odieuses vexations de l'insolente et cruelle tyrannie des Mamlouks, qui chaque
jour-sacrifient quelque nouvelle victime à leur insatiable cupidité et à leur atroce
audace.
En proie à tous les préjugés de l’ignorance et de l’erreur qu’on entretient parmi
eux, les Egyptiens ne songent pas même à rechercher la cause de leurs maux
et à en arrêter les effets; ils attribuent tout.aux décrets irrévocables du destin,
et se contentent de s’écrier à chaque instant, Dieu est grand! Dieu est dément!
Dieu est miséricordieux ! Dieu soit loué! frc. et de le répéter pour toute réponse
aux réflexions sages qu’on, leur fait sur leur malheureux sort, ou aux avis qu’on
leur donne pour en diminuer la rigueur. Le fanatisme, qui dénature tous les principes
et corrompt toutes les vertus, impose le silence le plus absolu à leur raison,
glace leur coeur et anéantit leur énergie. Ils végètent dans une apathique et
misérable insouciance. Insensibles aux, douces jouissances qui élèvent l’homme
au-dessus des animaux, ils ne font aucun cas des productions du génie, et n’ont
que du mépris pour tout ce qui n’est pas prescrit par le. Qorân.
A r t i c l e III.
Du peu d’importance que les Egyptiens attachent à l ’étude et à l ’exercice de
l’Art musical, et du peu qu’ils savent de cet art.
L a musique, qui, de temps immémorial, avoit été cultivée avec succès en
Egypte, qui y avoit fleuri avec tant d’éclat sous les Ptolémées, sous les Romains,
sous les khalyfes Sarrasins, surtout sous les Ayoubites, qui en faisoient leurs délices,
et qui en favorisèrent les progrès et en protégèrent l’exercice d’une manière
si distinguée, cet art si aimable et si consolant n’est plus regardé, en ce pays,
que comme une chose flitile, indigne d’occuper les loisirs de tout bon musulman.
Ceux qui l’exercent, avilis dans l’opinion, sont rejetés dans la classe méprisable
des saltimbanques et des farceurs. Aussi n’y a-t-il plus, parmi les Égyptiens, que
des gens entièrement dépourvus de ressources, sans éducation, et sans espoir d’obtenir
dans la société la moindre considération, qui se déterminent à embrasser la
profession de musicien ; et les connoissances de ceux-ci en musique ne s’étendent
pas au-delà du cercle de la routine d’une pratique usuelle qu’ils n’ont ni la volonté
ni les moyens de perfectionner. Ne sachant ni lire ni écrire, ils ne peuvent
étudier les traités manuscrits sur la théorie de leur art.
Ces traités, fort rares, que personne ne comprend aujourd’hui en Égypte (i),
ne se rencontrent plus que dans les bibliothèques d’un très-petit nombre de
savans, qui les y conservent par pure curiosité; ou bien, ayant été confondus
dans les ventes avec d’autres manuscrits de nulle valeur, ils se trouvent par
hasard, chez les libraires, souvent même à leur insu, sous des tas de paperasses
(i) On ne les comprend pas beaucoup mieux en très-savans en cet art qui puissent en Europe. Le langage technique de I art musical des Arabes . gence facile; et ces maîtres, on ne les troruevned rme ailn’itnetneallni-t
étant presque entièrement figuré, il n’y a que des .maîtres nulle parr.
D E L A R T M U S I C A L E N E G Y P T E .
de rebut qu’ils laissènt pourrir dans la poussière ou manger par les vérs et par
les rats.
Ce n’est pas que ces ouvrages puissent par eux-mêmes donner des notions
suffisantes des principes de la musique Arabe à ceux qui n’auroient pas d’autres
moyens pour les apprendre : car, outre que chacun de ces manuscrits ne traite
que d’une partie de cet art, la plupart ne sont évidemment que des copies très-
inexactes et très-fâutives, faites par des musiciens ignorans ou par des écrivains
de profession, qui, ne comprenant pas ce qu’ils écrivoient, ne pouvoient s’apercevoir
des fautes multipliées qui leur échappoient ou qui se trouvoient dans les
premières copies qui leur servoient de modèle; et cela sê reconnoît aisément
par le désordre des matières, par les répétitions inutiles ou le double emploi
des mêmes choses, par les contradictions mêmes dans les idées, et en général
par le peu d’accord que paroissent avoir entre eux les auteurs.
Il est évident néanmoins que les traités originaux ont dû être composés par
des savans musiciens, poètes et tout-à-la-fois philosophes : il est probable même
que ces ouvrages remontent au temps des khalyfes. Ce qui nous porte à le croire,
c’est qu’ils sont écrits pour la plupart en prose, d’un style élevé et sentencieux;
que quelques-uns sont composés en vers; qu’ils sont en général remplis de réflexions
profondes, qui annoncent des connoissances étendues et variées, et que
leurs auteurs paroissent très-familiers avec les traités des philosophes et des musiciens
Grecs qu’ils se plaisent à citer.
C’est une chose fâcheuse, sans doute, que ces excellens traités aient été négligés
et corrompus par ceux mêmes qui ont voulu les conserver et les transmettre :
mais, quelque défectueuses que soient les copies qui nous en restent, nous ne
dissimulerons pas qu’elles nous ont été d’un grand secours; que, sans elles, nous
n’eussions pu expliquer beaucoup de choses qui, trop étrangères à nos principes
musicaux, nous auroient semblé fort douteuses, si nous n’avions eu pour garant
de leur exactitude que ce que la pratique routinière des musiciens Égyptiens
pouvoit nous apprendre.
A r t i c l e IV.
De l ’Origine et de la Nature de la Musique Arabe.
Q u o i q u ' i l soit très-probable que les sciences et les arts ont été cultivés en
Arabie, et sur-tout dans l’Arabie heureuse, dès la plus haute antiquité, il n’est
cependant pas nécessaire de remonter jusqu’à des temps .aussi reculés, pour
découvrir l’origine de la musique Arabe qui est aujourd’hui en usage.
Toute personne qui aura fait, ainsi que nous, une étude suivie de l’art musical,
tant chez les peuples anciens que chez les peuples modernes, et se sera ensuite
attachée à examiner avec soin lamusique Arabe dans ses principes, dans ses règles,
en un mot dans tout son système, reconnoîtra aussi bientôt avec nous la véritable
origine de celle-ci.
* L I I I 5 E. M.