■quils jugement les plus salubres. Nous devons remarquer cependant que cet art
n est pas tout-à-fait particulier à l’Égypte. Les Chinois, qu’on a voulu, à la vérité
faire instruire par une colonie d’Égyptiens, le pratiquent également et de temps
immémorial ; mais leurs fours et leurs procédés sont très-différens.
Les Romains avoient aussi découvert le principe de l’incubation artificielle-
mais il est plus que douteux qu’ils l’aient jamais pratiquée en grand. Pline nous
apprend que des dames Romaines avoient quelquefois la patience de faire éclore
un oeuf en le portant constamment dans leur sein, et qu’elles tiroient de là un
augure sur le sexe des enfkns dont elles étoient enceintes. Il décrit ailleurs, avec
sa concision ordinaire, le procédé des fours, mais sans indiquer le pays où il se
pratiquoit. Il est singulier que cet écrivain, si instruit d’ailleurs des usages de
f Lgypte, ait pu ignorer l’origine de celui-ci.
Diodore de Sicile, qui voyagepit dans cette contrée sous les derniers Ptolémées
fait mention de l’incubation artificielle comme d’un art depuis long-temps en
usage. A la manière dont il en parle, on peut juger que dès cette époque les
Lgyptiens enveloppoient cette opération de beaucoup de mystère • aussi ce
passage n a-t-il nullement été entendu par les traducteurs. L ’abbé Terrasson fait
dire a Diodore (.) : « Au lieu de laisser couver les oeufa par les oiseaux mêmes
» qui les ont pondus, ,1s ont la patience de les fkire éclore en les échauffant
« dans leurs mains. » Cette circonstance forme un sens tout-à-fait absurde mais
qu. ne se trouve point dans le texte (z). L’expression employée par
Diodore, ne signifie point du tout qu’ils les échauffoient dans leurs mains ; elle
offre un sens analogue à une expression fort juste employée par Pline dans le même
cas, homme versante. Il paroît par des passages de Diodore et de quelques autres
écrivains, que dans ces temps reculés, ce n’étoit point spécialement les oeuf de
poules, mais les oeufs d’oies, que l’on soumettoit à ces procédés : la chair de
ces oiseaux étoit une de celles que préféroient les prêtres, pendant les époques
ou |n e se mamfestoit aucune maladie épidémique; et voilà pourquoi l’on s’atta-
cioit tant a les multiplier. Ces témoignages sont confirmés par les monumens
anciens, ou Ion voit ces oiseaux figurés en mille endroits, sur-tout dans les bas-
rehefs qui représentent des offrandes faites aux divinités.
Mais, en admettant l’antiquité de l’incubation artificielle, doit-on croire que les
procédés fassent les mêmes autrefois qu’aujourd’hui: C ’est une question curieuse à
plusieurs égards, et gui reste encore à résoudre,
ccLespretres dit-on, attachés trop opiniâtrément aux anciennes observations
» recueillies sur la manière dont les oeufs d’autruches et de crocodiles déposés
» dans le sable viennent à éclore, ne s’étoient pas même mis en peine de faire des
» recherches ultérieures (3). » On croit qu’ils s’étoient bornés à imaginer un procédé
analogue; et ,1 est généralement reçu parmi les personnes qui ont étudié les
(1) Liv. 1.« page 160. / „ j • , „
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- m n , 1 in cu b a n s in u n t ; s ed su h ip . man.bu! p/ ; ; ; ; ÿRe; oh; r c h c s -■<*
usages
usages de 1 ancienne Êgypte,quau lieu d’employer des fours échauffés par le feu
ils enterraient les oeufs dans le fumier, dont la chaleur naturelle suffisoit pour
les faire eclore. Le fait, s’il étoit vrai, seroit fort singulier, car la vapeur du
fumier est mortelle pour le germe des oeufi; et l’incubation opérée par ce moyen
loin d’être une invention plus simple, exige des précautions qu’il n’est pas naturel
d imaginer de prime-abord : on sait assez dans quelle multitude de tentatives
cette singulière idée a entraîné Réaumur, qui s’étoit obstiné à vouloir faire éclore
des poulets dans le fumier, à l’imitation des prêtres Égyptiens. Ce physicien si
attentif et si ingénieux a consacré un volume à décrire les expériences infructueuses
qu il a d abord faites ; et il n’a obtenu quelque succès, qu’après être parvenu
à interdire très-exactement toute communication entre les oeufs et la vapeur qui
s’exhale du fumier.
M. dePauw, qui a relevé avec beaucoup de justesse plusieurs fausses opinions
sur les usages de l’ancienne Egypte, avoit cependant adopté celle-ci : ses raisons
méritent d’être examinées ; on saura par-là à quoi s’en tenir sur cette question.
« II y a lieu detré surpris, dit ce ,critique (1), que les anciens prêtres de
» 1 Egypte, qui avoient d’ailleurs des connoissances assez étendues sur une infi-
» mté de choses, aient manqué de sagacité en un point essentiel : ils n’avoient
» pas découvert la méthode des fours, et ne paroissoient pas même en avoir
» soupçonne la possibilité, comme il est aisé de le démontrer.
» Aristote, le plus ancien auteur qui ait parlé de la manière de faire éclore
» les oeufs en Ëgypte, dit qu’on n’empioyoit que la chaleur du fumier. Antigone,
» qui vivoit plusieurs siècles après Aristote, dit la même chose. Pline, qui écri-
» voit après Antigone, dit la même chose, et a traduit, mot pour mot, les expres-
» sions d’Aristote. Enfin l’empereur Adrien, qui avoit parcouru toute l’Égypte,
» et examiné ses singularités avec attention, s’exprime en ces termes, dans sa
» lettre a Servien , en parlant des Égyptiens : Ils font éclore leurs poulets d’une
» manière que j ’aurois honte de vous conter [pudet dlcere J .
» Tous ces témoignages réunis prouvent que la méthode des fours a été
» inconnue dans ce pays jusqu’à l’an 133 de notre ère, et peut-être long-temps
» encore après; car j’ignore quand et comment on est parvenu à la découvrir. »
Ce témoignage d’Adrien est, comme on voit, très - insignifiant ; le reste
semble plus positif: mais, en examinant un passage de Pline négligé par M. de
Pauw, on verra que cet auteur dit précisément le contraire de ce qu’on établit ici
sur son autorité. Voyez Hist. nat. lib. x , cap. 55. «Les oeufs étoient mis sur'de
» la paille dans une étuve dont la température étoit entretenue à l’aide d’un feu
» modéré, jusqu’au moment où les poulets venoient à éclore; et pendant tout
» ce temps un ouvrier s’occupoit nuit et jour à les retourner. » Voilà littéralement
ce que dit Pline, dont j’ai rapporté le texte en tête de ce Mémoire; c’est
a meilleure définition que l’on puisse donner, en si peu de mots, du procédé
usité encore aujourd’hui. L’expression igné modico écarte toute équivoque; et
•(0 Recherches philosophiques sur les Égyptiens, tome L", page 202.
Ê. AI.