dans un grand nombre de cas analogues qui se sont présentés à l’hôpital de la
garde impériale.
Lorsque l’ophtalmie tient d’une affection gastrique, elle exige un traitement
différent; fa saignée n’est point indiquée pour elle; les sangsues ou les mouchetures
a la tempe, près du petit angle de l’oeil, sont quelquefois nécessaires: ces dernières
conviennent aussi sur les paupières lorsqu’elles sont oedématiées.
Le vin chaud et les collyres répercussifs doivent être appliqués immédiatement ;
mais, a cause de l’affection de l’estomac, on fera passer au malade quelque]
vomitifs suivis de purgatifs et de boissons amères. Si la maladie ne cède point à
ces moyens, on appliquera les vésicatoires à la nuque ou derrière les oreilles. On
guérit souvent les fluxions des yeux par le seul usage des remèdes internes.
L ophtalmie a épargné peu de personnes pendant les derniers mois de l’an 6 et
les premiers de l’an y [1798] : chez presque toutes, elle a été inflammatoire ; et
chez quelques-unes, elle a eu des suites fâcheuses.
Dans le cours de l’an 8 [1800], peu de militaires en ont été affectés, et j’ai
o serve quelle etoit, chez presque tous, symptomatique et moins opiniâtre:
aussi la guérison en a été prompte et facile. Quelles sont les causes de ces différences!
Je croîs les trouver dans les marches pénibles que nous avons faites,
pendant les années 6 et y, à travers des déserts sablonneux, arides, privés d’eau]
et ou les soldats passoient tout-à-coup des chaleurs brûlantes du jour à J’humi-
dite froide de la nuit, dont ils ne pouvoient se garantir faute de capotes ou de
couvertures. Cependant l’expérience leur apprit bientôt que c’étoit le seul moyen
de se préserver de cette cruelle maladie : aussi depuis cette époque ont-ils eu soin
de porter avec eux tous les vêtemens nécessaires.
Le repos des troupes, la précaution qu’elles avoient prise depuis dans les
marches, et leur acclimatement, ont rendu les effets de cette maladie, pendant
cette dernière année, presque insensibles.
Au commencement de l’an 9 [1800], l’armée se mit en marche pour repousser
les Anglais, qui venoient d’effectuer leur descente à Ahou-qyr. Nos troupes se réunirent
sur les limites de l’antique Alexandrie, et y établirent leur camp. Après la
bataille du 30 ventôse an 9 [21 mars 1801], les chaleurs, les travaux pénibles
des retranchemens et la fraîcheur des nuits commencèrent à affecter les individus
e larmee les plus foibles , tels que les blessés ou ceux qui avoient. déjà été
atteints de la maladie des yeux. Le débordement du lac Ma’dyeh, dont les eaux
vinrent en peu de temps baigner les ruines d’Alexandrie, augmenta considérablement
les émanations aqueuses, et rendit les nuits encore plus fraîches. Bientôt
le plus grand nombre des soldats campés sur les rives du nouveau lac Maréotis
furent frappés d’ophtalmie; et dans l’espace de deux mois et demi, plus de trois
mille hommes passèrent successivement dans les hôpitaux. La maladie se présenta
sous différentes formes; mais, en général, elle étoit inflammatoire avec des symptômes
moins intenses que celle qui régna la première année. Chez quelques-uns
elle se compliquoit de fièvre catarrale ou d’affection scorbutique. On combattoit
ces complications par les remèdes indiqués. Dans tous les cas, les saignées locales,
telles
telles que les mouchetures aux tempes et aux paupières, produisoient de très-bons
effets; elles calmoient promptement la douleur, diminuoient l’engorgement, et
fàcilitoient l’action des autres remèdes : la saignée générale ne convenoit point.
On avoit égard ensuite à J’état de l’estomac et aux vices qui pouvoient compliquer
la maladie ; on suivit d’ailleurs avec un succès complet, pour le reste du
traitement, les préceptes indiqués dans le cours de mon Mémoire : il en est résulté
que, sur trois mille et quelques ophtalmiques, il n’y en a pas eu un seul qui ait
perdu la vue.
Les Anglais, à leur arrivée en Egypte, n’ont pas été exempts de cette maladie;
mais ils ont suivi la méthode Française tracée dans ce Mémoire, qu’ils trouvèrent
dans nos hôpitaux à Rosette, et ils ont conservé ainsi la vue à la plupart de
leurs malades.
Plusieurs Français qui avoient échappé à cette affection, furent frappés presque
tout-à-coup, en rentrant en France, d’un aveuglement plus ou moins complet, qui
paroît devoir être attribué à la paralysie de l’organe visuel, déterminée, sans doute,
par le passage subit du climat très-chaud de l’Egypte à celui de la France dans la
saison la plus rigoureuse.
J’ai pu remarquer les phénomènes qu’a présentés la maladie de M. Poirée, brigadier
des guides de l’armée d’Orien't, devénu aveugle au moment de sa rentrée
en France. Ce militaire, après avoir essuyé, pendant sa quarantaine à Marseille,
une ophtalmie inflammatoire, accompagnée de douleurs violentes à la tête, et
qui le priva totalement de la lumière, fut transporté à l’hôpital de la garde des
Consuls, où il termina sa carrière.
Tous les symptômes inflammatoires avoient disparu; cependant les yeux étoient
saillans, plus gros que dans l’état naturel, et les iris sans mouvement. Si le malade
y sentoit de légères douleurs, il en éprouvoit de vives et de permanentes vers le fond
des orbites, sur le trajet des sinus frontaux ; sa constitution étoit appauvrie, et son
moral considérablement affecté. Après cinq ou six mois des soin9 les plus assidus
et l’usage des remèdes les mieux indiqués, Poirée est mort dans le marasme.
A l’ouverture de son cadavre, nous avons trouvé le globe des yeux tuméfié ; le
cristallin avoit acquis un peu d’opacité ; la face interne de la choroïde étoit de
couleur jaunâtre , la rétine réduite en putrilage, les nerfs optiques atrophiés; le
périorbite et üne portion de la dure-mère des fosses antérieures de la hase du
crâne étoient détachés, et les points osseux dénudés de ces membranes, attaqués
de carie ; la substance du cerveau étoit ramollie, et ses cavités ou ventricules
remplis de sérosité.
Il seroit important pour la santé des troupes, qu’on ne les fît passer d’un climat
à un autre opposé, que dans les saisons où ces deux climats jouiroient d’une température
à-peu-près égale ; ou, si les circonstances forçoient à s’éloigner de ce
principe, on devroit prendre les précautions nécessaires pour prévenir les influences
de l’extrême différence de la température et de ses effets pernicieux.
Pour se garantir de l’ophtalmie en Égypte , il faut éviter l’impression directe
de la lumière et de la poussière sur les yeux pendant le jour, être bien couvert