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grossièrement peintes, sont assez bien tenues ; hors de là, tout est en désordre,
mal-propre et dégoûtant. La pauvreté des moines ne leur permettant point de sus*
pendre dans les églises des ornemens de luxe, ils cherchent du moins à s’en procurer
limitation : ainsi, au lieu de lampes d’argent, ils ont des lampes en oeufï d’au-
tmçhe, qui font un assez joli effet.
Les religieux sont la plupart borgnes ou aveugles; ils ont un air hagard, triste et
inquiet. Ils vivent de quelques revenus, et principalement d’aumônes. Ils se nourrissent
de fèves et de lentilles préparées à l’huile. Leur temps se passe en prières;
encens brûle dans ces retraites entourées d’une mer de sables, et la croix domine
es coupoles les plus élevées.. II y a neuf moines au couvent d’el-Barâmous,
dix-huit au couvent des Syriens, douze au couvent d’Anbâ-Bichây, et vingt
au quatrième couvent : le patriarche du Kaire entretient de sujets ces quatre
monastères.
^ Nous ignorons quelles peuvent être les jouissances de ces pieux cénobites; nous
navons rien aperçu qui indiquât qu’ils s’occupent de culture d’esprit, ni du travail
des mains. Leurs livres ne sont que des manuscrits ascétiques sur parchemin ou
papier de coton, les uns en arabe, les autres en langue Qobte, ayant en marge la
traduction Arabe. Nous avons rapporté quelques-uns de ces derniers, qui paraissent
avoir six cents ans de date. Nous avons parcouru l’intérieur de ces monastères
dans le plus grand détail. Les religieux se sont prêtés avec complaisance à cette
visite, qui paroissoit les flatter ; e.t, avant de sortir, nous avons accepté le pain de
la communion ( i ), qu’ils nous ont ofïèrt.
Les religieux exercent envers les Arabes le devoir forcé de l’hospitalité, et ils
sont obliges dêtre sans cesse sur leurs gardes : aussi, lorsqu’ils vont d’un hospice à 1 autre, ils ne voyagent que la nuit. Les Arabes, dansJeurs cbur^sTpassent auprès
des couvens, et s’arrêtent pour manger, et faire rafraîchir leurs chevaux. Les moines
leur donnent par-dessus le mur ; car ils ne leur ouvrent jamais la porte. Une poulie
placée a un des angles de l’enceinte est destinée à descendre, par le moyen d’une
corde et d’une couffe, le pain, les légumes et l’orge qu’il est d’usage de leur fournir.
Ils sont forcés d’en agir ainsi, pour n’être point exposés, lorsqu’ils sont rencontrés
hors de leurs couvens, à se voir dépouillés et peut-être assassinés. Vivant
dans la crainte et dans l’oppression, ils supportent impatiemment les zélateurs de
la religion dominante; et tel est le fimeste effet des préjugés, que la différence de
religion, ou même de secte, rend ennemis mortels, dans ces contrées, non-seulement
les disciples du Christ et de Mahomet, mais même, dans l’islamisme
les hommes qui suivent des dogmes différens. On nous demandoit pieusement
dans ces saintes retraites : Quand tucra-t-on tous les Musulmans! et ce n’est pas la
première question de ce genre que l’on ait fkite depuis que nous sommes en
Egypte.
L’intérêt et la superstition rapprochent cependant quelquefois ces ennemis naturels.
II arrive dans certaines provinces que lorsqu’un Musulman veut établir un
0) Le pain de la communion fait de pâte tans levain, est rond, épais d’un doigt, grand comme' la paume de
la main, et couvert en-dessus de caractères Arabes. P
colombier,
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colombier, il envoie un exprès aux couvens du désert avec le présent d’usage : les
bons moines reçoivent le présent, et donnent en retour un billet mystique, qui, mis
dans le colombier, doit, suivant la croyance ordinaire, faire peupler et prospérer
l’établissement.
S. IV.
Des Arabes Geouâby, et des Bédouins.
L es bords des lacs de. Natroun sont fréquentés toutes les années par les
Geouâby (1), tribu d Arabes pasteurs et hospitaliers qui y campent l’hiver avec
leurs troupeaux. Us sont employés pendant ce temps au transport du natroun et des
joncs épineux : ils ont aussi celui des dattes, qu’ils vont chercher en caravanes à
Syouah, dans l’Oasis d’Ammon ; c’est une route de douze à quinze jours. Ces
Arabes vivent en marabou (2), ou gens paisibles, errant çà et là pour trouver de 1 eau et des pâturages a leurs bestiaux. C est la tribu qui a le plus conservé les usages
antiques; ils sont simplement pasteurs, et ne veulent point cultiver. Leurs moeurs
sont douces, et se ressentent de la vie qu’ils mènent. Us n,e sont cependant point
exempts de forage des passions, sur-tout de celle de l’amour, qui, dans tous les
pays, et principalement chez les Orientaux, est si voisine de la jalousie; elle les
porte quelquefois aux excès les plus cruels (3).
Les vêtemens des Geouâby consistent en un îhram et un bernous , sorte de
manteau qui ressemble à la chape dont on se sert dans l’église Romaine pour
officier; il. est de laine blanche. Les étoffes de cette espèce, pour les vêtemens des
hommes et.des femmes, se fabriquent en Barbarie ; on les achète au Kaire, mais
principalement a Alexandrie. Les femmes filent la laine des brebis, et font les
étoffés pour les tentes et les tapis communs.
La richesse des Geouâby, et en général des Arabes du désert, consiste en chameaux
et en troupeaux, tandis que celle des Arabes des villages est en gros bétail :
ces derniers ont peu de chameaux. Qui croirait qu’au milieu des déserts l’aisance,
comme chez les nations civilisées, établit des distinctions, et écarte de la nature!
Les mères Arabes n’allaitent pas toutes leurs enfans ; les femmes riches' prennent
des nourrices.
Celles qui ne livrent point leurs enfans à des mercenaires, paraissent connoître 1 intérêt qumspire cet âge si tendre aux peuples policés. A l’attaque d’un camp
( ' i M T P° ”r Chefs Karamit-abou-Châleb, plein d'amour et de rage, ce forcené j t ura , „’il tueroit de 2 a bo^D V I r HaSgy-Yça-abou-A’iy, et Hâggy- sa propre main celui qui fépouseroit, et il tint parole.
H I mbu est comP°sce d enviro" de“* H aouâd, ne pouvant supporter la vue du meurtrier de
nu le hommes, e, peut avo.r soixante chevaux. son fils, s'é.oit retiré dans la haute Égypte, et avoi. en-
( ) s qui ne font point la guerre, qui ne prennent traîné, sans le vouloir, plusieurs familles. Ce père infor-
les armes que pour se defendre. et encore est-re rare * » ,, . * ment, il, f ° „ are~ tune » s apercevant que sa démarché occasionnoit du
l ü H , Î T r T “ “’T P°Ur de ' arSPnt- d“ 0rdre dans Ia ,rib“ ' a P"*-W d* dévorer son ressen-
Jn e c tfh le d : / “ 7 I B l *’ Vie''"ard ,ime"t P1" '« <I"= d* "uire à l'intérêt commun, e, il est
• d? e"da| de H “« » - ™ » M M ? «tourné mtprès de Hâggy-Taha ; mais on le voit toujours
untque assassine près de son épouse. Celle-ci nvoit eu un triste, les yeux remplis de larmes, e. il traîne une vie lan-
^>remier,mart, qui 1 avott repudtee sur de vains prétextes : guissante.
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