
aperçu d’abord, par lusage qu’on avoit fait de ces cartes, qu’elles contenoient
beaucoup d’erreurs; et il étoit difficile, malgré la profonde critique qu’a employée
d Anville, que cela eût pu être autrement. Le séjour de l’armée en Egypte a donné
les moyens de rectifier le plus grand nombre de ces erreurs, de lever bien des
doutes, et de rétablir des faits tombés presque dans l’oubli par le laps de temps,
et parce que la barbarie des gouvernemens avoit éloigné toute recherche.
Le général en chef m’ayant ordonné de faire la reconpoissance du lac Men-
zaleh, les bases de l’instruction qu’il m’avoit remise, e.t les secours en sujets intel-
ligens qu’on m’avoit procurés , m’avoient mis dans le cas de donner à mes opérations
un peu plus d’étendue et de précision que n’en peuvent avoir ordinairement
les reconnoissances militaires (z). Je vais rendre compte de mes- observations;
je proposerai mes conjectures, je les appuierai des recherches qui se sont présentées.
En maidant, sur quelques faits de géographie physique, de l’autorité des
premiers écrivains, je ne les ai point adoptés exclusivement; mais j’ai consulté
la nature, qui étoit plus ancienne que ces auteurs, et qui est, en même temps,
notre contemporaine.
s. I."
Ancienne Branche Tanitique retrouvée.
L opinion des anciens étoit que le Nil déchargeoit ses eaux dans la mer par
sept embouchures; il y avoit donc sept blanches (2 ) , qui prenoient les eaux au
sortir des montagnes, et les conduisoient à ces sept ouvertures.
L’ordre dans lequel les anciens les connoissoient, étoit, en allant d’orient en
occident,
1 La branché Pélusiaque ou Bubastique ;
2.0 La branche Tanitique ou Saïtique, qui porte aujourd’hui le nom A’Omm-fareg;
3.0 La branche Mendésienne qu de Dybeh; 4-° La branche Phatnitique, qui est celle de Damiette ;
5.° Là branche Sébénnytique ou de Bourlos;
.6.° La branche Bôlbitine ou de Rosette ;
7-0 La branche Canopique ou d’Abouqyr.
Ces branches existent-elles en entier ou en partie , et peut-on en retrouver
les traces ! C ’est ce que nous allons examiner pour les trois premières, qui sont
comprises dans la reconnoissance que nous avons faite.
La branche Pélusiaque étoit navigable lorsqu’AJexandre pénétra en Ëgypte ;
(1) Depuis,la carte de ce lac a été levée avec beaucoup branche, les canaux qui, de la partie au-dessous de
de soin et le plus grand détail, par MM. Jacotin et le Memphis, se repdoient à la Méditerranée, et bouches'
Gentil. ( Voyc^ la carte topographique de l’Egypte.) les ouvertures de ces mêmes branches dans la mer. Cette
(2) Les poètes ont appelé ces sept branches les bouches distinction est d’autant plus nécessaire, que quelques-unes
du Nil [ora], cette dénomination étoit due à l’idé. de des branches primitives sont supprimées en totalité ou
grandeur qu’.hr vouloient donner de ce fleuve. Mais, en en partie, et qu’on retrouve leurs bouches isolées ou
traitant de la géographie physique de [’Egypte, nous bien formant les communications des difierens lacs de
sommes forcés d’établir une distinction : nous appellerons l'Egypte avec la mer.
11 fit remonter par ce canal sa flottille , qu’il avoit fait venir de Ghazah : mais
aujourd’hui cette branche est comblée. On en voit encore, devant Péluse, l’extrémité
qui aboutissoit à la mer; elle est remplie de fange; J’avois été amené à indiquer
que les traces de cette branche devoient se trouver et elles se trouvent
réellement dans la province de Charqyeh, en se dirigeant vers Basta, ville ruinée,
anciennement connue sous le nom de Bubaste, et qu’on aperçoit à quelque distance
à gauche de Belbeys, en allant vers la Syrie.
Il règne une obscurité impénétrable sur les branches Tanitique et Mendésienne,
qui venoient après la Pélusiaque, et qui se trouvoient dans l’emplacement qu’occupe
le lac Menzaleh, appelé autrefois lac Tennys.
Lorsque j’ai pénétré dans le lac Menzaleh , par la bouche de Dybeh , le
12 vendémiaire [4 octobre], j’ai été fi'appé de la largeur et de la profondeur
du canal qui est à droite, après avoir passé la bouche. J’ai commencé à soupçonner
que ce pouvoit être l’extrémité de l’ancienne branche Mendésienne , et j’ai
cherché à en retrouver la direction par des sondes fréquentes. Les circonstances
de mon entrée dans le lac ne m’ont point permis d’achever ce travail.
Ce que je n’ai pu exécuter pour la branche Mendésienne , je ci'ois l’avoir
fait pour la branche Tanitique, dont la bouche est celle d’Omm-fàreg. En allant
de cette bouche à Samnah , on passe à droite des îles de Tounah et de Tennys,
et l’on pénètre dans le canal de Moueys. L’entrée de la bouche a beaucoup d’eau,
et le fond est de vase noire. On mouille à droite des îles de Tennys et de
Tounah, par seize à vingt décimètres d’eau : la partie de gauche n’est praticable
que pour de très-petites djermes, et la ligne de la limite de la navigation du lac
Menzaleh ne passe pas loin de leur direction. Les îlots, les bas-fonds, qui se
rattachent au sud de ces îles, font soupçonner un continent submergé.
Le canal de Moueys , qui inonde la province de Charqyeh, pénètre dans le lac
Menzaleh , au sud-ouest des îles de Mataryeh. Ce canal, depuis Samnah jusqu’au
lac , a depuis cinquante jusqu’à cent vingt mètres de largeur, et depuis trois jusqu’à
quafre mètres de profondeur ; il communique avec le Nil, et il verse dans le lac ,
pendant l’inondation, un volume d’eau considérable , qui pénètre assez loin sans
prendre de salure. Les rives de ce canal sont plates; ce qui annonce qu’il n’appartient
point à des temps modernes , comme nous le verrons f . v.
Tous ces indices étoient plus que suffisans pour me faire soupçonner que le
canal de Moueys n’est autre chose qu’une partie de la branche Tanitique, qui se
prolongeoit jusqu’à la bouche d’Omm-fareg , et qui avoit sur sa rive droite les
villes de Samnah, de Tounah et de Tennys. Je fus confirmé dans mon idée,
lorsque , de retour , et en construisant, d’après les notes des opérations qui
avoient été faites, la carte du lac qui fut dressée alors, la direction du canal
de Moueys, les îles de Tounah et de Tennys, et la bouche d’Omm-fài'eg,
sont venues se ranger non sur une ligne droite, mais ont pris cette courbure
naturelle qu’affectent les cours d’eau.
J indiquai de même que les traces de la branche Mendésienne, dont la bouche
est celle de Dybeh, devoient se retrouver en se dirigeant vers le canal d’Achmoun.
É. m . N n *