salutaire. Nous avons suppléé aux sangsues ordinaires, dont on étoit privé en
Egypte, par les ventouses scarifiées, appliquées dans cette région ou aux hypo-
•condres. Ce moyen, dont je n’ai eu qu’à me louer, est préférable à la saignée
ordinaire, qui, en général, n’est pas indiquée dans les climats chauds, sur-tout
en Egypte, et particulièrement pour la lèpre.
Une secousse donnée à l’estomac, à l’aide d’un vomitif, facilite l’action des
autres remèdes. On lui fait succéder quelques purgatifs doux. On met ensuite
te malade à l’usage des bains tièdes, des lavemens émolliens, des boissons amères
et apéritives, telles que le petit lait coupé avec la fumeterre, une infusion d’espèces
amères dans le jour, une potion camphrée et antispasmodique la nuit. Le
régime doit être doux et humectant, composé principalement de laitage, et tiré
du règne végétal. Tels sont les moyens qui conviennent dans les premiers temps,
et c’est par leur emploi que nous avons arrêté les progrès de cette maladie chez
plusieurs de nos soldats qui en étoient attaqués. On applique sur les éruptions
un peu de pommade adoucissante, telle que le cérat safrané.
Dans le second état, il faut donner plus de force aux amers, et y ajouter les
racines de patience et de bardane. Le sulfure rouge d’antimoine, combiné avec
l’extrait de fumeterre et le muriàte de mercure doux, des bols de camphre, et
l’opium, le soir, à petite dose, ont produit de bons effets.
Lorsqu’on ne voit le malade que dans le deuxième état, il faut faire précéder
ces remèdes de quelques purgatifs légers, et de deux ou trois bains tièdes, pour
ramollir la peau et les pustules : un plus grand nombre de bains diminueroit ou
détruiroit l’effet des médicamens. On continue l’usage de la pommade précitée.
Dans les troisième et quatrième états, on ajoute aux remèdes déjà proposés
le sirop diaphorétique, mêlé aux cinq racines apéritives, et le quinquina: on en
augmente la dose graduellement, ainsi que celle de l’opium et du camphre. Le
régime doit être stomachique et stimulant. Il faut que le malade use de bon vin,
mais en petite quantité; de café mokhâ sucré; qu’il s’abstienne des viandes indigestes
, et mette très-peu de sel dans ses alimens. Il faut qu’il respire, autant que
possible, un air pur, et qu’il prenne modérément de l’exercice. Enfin, on lui fait
de fréquentes lotions avec du vinaigre et de l’eau chaude, sur toute l’habitude
du corps ; on fùmige souvent son lit et son appartement avec de fort vinaigre.
Ce traitement doit être continué avec les modifications relatives, assez longtemps
pour qu’on en obtienne des résultats avantageux.
Lorsque le vice général est détruit, ou considérablement affbibli, ce que l’on
reconnoîtra par la diminution des symptômes, on enlevera les croûtes lépreuses
à l’aide des ciseaux ou du bistouri, si la nature n’en a point opéré la chute : on
coupera même la peau désorganisée, et on l’emportera en totalité. Cette extirpation
se fait sans douleur ; elle est accompagnée d’une légère effusion de sang
noirâtre. On applique immédiatement, dans les ulcères qui en résultent, le
cautère actuel, dont on réitère l’application les jours suivans, jusqu’à ce que
les parties subjacentes aient repris la vie et le ressort qu’elles avoient perdus.
Les forces et les fonctions du malade se rétablissent de jour en jour; (es ulcères
se détergent et se cicatrisent, et il reprend de l’embonpoint. Nous avons rèmarqué
que les cicatrices restent bleuâtres et deviennent douloureuses, lorsque l’atmosphère
est humide : c’est le cas de les fortifier par des lotions aromatiques.
L’individu éprouve, aux mêmes époques, des douleurs dans les membres. A ces
légères infirmités près, ce traitement, long-temps continué, nous a fait obtenir
la guérison complète de tous ceux qui ont été atteints de la lèpre, à l’exception
de l'officier amputé.
Les pansemens journaliers se font avec une dissolution dans suffisante quantité
d’eau, d’oxide de cuivre, d’alumine, et d’un peu d’acide sulfurique.
L’observation que je vais rapporter semble ne laisser aucun doute sur le vrai
caractère de la lèpre , dont les symptômes ont été observés par nous à l’hôpital
de la Garde impériale, et par plusieurs médecins. Cette observation nous paroît
confirmer l’opinion établie sur la propriété contagieuse de cette maladie, et doit
faire accorder de la confiance au traitement que nous avons signalé.
OBSERVATION.
C h a r l e s F o u r r â t , guide à pied de l’armée d’Orient, d’une constitution
robuste, n’ayant jamais eu de maladie vénérienne, fut attaqué, pendant le siège du
Kaire, à la fin de l’an 9 [r 801], d’une éruption pustuleuse qui se déclara sur différentes
parties du corps. Il ne sut à quoi en attribuer la cause : il étoit sobre,'
et son régime n’avoit jamais été mal-sain ; il se rappela pourtant d’avoir couché
plusieurs nuits sur un matelas qu’il avoit pris dans la maison d’un habitant d’un
des faubourgs du Kaire, où il avoit aperçu une femme couverte, sur tout le
corps, de croûtes noirâtres, et qui lui avoit paru très-malade. Il y à tout lieu de
croire que cette femme couchoit habituellement sur ce matelas, lequel, se trouvant
imprégné du vice lépreux, l’avoit communiqué à ce guide. Ces, pustules,'
d’abord distinctes et séparées, mais disposées par groupes, se réunirent en peu de
temps, et ne formèrent plus que des plaques plus ou moins étendues, de couleur
noirâtre, et recouvertes de croûtes épaisses, d’un brun jaunâtre. Elles étoient
divisées par des gerçures profondes, qui laissoient écouler une humeur ichoreuse et
d’une odeur très-fétide.
Dans les premiers temps, le malade, d’après le rapport qu’il m’en fit, ressen-
toit de légères cuissons dans les pustules, qui d’abord étoient rouges, rugueuses
à leur sommet, et entourées d’un disque bleuâtre : il y avoit douleurs vagues dans
tous les membres et aux hypocondres, foiblesse générale, lassitude et dégoût.
Il se fit transporter à l’hôpital de la ferme d’Ibrâhym-bey, près du Kaire. On crut
reconnoître dans cette maladie le caractère de pustules siphilitiques-, quoique
le malade protestât qu’il ne s'étoit point exposé à contracter le mal vénérien.
On prescrivit les frictions mercurielles et d’autres remèdes antisiphilitiques ; mais
on ne tarda pas à s’apercevoir du mauvais effet de ces médicamens. Les douleurs
générales devinrent plus intenses; les pustules se boursouflèrent, et furent extrêmement
douloureuses; l’irritation fut si forte, que le malade ne pouvoit goûter un