse et le cliquetis des castagnettes sont
ou plus modérés, plus égaux et plus d o u x , ou plus prononcés et plus v ifs , ou
qu’ils deviennent plus intermittens et que les sons perdent leur éclat et deviennent
plus étouffés et plus sourds, on sent que le combat est plus ou moins ég a l, ou
que le plus fo r t triomphe et jouit de son a vantage, et que le plus foible succombe
et se soumet à la discrétion du vainqueur.
V o ic i les divers rhythmes des castagnettes, qui expriment les alternatives de
ce combat : nous aurions pu en ajouter beaucoup d’autres e n c o r e , mais qui ne
sont que des nuances e t des variations de ceux-ci.
Des deux mains ensemble, et faiblement, les castagnettes un peu avancées l'une suri autre,
le son peu éclatant,
■ [Mouvement modéré.] ___
ISgâj . ~ ” S egue.
Des deux mains alternativement, un peu plus fart, les castagnettes moins avancées l'une surl'autre,
le son plus éclatant. .
[ Mouvement plus vif. ]
y \ — —>— --------------------- ■ Segue.
Des deux mains alternativement, plus fart, les castagnettes avancées près des bords,
le son plus éclatant encore.
f Mouvement vif.] , - -
L _ -a- -a- -P~ t ---------------C-— -r —f--------- 1 F--- F— r r r r z
f e j —— ^ I = ----------- - Segue.
Des deux mains alternativement, très-fort, les castagnettes frappées sur les bords l'une de l'autre,
le son très-éclatant.
[Mouvement v if et a c c é lé ré.]^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ | T~ ' [ T~ T
Des deux mains alternativement , les castagnettes avancées lutte sur l'autre, le son
moins éclatant.
[Mouvement ralenti^] ^ ^ ^ ^ ^ -j»-
Ê. M.
Segue.
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