
Les constructions navales, qui durent y avoir beaucoup d’activité en différens
temps, et notamment à l’époque où les Vénitiens avoient des établissemens de
commerce à Alexandrie et à Soueys, se réduisent aujourd’hui à faire quelques
zaimes (i) : des chantiers de construction y seroient cependant d’un grand intérêt,
par 1 importance qu’ils peuvent acquérir. A défaut d’une communication par eau,
on transporte aujourdhui à dos de chameau, du Kaire à Soueys, tout ce qui est
nécessaire a la construction des vaisseaux, à leur grément et à leur armement ;
les mâtures, les ancres, les canons, et autres objets pesans.
Les affaires sont presque entièrement dans les mains des Grecs, qui n’en sont
souvent que les commissionnaires. Le commerce de la mer Rouge, entre Geddah
et Soueys, se iait.au moyen de 30 à 4o zaïmes, bâtimens qui peuvent porter
2000 fardes de café, d’environ quatre quintaux l’une; ce qui répond à 4oo tonneaux.
Cette navigation, qui avoit lieu autrefois par des kayasses, espèce de bâtimens
du même port que nos vaisseaux de yo canons, tirant 20 pieds d’eau, ayant
200 hommes d équipage, n’étoit pas moins lente et moins périlleuse : ces gros bâtimens,
auxquels les Turks ont renoncé, partent communément d’Arabie en mars,
époque où commencent les vents variables qui obligent quelquefois à relâcher à
Qoçeyr: quand ils éprouvent des avaries, ce qui arrive fréquemment, on peut à
peine trouver dans les chantiers de Soueys les moyens de les réparer.
Les objets principaux du commerce d’exportation consistent en grains de
toute espèce, en fer, cuivre, étain et plomb, en étoffés, en draps d’Europe,
en productions propres à l’Égypte, telles que le riz, le lin, le natron, le sel ammoniac,
le safranum, et pour le complément des achats en espèces métalliques, des
sequins, des talarys et des piastres : tous ces objets, expédiés pour Geddah, la
Mekke et Mokhâ, acquittent les marchandises d’importation; celles de l’Inde,
qui consistent en mousselines et en épiceries; celles d’Arabie, qui consistent en
perles, gomme, parfums ; et enfin le café d’Yemen, qui fait la base des retours, mais
dont une plus grande partie échange plus directement à Qoçeyr les blés "de la
haute Egypte. Toutes ces importations montoient encore, en 1790, à plus de
vingt millions ; ce qui étoit d’un très-grand rapport pour la douane de Soueys, vu
les droits excessifs, que la cupidité des gouverneurs avoit tellement accrus, qu’en
1783 (suivant M. de Volney) les droits sur le café égaloient presque le prix d’achat.
Cependant le commerce, malgré sa décadence, peut renaître encore avec éclat
sous l’influence d’un meilleur Gouvernement ; et le port de Soueys, quoique la
nature semble en accélérer la destruction, peut devenir encore le centre des plus
hautes spéculations commerciales (2).
(0 C e s bâtimens ( fam é s) ne sont pas pontés; ils ciation -de M. Truguet, lieutenant de vaisseau, dirigée
sont sans artillerie, gréés avec des voiles et des cordages par M.de Choiseul, un traité avec les beys, qui fut con-
faits d’écorce de dattier. Ils ne font souvent qu’un voyage firmépar la Porte, pour commercer par la mer Rouge et
par an. La lenteur extrême qui résulte de l’habitude où Soueys : elle fit un fonds de trois millions. Mais ce traité
sont les patrons de mouiller tous les soirs pour passer la contraire à celui de la compagnie des Indes, qui em-
nuit à i’ancre, les expose à voir cesser les moussons avant brassoit toutes les voies de terre et de mer avec i’Inde fit
leur arrivée, et à attendre quelquefois la mousson suivante naître les plus vives réclamations. •
pour terminer leur trajet. Le s Anglais ont senti de tout temps l’avantage de faire
(2) Une compagnie de Marseille obtint par la nego- passer unepartie deleur commercedes Indes parl’Egyptc;
D E S D E U X MER S .
S. X.
Vues générales sur le Port de Soueys.
Q uoique le rétablissement du port de Soueys soit lié à celui de l’ancien canal,
ce port seroit cependant susceptible d’amélioration, indépendamment de toute
détermination à l’égard de la navigation intérieure. La mer étroite qui y conduit,
n’a besoin que d’être mieux connue pour devenir plus facile aux Européens : car
on sait assez ce que sont les marins du pays ; et dire qu’ils commissent à peine
l’usage de la boussole, c’est donner la mesure de leur capacité. Les travaux d’amélioration
purement maritimes devroient consister,
1.° Dans ce qui est relatif aux aiguades, sans lesquelles on n’obtiendroit rien
que de précaire et d’insuffisant ;
2.° Dans le balisage du chenal, et dans l’établissement de quelques amers sur
la plage et sur la côte pour déterminer le lieu du mouillage ;
3.0 Dans les travaux militaires qui doivent défendre l’accès de la rade et y
protéger les vaisseaux;
4-° Dans 1 approfondissement du chenal, au moyen des écluses de chasse que
les localités permettent d’établir, et dont les effets ne sont pas douteux, quoiqu’on
ne puisse compter que sur .six pieds de hauteur d eau dans les retenues, au temps des
syzygies. Ces travaux défensifs contre de nouvelles alluvions sont d’autant plus
indispensables, que les vents du sud-est (si redoutes pendant le khamsynj opèrent
sur les sables une fluctuation qui tend sans cesse au comblement du golfe et à 1 agrandissement de 1 isthme, que l’autre mer accroît simultanément. Si l’on n’oppose
rien à ces effets de la nature, on peut prévoir que dans peu de siècles le
site de Soueys sera abandonné, et que les habitations seront transportées à l’extrémité
du banc qui s’accroît constamment entre le port et la rade.
Les travaux subséquens auroient pour objet la restauration et l’agrandissement
des quais, dont les murs, portés plus au large, faciliteroient l’accès des bâtimens
pour y prendre leur chargement ; ces travaux auroient enfin leur complément dans
tout ce qui est relatif à l’administration de la marine, et aux établissemens du corn-
mcrce qui en seroient la suite nécessaire.
ils devoient s affranchir encore de l’obligation où ils étoient
d envoyer leurs marchandises des Indes à Geddah, et d’y
payer une douane considérable au pacha de Geddah et au
chérifde la Mekke, indépendamment des 15 pour f exigés
par la douane de Soueys. La compagnie Anglaise fit négocier
auprès des beys,pour obtenir la permission de faire
arriver ses bâtimens jusqu’à Soueys. L’esprit d’indépendance
et l’intérêt des beys assurèrent le succès de cette négociation
; elle obtint, en effet, sa demande, et une réduction
de 8 pour f de douane, sauf un léger droit d’ancrage
au bénéfice des commandans de Soueys. La compagnie
expédia du Bengale, en 1773 > deux vaisseaux richement
chargés, pour l’Egypte et la Turquie; ils périrent dans le
détroit : mais deux nouveaux bâtimens parvinrent à leur
destination; ils étoient partis de Bombay le 22 septembre
"i 774j et ils arrivèrent a Soueys en février de l’année
suivante. Cette expédition plus heureuse donna lieu
a de vives reclamations de la part du pacha et du chérif
de la Mekke, qui, voulant ramener les Anglais à Geddah,
obtinrent du grand-seigneur un firman par lequel il fut
défendu aux vaisseaux de cette nation d’arriver à Soueys;
cest ainsi qu’elle perdit la permission qu’elle avoit
obtenue des beys sans la participation de la Porte. Mais
la compagnie des Indes n’avoit pas été long-temps sans
voir qu en rouvrant cette ancienne route du commerce,
elle auroit à redouter la concurrence d.es étrangers, et,
d’elle-même, elle sembla renoncer à un avantage qu’elle
craignoit de partager.