et réciproquement : peut-être aussi la nouvelle mer qui entoure actuellement
Alexandrie, en rafraîchissant les vents du sud [le kiamsyn] provenant du désert
de la Libye, diminue-t-elle les causes de cette dernière maladie.
Les officiers ont été, proportionnellement, moins exposés à l’épidémie scorbutique
que les soldats, ces premiers ayant pu suivre un meilleur régime Elle a
dailleurs. attaqué les personnes de tout âge : ses effets étoient plus prompts, c i
généralement plus fâcheux, lorsque les malades avoient essuyé, auparavant une
autre maladie, comme des blessures graves, ou l'ophtalmie. J’en ai vu un assez
grand nombre chez qui les extrémités inférieures tendoient à se sphacéler; cependant
a 1 aide des moyens que nous allons indiquer, on obtenoit la résolution de
ces larges ecchymoses, et les malades guérissoient presque tous.
Les chevaux de la cavalerie devenant à-peu-près inutifes par le resserrement
du blocus et la penune des fourrages, je demandai au général en chef de les faire
tuer, pour la nourriture des soldats et des malades. L’expérience m’avoit appris
dans plus d une occasion, que la viande de ces animaux (,), sur-tout lorsqu’ils som
jeunes, comme 1 etoient nos chevaux Arabes, étoit salubre, très-bonne pour la
confection du bouillon, et assez agréable à manger, moyennant quelque préparation.
On en fit des distributions journalières en vertu d’un ordre du jour arrêté
a ce sujet. Cette innovation excita d’abord le murmure de quelques personnes
p sillanimes et peu éclairées, qui considéroient l’usage de cette viande comme
pernicieux a la santé des troupes. Je fiis néanmoins assez heureux pour fixer
par mon exemple, une entière confiance sur cet aliment frais, le seul que nous
possédions. Les malades des hôpitaux s’en trouvèrent fort bien, et j’ose dire que
ce fin Je principal moyen à l’aide duquel nous arrêtâmes les effets de la maladie
Le pain mneommodoit plus les soldats, depuis qu’on dessaloit le riz qui servoit
a sa confection. *
Nous avons varié le traitement selon les différens états du scorhut, la constim
i b ü é capitulation
d Alexandrie, nous fussions en pénurie de beaucoup d’objets.
Dans le premier degré du scorhut, quelques légers vomitifs, avec l’ipécacuahha
suivis d un ou deux laxatifs, produisoient de bons effets. Le malade prenoit, B
sa boisson, de 1 eau de tamarin édulcorée avec la mélasse; le soir, quelque potion
acidulée et antispasmodique, et le matin, une ou deux tasses de café. Il fàisoit
aussi usage de lavemens mucilagineux animés avec le vinaigre.
La diète sévère fâvorisoit Je développement de la maladie : aussi n’a-t-on jamais
prive les scorbutiques d’aiimens légers, tels que bouillons, potages de riz ou de
vermicelle. On repétoit le café lorsqu’on ne pouvoir le remplacer par du vin On
employoït le vinaigre de sucre pour gargarisme. Ces moyens, et l’exercice suffi-
soient tres-souvent pour rétablir, la santé de ces individus. Ils rejoignoien’t leurs
corps respectifs, campés sur les bords du lac Maréotis, où la plupart, exposé
de nouvelles causes asthéniques , ne tardoient pas à être frappés de la même
maladie : alors elle prenoit un caractère plus intense, et ses progrès étoient plus
( 0 Tous les peuples de la Tanarie Asiatique se. nourrissent de cette viande.
rapides.
S U R P L U S I E U R S M A L A D I E S . $ O C )
rapides. Les cicatrices ou les plaies qui, dans la première attaque, avoient à peine
change de couleur, étoient ordinairement rompues et ulcérées, lorsqu’ils entroient
à l’hôpital la deuxième fois. Tous les autres symptômes du scorbut passoient tout-
à-coup du premier au second degré, et bientôt au troisième. Dans cet état, les
forces étant abattues, etl’action musculaire presque anéantie, on ne pouvoit perdre
le temps dans l’emploi des médicamens légers : ainsi l’on ajoutoit aux potions
acidulés du soir le camphre et l’opium gommeux. J’ai remarqué que ce dernier
médicament sur-tout agissoit d’une manière efficace contre cette maladie. Je
m’en étois déjà servi, avec le plus grand succès, à l’hôtel des Invalides et à l’hôpital
militaire de Paris. Le matin, on donnoit au malade une dose de quinquina
infusé dans de l’eau-de-vie de sucre assez foible. La boisson ordinaire étoit, ou
de l’oxycrat, ou de l’eau de tamarin sucrée. Lorsque la maladie étoit parvenue
au dernier degré, on forçoit la dose de quinquina mêlé à l’eau-de-vie, qu’on répé-
toit plusieurs fois dans le jour ; on augmentoit aussi la dose du camphre , de
l’opium, et le café.
Les vésicatoires, sans produire de grands effets, étoient généralement pernicieux,
à raison des ulcères gangréneux qui résultoient, presque toujours, de leur
application. Je substituai avantageusement à ce topique les sinapismes, ou les
embrocations, de vinaigre très-Ghaud : les plaies étoient pansées avec le vinaigre
saturé de camphre et de quinquina en poudre. Les embrocations d’eau-de-vie
camphrée, et les emplâtres de styrax, saupoudrés de fleur de soufre, appliqués
chauds sur les ecchymoses et l’oedématie des jambes, soutenus d’un bandage légèrement
compressif, secondoient avec succès les remèdes internes. On ne doit
changer ces emplâtres que tous les trois ou quatre jours : on en continue l’usage
avec les médicamens précités, jusqu’à la guérison parfaite du malade.
Sur trois mille cinq cents scorbutiques environ qui passèrent dans les hôpitaux
d’Alexandrie, deux cent soixante-douze périrent depuis l’invasion de la maladie,
qui date des premiers jours de thermidor [juillet 1801], jusqu’au 18 vendémiaire
[ 10 octobre], époque de l’embarquement des malades et du reste de l’armée.
Près de deux mille regagnèrent leurs bataillons avant et pendant l’embarquement ’
des troupes. Sept cents environ passèrent en France : tous étoient guéris, ou en
voie de guérison, à leur arrivée à la quarantaine, à l’exception de six ou sept qui
périrent dans la traversée. Cent et quelques-uns des plus gravement affectés restèrent
à Alexandrie : ils rentrèrent peu de temps après dans leur patrie, n’ayant
pas éprouvé, en proportion, plus de perte que les premiers.
m M. Xx