■diamètre à-peu-près égal chez tous les sujets qui en ont été atteints; elle laisse
passer une portion de la membrane aqueuse ou de l’iris, et forme une hernie
connue sous le nom de staphylôme. La tumeur formée par la membrane aqueuse
est d’un gris terne ; celle de l’iris est de couleur plus foncée. Cette tumeur est
sensible au contact des corps extérieurs les plus légers et au frottement des
paupières. La vue, pendant les premiers jours, est plus ou moins obscurcie, de
manière que la pupille est en partie ou entièrement effacée; mais, en général, le
staphylôme diminue par degrés, rentre dans la chambre antérieure, et les membranes
aqueuses reprennent leur première position. Quelquefois il en reste une
portion au dehors, qui s’étrangle par le resserrement de l’ouverture, perd sa sensibilité
, et acquiert une certaine consistance ; ou bien elle se boursoufle , se
divise en plusieurs lobules, et prend un caractère carcinomateux, sur-tout s’il y a
complication de vice vénérien.
Lorsque le staphylôme rentre de lui-même, l’ouverture de la cornée transparente
se resserre par l'affaissement de ses bords, et laisse une petite cicatrice opaque
et enfoncée, qui intercepte, pendant le premier temps, fe passage des rayons
lumineux.
Dans quelques cas, le cristallin et l’humeur vitrée suivent le déplacement de
l’iris; leurs membranes s’altèrent, se réduisent en suppuration ; l’oeil se désorganise
et perd ses fonctions. C ’est ce que l’on remarque chez beaucoup d’habitans du
pays, sur-tout chez les personnes indigentes, qui couchent presque nues sur la terre
et au serein, se nourrissent de mauvais alimens, reçoivent dans le jour la poussière
et les rayons brûlans du soleil, sans chercher à s’en garantir.
L’hypopyon ne s’est présenté que rarement à la suite de l’ophtalmie, et n’a
offert rien de particulier. H s’annonce par un point opaque dans la cornée transparente
, qui dérange le passage du cône visuel. Ce point augmente graduellement
, fait saillie sur la surface de l’oe il, et occupe une plus ou moins grande
étendue de la cornée, dont les feuillets sont écartés. On reconnoît, avec l’extrémité
d’un stylet, une légère fluctuation, qui fait distinguer l’hypopyon de la taie
fou albugo}.
Les taies ont été fréquentes ; elles occupent un point ou toute l’étendue de la
cornée transparente. Dans le premier cas, le malade perçoit encore les objets;
dans le deuxième, la cornée étant entièrement opaque, la cécité est complète.
Elles ne se manifestent que vers la fin de la maladie, et suivent la marche qui
leur est ordinaire.
Lorsque le sujet est irritable, et que l’ophtalmie est ancienne , l’engorgement
de la conjonctive devient souvent très-considérable ; cette membrane forme un
bourrelet autour de la cornée, et dépasse les paupières ; celles-ci se renversent,
se tuméfient, et offrent la plus grande résistance à la réduction.
Les cartilages tarses participent rarement à cette inflammation. Lorsque cet
accident arrive, les conduits lacrymaux pratiqués dans leur épaisseur le détruisent
par la suppuration qui en est ordinairement la suite ; les paupières perdent leur
forme et se rétractent. La perte de la vue a lieu presque toujours après, par
S U R P L U S I E U R S M A L A D I E S . 4 3 3
l’inflammation consécutive qui survient au globe de l’oeil : j’en ai vu quelques
exemples.
Il est rare que l’ophtalmie inflammatoire, à moins qu’elle ne soit légère, se
termine, sans le secours de l’art, par résolution.
Il n’en est pas de même de l’ophtalmie séreuse ; elle peut se terminer par la
sueur, par une surabondance de larmes, .et sur-tout par la diarrhée.
En général, l’ophtalmie affoiblit l’organe de la vue, dispose à la cataracte, aux
fistules lacrymales, à la goutte sereine, et se trouve fréquemment suivie de nycta-
lopie. Plusieurs individus , guéris de l’ophtalmie, ont été affectés d’une de ces
dernières maladies (i).
La chaleur bridante du jour; la réfraction des rayons du soleil par la blancheur
des corps répandus sur le sol de l’Égypte,<ce qui irrite et fatigue les parties
sensibles de l’oeil; l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses et des femmes; la
poussière entraînée par l’air, laquelle s’engage dans l’intérieur des paupières et détermine
sur le globe une plus ou moins grande irritation ; sur-tout la suppression
de la transpiration cutanée, par le passage subit du chaud au froid; l’humidité
et la fraîcheur des nuits, pour les militaires qui bivouaquent : telles sont les principales
causes de l’ophtalmie.
La suppression subite de la diarrhée cause les mêmes acçidens : nous avons eu
occasion de le remarquer dans un grand nombre de sujets, à la fin de la campagne
de Sâlehyeh, en l’an 6 [ 1798 ].
J’ai observé que les sujets blonds étoient plus fréquemment atteints de cette
maladie que les bruns. J’ai observé aussi que l’oeil droit étoit plus grièvement
affecté que le gauche ; car presque tous ceux qui sont devenus borgnes, le sont
de l'oeil droit. Cela dépend peut-être de l’usage où l’on est de cligner l’oeil gauche
lorsqu’on est frappé d’une lumière vive, tandis qu’on l’affronte avec le droit,
peut-être aussi de l’habitude dans laquelle sont presque tous les individus de se
coucher sur le côté droit; en sorte que cette région du corps est la première
à recevoir les impressions de l’humidité de la terre.
Cette maladie est plus fréquente pendant le débordement du Nil que dans
toute autre saison.
Lorsque l’ophtalmie n’est point négligée, et qu’elle est traitée selon les préceptes
de l’art, elle n’a point de suites fâcheuses : mais la confiance aveugle du
soldat dans les remèdes des empiriques, sa négligence à se rendre dans les hôpitaux,
et le peu d’exactitude qu’il apportoit, dans les premiers temps, a suivre le régime
qu’on lui prescrivoit, ont produit sur un assez grand nombre la cécité complète.
Lorsque les personnes atteintes d’ophtalmie se trouvent affectees de quelque
vice particulier, tel que le vénérien, les accidens sont plus graves et plus rapides.
Elle se caractérise alors par des symptômes particuliers : la rougeur du bord des
paupières est plus claire ; le pus qui en découle est verdâtre, comme dans la
gonorrhée; il excorie les parties qu’il touche, et le malade souffre beaucoup plus
(1) D ans le cas de nyctalopie et de goutte sereine, des principales branches du nerf facial [petit sympa-
fious avons employé avec succès le- moxa sur le trajet thjque].