mains, il (emporta chez lui. Quand il leut vidée et nettoyée, il la co,uvn't d'une
peau, qu’il banda autour avec des nerfs de boeuf (i) ; il y introduisit deux montans
et leur adapta un joug; puis il tendit dessus sept cordes sonores (2) faites de boyau
de mouton. Son ouvrage étant achevé, il s’empara de cet aimable jouet (3), faisant
resonner une partie des cordes avec le plectrum, en touchant gravement l’autre
partie avec la main ; puis il entonna aussitôt un chant plein de charmes.
Le kissar, ou la lyre Éthiopienne, n’est point, à la vérité, formé d’une écaille
de tortue, cet animal peut n etre pas assez commun en Éthiopie pour que les gens
du peuple aient la facilite de s en procurer : on y a substitué tout simplement
une sébile de bois. Du reste, la description d’Homère peut s’appliquer dans
presque tous ses points au kissar Éthiopien. Cette sébile de bois A, qu’on a substituée
à lecaille de tortue , est couverte aussi d’une peau (4) tendue tout autour
avec des nerfs de boeuf (y). On a aussi introduit deux montans B , C (6), que l’on a
fait passer au travers de la peau jusqu’au bas de cette sébile i ï , d’où ils s’élèvent
en divergeant jusqu’à une certaine hauteur au-dessus, et vont se ficher, par
le bout, chacun à telle des,deux extrémités du joug ou de la traverse qui lui
correspond.
Les cordes sont au nombre de cinq, au lieu de sept qu’Homère donne à la
lyre de Mercure (7); elles sont faites d’-intestins de chameau, et on les nomme
ejo/s. On les attache sur le joug j , puis on les étend jusqu’au bas de l’instrument ; on
les passe ensuite par-dessous pour les nouer à un tirant double, composé de plusieurs
cordes de boyau cordonnées, lequel tirant s’attache aux nerfs de boeuf qui tendent
la peau de ce côté.
Une courroie assez lâche, H , est nouée par ses deux bouts aux deux montans B, C
de la lyre. Cette courroie, que l’on fait glisser, à volonté, sur les deux montans,
suivant qu’on trouve plus commode de l’élever ou de l’abaisser, sert à passer la
main gauche qui touche les cordes, et en même temps à soutenir le poignet de
cette main qui pince la lyre (8).
Le plectrum p est formé d un morceau de cuir, suspendu à un cordon attaché
(1} O n peut déjà faire l’application de cette descrip- (3 ) Expression du poëte.
non à la gravure que nous offrons de'Ia lyre Éthiopienne, (4) Voyez 9 planche BB, fie. ,2. m m e - m m I g
(2) N otre lyre n’a que cinq cordes : elle pourroit bien (6) Ibid.
être d’une espèce dont l’origine a dû être antérieure à (7) II y a aussi, nous a-t-on d it, des f a r montée
la lyre qui a ete décrite par H om ère, dans l’hymne dont de sept cordes et de six;, il y en a encore qui en ont
lnaoituess paar lloan sp ;r ecmari .èsruei vlaynrte ,l ’olarqduree ldlee sn a’edudti tdio’anbso qrudi qfuu’ruennet dmiovienrss eqs uees pcèincqes- .: mais nous n’en avons-point vu de ces
seule corde et que pour cette raison, on nomma mono- (8) Cette courroie sert encore à passer le bras.au
chordc, la lyre dtchmie, c est-à-dire , la lyre à deux travers et à suspendre la lyre à l’épaule gauche, quand
cordes tnven.ee par les Arabes, a dû précéder ia lyre on veut l’em porter; et c’est ce que TibuIIe a décrit
ltanqcuoerldlee noouu sl ao nlty rpea ralén tOiqrupeh édeu d Manes rsceusr eh yEmgnyeps teietn D, iod^e par ces vers, en parlant de la lyre d’Apollon :
dpre de Sicile dans son Histoire universelle; celle-ci /ir/« opus tara, fulgcns testud'tne et auro, a dû précéder la lyre à quatre cordes, dont Orphée PaMnchahgaminpamIjtnt.
Jpvar<s*s eA pforiunri na,v oir été;i l’invente„ ujra ; en,f in, , le .t ds. sar o, u ,l a l i ÉFel ices cantus ore sonetnte démditM.aW! '*"»»•. l_y_r_e Africaine dont il s agit, a du pré„c éder la. l*y re à six ' àce djp ostquam frit erant d»i.g m.. cum voce l,ocutt, cordes, et par conséquent elle serait d une origine anté- Edidi, hac triste dulcia verba modo. neure a la lyre a sept cordes dont rp arle Hom ère. Lib. III, eleg. 4.
au montant C qui est à la droite, en regardant l’instrument de face : on prend ce
plectrum de la main droite pour frapper les cordes.
Ce n’est plus là, comme on le voit, cette lyre d’Apollon décrite par Tibulle et
par Ovide, sur laquelle brilloient l’or, les perles et l’ivoire; mais c’est encore aujourd’hui
la même manière de la tenir et d’en jouer que dans les temps reculés.
Sustinet à Ioeva, ternit manus altéra plectrum. O vid. Metam. lib. x i, v. 168.
De même que Mercure nous a été dépeint par Homère, prenant de la main gauche
sa lyre, et de la droite, avec le plectre, préludant le chant (1), l’Éthiopien qui joua
devant nous de cette lyre, commença aussi par faire sonneries cordes avec le
plectrum, puis préluda le chant en les pinçant de la main gauche, et enfin chanta
en continuant toujours de pincer les cordes et de les frapper avec le plectrum.
Plus occupés des intéressans souvenirs que nous retraçoit cet instrument, que
des chants enfantins et niais de notre Éthiopien (2), nous nous transportions en
esprit à ces temps héroïques où les Orphée, les Démodocus, les Phémius, les
Terpandre, mariant les accens mâles et énergiques de leur voix aux sons mélodieux
de la lyre, chantoient les merveilles de la nature, les bienfaits des dieux, les
vertus des rois, les hauts faits des héros, les découvertes utiles faites par les hommes
de génie, les progrès des savans qui avoient étendu le domaine des sciences (3),
instruit les peuples, fait connoître à chacun ses devoirs, et excité dans tous les coeurs
l’amour du bien et le désir de se distinguer par quelque belle action. Les sons qui
frappoient nos oreilles,ne pouvoient nous distraire de mille pensées quis’offioient
successivement à notre réflexion et nous entretenoient dans une mélancolique
rêverie. Jadis, disions-nous en nous-mêmes, dans ces temps reculés où tout poëte
étoit chantre et tout chantre poëte, la lyre étoit un instrument de la plus haute
importance ; sans cet instrument, qui que ce fût n’auroit osé se livrer à 1 inspiration
de son génie ; avant de composer et avant de réciter ou de chanter ses
vers, le poëte-musicien ne manquoit jamais de consulter l’accord merveilleux de
(1 ) .............. Aaê’wj' y eV cî&içïest IlMîJt'Tfw imipnmÇi >ta.m /xtAof...........
Homer. Hymn. h Mtrc. v. 418 et 419. (2) Ces chants, avec l’accompagnement de la lyre, sont
notés dans notre Mémoire sur l’état actuel de l’art musical
en É gypte, ci-dessus, p. 738 et 733. (3) Mentionem facientes virorum antiquorum atque muiierum,
Hymnum canunt, demulcentque nationes hominum :
Omnium autan hominum votes et strepitum
Imitari norunti diceret utique ipse unusquisque
Se loqui, adeo illis bona apte composita est cantio.
Homer. Hymn. in Apoüin. v . 159 et seq. N ous prions les personnes qui ont lu nos Recherches
sur l’analogie de la musique et des arts qui ont pour objet
l ’ im ita tio n du langage, de vouloir bien faire attention
aux trois derniers vers.
A illeurs, le même poëte dit:
Sit tnihi citharaque'chara, et incurvi arcus <
Vaticinaborquc hominibus Jovis vcrttm cou s ilium.
Homer. Hymn. in Apoüin. v. 131 et seq.
É . M .
Horace a développé davantage ces idées dans les vers
suivans:
Silvestres homines sacer interpresque deorum
Cadilus et victu fitdo deterruit Orpheus ,
Dictus oh hoc lenire tigres rabidosque leones :
D ictuset Amphion, Thebana conditor arcis»
Saxa movere sono testudinis, et prece blanda
Ducere quò velici. F uit hac sapientia quondam,
Publica privatis secernere, sacra profanis;
Concubini prohibere vago ; dare ju ra maritis ;
Oppida moliti; leges incidere Ugno.
S ic honor et nomen divinis vatibus atque
Canninibus venir. Post hos, insignis Homerus,
Tyrt/xusque mares animos in mania bella
Versibus exacuit. Dieta per carmina sortes,
E t vita monstrata via est; et gratta regum
Pieriis tentata modis, ludusque repertus,
E t longorum opcrum finis : ne f ir t e pudori.
S it libi M usa lyra solers, et cantor Apollo.
De Arte poet. v. 390 et seq.
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