Dalge, Dachlout, sont soumis à 1 influence des Arabes, qui viennent camper aux
portes: si les cheykbs de ces villages n’osent pas résister ouvertement aux ordres
qu ils reçoivent du Kaire, ils montrent du moins une certaine fierté et une malveillance
que les Arabes leur suggèrent et qu’ils entretiennent sans cesse parmi
eux. Il est vrai que dans* d’au très endroits riches en bestiaux et bien armés'pour
les défendre, tels que le village de Meyr, on ne souffre pas qu’ils campent dans la
plaine; du moins les punit-on de leur audace, quand ils osent le tenter. Heureux
\esfelLih assez forts pour déployer ce caractère.! ils vivent tranquilles et libres
possesseurs de leurs biens, qui ne font que s’accroître par la foiblesse et la ruine
dès autres.
Dans les villages qui, malgré leur peu de force, essayent de défendre leur indépendance,
les Arabes font une invasiomsubite ; ils tuent les cheykbs et les remplacent
arbitrairement; ils détruisent les maisons de ceux qu’ils appellent leurs
ennemis,s’emparent de leurs terres, et se conduisent si habilement qu’ils finissent
par gagner l'amitié des autres.
Certains villages que leur foiblesse et leur position près du désert soumettent
nécessairement aux Arabes, leur offrent naturellement cette amitié. Tout'Calcul
lait, elle leur coûte encore moins qu’une haine ouverte.
Les familles Arabes peu nombreuses qui possèdent de petits -villages et qui:
sont voisines lune de l’autre, sont perpétuellement en querelle pour les limites,
pour la construction et la rupture des digues, et pour la conduite des eaux.
Comme il n y a pas de tribunaux pour décider ces sortes de procès, ils en viennent
ordinairement aux mains. On se tue de part et d’autre; on se poursuit sans relâche
avec un acharnement incroyable, souvent jusqua extinction de l’une des familles.
Alors le vainqueur, sans autre formalité, s’empare des terre? des vainGus, et y
établit sa famille ou ses protégés. Cependant le Gouvernement ne met aucune
opposition à toutes ces petites guerres civiles, comme s’il importoit peu par qui
l’impôt sera payé ; et l’on se flatte toujours qu’il le sera, quoique bien souvent
il n en arrive rien, par la raison que de nouveaux venus attaquent et ruinent à
leur tour ceux qui ont triomphé.
On connoît la forme des tentes des Arabes ; elles sont faites d’une toile appelée
kluych, qui se fait principalement dans le Fayoum. Ils en forment une pièce qui a
vingt à trente pieds de long sur quinze, et la soutiennent par les quatre angles
sur des piquets de quatre pieds de haut, au milieu sur deux piquets de six
pieds; ce qui donne au dessus la forme d’un toit plat. Ces tentes sont spaçieuses
et commodes : comme elles sont très-basses et assujetties par des cordes, elles ne
craignent rien du vent; quand il tombe de ta pluie, elle ne peut entrer que par le
devant, qui est le seul côté ouvert.
Ja-i observé dans ces tentes une sorte de berceau fait en branches de cor
nouiller très-dur, épaisses d’un pouce, artistement travaillées et entrelacées; le
fond est de forme ovoïde ou en coupe et peint en brun ; le dessus est à jour.
Ces berceaux se placent sur un chameau, et servent à transporter une femme et son
enfant. Le bois est noirci à la fumée, et le fond est doublé de cuir et quelquefois
même tout en cuir. Il arrive rarement aux Européens de voir de ces chameaux
à berceau : ce que les Arabes craignent le plus de leurs ennemis, c’est l’enlèvement
de leurs femmes ; or ces berceaux élevés les mettent en évidence.
On fait servir ces sortes de litières à des promenades comme aux caravanes. En
faisant plus de soixante lieues le long du désert, j’ai eu occasion de voir très-
souvent des chameaux ainsi chargés de femmes et d’enfans. Il n’est pas nécessaire
de dire quelle attention et quel soin mettent leurs maris et leurs parens à les
escorter, faisant toujours éclairer leur marche par des cavaliers détachés à une
lieue en avant.
Ce qu’on observe encore dans les camps Arabes, ce sont les stlouq ou chiens
lévriers; ils atteignent les lièvres et les renards, et sont d’un grand secours pour
la chasse aux gazelles, dont la viande est très-recherchée par les Bédouins. Ils
ont surnommé le selouq, l'ennemi de la gabelle [a'dou el-gha^âl]. Ces lévriers sont
de couleur fauve, plus petits que les nôtres, et extrêmement vîtes. Les Arabes
les habillent d’une étoffe de drap, leur font porter un collier, et les tiennent
toujours en laisse. Ils les tirent de Syouâh, où il y en a beaucoup. Leurs propriétaires
y mettent un assez grand prix, jusqu’à trente et quarante pataquès, et il
est difficile d’en trouver à acheter; cependant plusieurs Français sont parvenus à
s’en procurer, et des généraux en ont reçu en présent (1).
(1) J’ai vu, dans les hypogées ou grottes delà moyenne il est aisé d’y reconnoître le selouq lui-même. Les des-
Egypte, des peintures Egyptiennes fort curieuses, qui sins de ces grottes et l’explication font partie du qua-
•représentent exactement cette même chasse aux gazelles; trième volume à'Antiquités.