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de la langue Barbarine m’ont été donnés sur les lieux par un homme de cette nation
; les noms Berbères m’ont été fournis par le savant M. Langlès, qui a imprimé,
à la suite de sa traduction du Voyage de Hornmann, un extrait du grand vocabulaire
Berbère de M. Venture, déposé en manuscrit à la Bibliothèque impériale.
NOM S FRAN ÇAIS. NO M S BARÂBRAS. - N O M S BERBÈRES.
U n .................................... .. . v O u é ro .................................. lew en , ia n , w a n , wa.
T ro is. Kapr-dîgi T ou sco .............. ................... K errad.
Q u atre................................. C om so.................................. Kouz.
C in q S........... ...................... -D idja.................................... Sem m ous.
Six........................................
Sept. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Collodio. . .•.................. Set. '
H u it........ ............................. Id o ............. T em .
N e u f......................
D ix ........................................
Le savant orientaliste, M. Marcel, membre de l’Institut d’Egypte et directeur
de l’Imprimerie impériale, a bien voulu, sur ma demande, former-un tableau qui
présente le rapprochement des noms exprimant les premiers nombres cardinaux
dans vingt-huit langues Africaines, tant anciennes que modernes. Les noms Barâbras
n’ont aucune ressemblance avec les noms correspondais des autres langues.
Les déserts qui séparent le Nil de la mer Rouge, et ceux qui se trouvent à l’ouest .
des rochers qui bordent le Nil, étant occupés par des Arabes, il en résulte que la
langue Barbarine est tout-à-fait confinée sur les bords du fleuve : elle paroît en
usage sur une étendue de cinq degrés en latitude.
Le village de Kânâq, situé sur la rive droite du Nil, à six myriamètres de Syène
en descendant vers Ombos, est le point le plus septentrional occupé par les Barâbras.
Les habitans de ce village sont comme une colonie détachée du reste de la
nation : pour la retrouver, il faut remonter au sud jusqu’à Syène; la contrée intermédiaire
et la ville de Syène sont habitées par des Egyptiens.
L’île d’Eléphantine est habitée et mise en culture par des Barâbras. En remontant
le Nil pendant dix jours, on trouve cette nation sur les deux rives; ensuite,
pendant deux autres jours, une tribu d’Arabes qui portent le nom de Légasses (i) ;
après quoi l’on rentre parmi les Barâbras, qui s’étendent jusqu’à la grande cataracte.
Ces détails m’ont été donnés par un Barbarin très-intelligent, nommé Hâggy
Mahammed, qui avoit été plusieurs fois à la grande cataracte ; il ajouta qu’il existe
au-dessus de la grande cataracte un peuple cultivateur fort doux, appelé Masse.
Cette nation est assujettie à la tribu des Arabes Chaguiés, qui, dans leurs courses,
volent des enfans et les incorporent aux Masses, afin d’augmenter le nombre des
(i) La plupart des noms de lieux cités dans ce Me- l’orthographe suivant la méthode adoptée moire n’appartenant pas à l’Egypte, on n’a dans l’ouvrage pu en corriger pour la transcription des mots Arabes.
cultivateurs
S U R L A N U B I E E T L E S B A R A B R A S . 4 ° i
cultivateurs qui travaillent à leur profit. Il est très-vraisemblable que les.Mâsses
sont de la même race que les Barâbras, et que cette race s’étend au-dessus de la
cataracte jusqu’à Dongola, vers le dix-neuvième degré de latitude.
On voit dans la relation du voyage que Poncet fit en 1698 pour se rendre en
Éthiopie par la grande Oasis, qu’après avoir traversé les déserts de Chebb et de
Selimch, il atteignit le Nil en un lieu où est située une grosse bourgade appelée
Machou : « Elle appartient, dit-il, au roi de Sennaar, et fait le commencement du
» pays desBarauras, que nous appelons Barbarins (1). ». C ’est en effet sous le nom
de Barbarins que les Barâbras sont connus des négocians Francs établis au Kaire.
M. Brown, qui a séjourné pendant trois ans à Cobbeh dans le Dâr-four, a trouvé
cette ville presque entièrement peuplée de marchands nés sur les bords du Nil,
dans le Mahas et le Dongola, deux contrées désolées, dit-il, par.les irruptions des
Arabes Schaikiés (2); ce qui est exactement conforme au rapport qui m’a été fait
par Hâggy Mahammed. M. Brown (3) dit ailleurs que le teint de ces marchands est
olivâtre, que leurs traits ont quelque ressemblance avec ceux des Européens, que
leur physionomie est souvent agréable et remplie d expression. A ces traits on n aurait
pu méconnoître les Barâbras, quand même ce:voyageur nauroit pas eu soin
de nous apprendre que ces marchands parlent entre eux la langue des Barâbras (4).
Hâggy Mahammed m’a donné le nom de plusieurs villages ou bourgs situés au- -
dessus de Philæ, sur les deux bords du Nil, et habités par les Barâbras. Deux villages
sont situés immédiatement au-dessous de la grande cataracte : 1 u n , qui est
sur le bord oriental du N il, porte le nom de Siouarti; l’autre, qui est sur le bord
opposé, est appelé Allouanaâti. La liste formée sous la dictee de Haggy Mahammed
contient quatre-vingt-trois bourgs, dont quarante-quatre sur la rive Arabique, et
trente-neuf sur la rive Libyque.
Parmi les bourgs de la rive Arabique, se trouvent Derry et lbrim, que leur
importance doit faire distinguer : lbrim est comme la capitale du pays des Barâ-,
bras; et peut-être pourroit-on, sans impropriété de terme, lui donner le nom de
ville. Sept des villages de la rive occidentale sont indiqués comme possédant
des ruines d’anciens édifices Égyptiens. Hâggy Mahammed et quelques autres Barâbras
qui prenoient part à notre entretien, affirmèrent que plusieurs de ces ruinés
sont aussi grandes et aussi bien conservées que celles de Philæ, que nous avions
alors sous les yeux. Ces villages sont,
1.° Debode, où l’on peut se rendre de Philæ en quelques heures;
2.“ Abisco ;
3.° Gartaâcc;
4 -° Ennedaon (ces trois endroits sont fort près les uns. des autres, et 1 on peut
s’y rendre de Philæ en un jour);; -
<° Kelâpchy gharb, situé à deux journées de Philæ ;
(1) Voye^ Lettres édifiantes, tome III, p. 2Îp, édi- peuples, diffère un peu de la m ienne; mais cette difle-
tion de M érigot, 1780. rence n’empêche pas de reconnoître. l’identité.
(2) Voyage de M . Brow n, traduit par M . C astera, (3) Page j 64. chez D entu, 1800, t. I , p. 361. - (4) P<*ge jfy' L’orthographe de M . B row n, dans les noms des
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