navigation, et sur-tout de la défense, puisque le feu de cette place peut fermer à
volonté la communication des deux grandes branches du fleuve, et de toutes celles
qui en dérivent; mais cet établissement étoit une idée première, dont la paix seule
pouvoit réaliser l’exécution. s. III.
Canal de Chybyn-el-Koum.
A in s i que le canal de Fara’ounyeh, le canal de Chybyn-el-Koum arrose le Delta,
qu’il traverse du sud-est au nord-ouest ; il prend ses eaux dans la branche de Da-
miette, au village de Karamine, et débouche dans celle de Rosette, au village de
Farastaq. Malgré la tendance qu’ont les eaux de la branche occidentale à se jeter
dans la branche orientale, le canal de Chybyn-el-Koum est aujourd’hui moins
considérable que celui de Fara’ounyeh : néanmoins l’on pourra, pendant trois ou
quatre mois de l’année, profiter de la navigation du canal de Chybyn-el-Koum, et
gagner encore un ou deux jours sur celle du canal de Fara’ounyeh ; et comme
il sera indispensable, par la suite, de fermer par des digues éclusées toute communication
des canaux d’irrigation avec les deux grandes branches du Nil, il est
évident que, devant faire dans le canal de Chybyn-el-Koum des travaux analogues
à ceux du canal de Fàra’ounyeh, on pourra concurremment établir la navigation
des deux mers parce canal, qui débouche à Farastaq, dans la branche de Rosette,
à une demi-journée au sud de Rahmânyeh.
s. IV.
Branches du Nil.
Le Nil, qui, depuis la dernière cataracte sous le tropique à Syène, n’a qu’un
seul lit jusqu’au-dessous des pyramides (car on ne peut considérer comme bras du
fleuve quelques canaux dérivés qui courent parallèlement entre le Nil et les montagnes
qui longent son bassin), se divisoit, dit Hérodote ( liv. i l , f . ty) , en trois
branches, près de la ville de Cercasore, à-peu-près au point désigné aujourd’hui
sous le nom de Batn-el-Baqarah : la plus orientale passoit à Bubaste, et se rendoit
dans la mer à Péluse, dont elle prenoit le nom; la seconde, la plus occidentale, se
jetoit dans la mer près de Canope, qui lui donnoit aussi son nom ; la troisième
existoit entre ces deux points extrêmes de la base du Delta, et se jetoit dans la mer
vers un promontoire avancé; elle étoit connue sous le nom de branche Sébennytique,
qui partoit du sommet du Delta, qu’elle partageoit en deux. D’autres branches, mais
moins considérables, qui dérivoient de ces trois principales, étoient laSaitique,
la Mendésienne, la Bolbitine et la Bucolique : ces deux dernières n’étoient pas
l’ouvrage de la nature, mais celui des hommes, qui les avoient creusées.
Le fleuve avoit donc sept branches du temps d’Hérodote, vers son embouchure
dans la mer.
D E S D E U X M E R S . i j p
Le Nil a successivement occupé divers points de la vallée; son lit, dans l’étendue
de son cours, touche sur plusieurs points aux déserts de lamer Rouge et de la Libye,
et de nouveaux changemens peuvent se reproduire encore : mais, quels que soient
ceux que le fleuve ait éprouvés dans les temps éloignés, par rapport à ses bouches
maritimes, il est évident qu’il en a subi sensiblement depuis Strabon, qui écrivoit
plus de 4jo ans après Hérodote. Ce géographe décrit ainsi l’ordre des bouches
du fleuve : i.° la bouche Canopique, où les bâtimens abordoient quand ils ne
pouvoient entrer dans les ports d’Alexandrie; 2..° la bouche Bolbitinique; 3.° la
Sébennytique ; 4-° la Phatnitique, qui étoit la plus considérable après les deux
grandes qui formoient les côtés du Delta; j.° la Mendésienne; 6 ° la lanitique;
y.° enfin la Pélusiaque. ■
Le fleuve avoit encore d’autres petites bouches, qui portoient le nom de
^t\ih<d>l*.dLTa, ou fausses bouches; mais les anciens, par leur respect superstitieux
pour le nombre sept, n’ont parié avec emphase que de ces sept-bouches (1).
Entre les bouches Tanitique et Pélusiaque, il se trouvoit, dit Strabon, des
lacs et des marais très-étendus, dans lesquels étoient situés beaucoup de bourgs.
Péluse, n«AVΫov, dont le nom signifie marécageux, étoit entourée de marais et
d’abîmes; cette ville étoit située à vingt stades de la mer, et elle est aujourd’hui
également distante de la bouche de Tyneh : mais il n’en est pas de même vis-à-vis
de Damiette et de Bourlos, où d’anciens établissemens se trouvent aujourd’hui
sous les eaux de la mer.
Des sept anciennes bouches du fleuve, les deux principales, la Pélusiaque et la
Canopique, n’existent plus; en les comblant, les sables ont diminué l'étendue
cultivable du Delta : elles sont remplacées par les bouches de Damiette et de
Rosette, qui sont celles qu’Hérodote dit avoir été creusées de main d’homme.
On compte encore le même nombre de bouches ; en voici l’ordre, d’orient en
occident : i.° la bouche de Tyneh, 2.0 la bouche d’Omm-fareg, 3.0 celle de
Dybeh, 4-° Ia grande bouche de Damiette, y.° celle de Semenoud à Bourlos,
6.° la grande bouche de Rosette, 7.° enfin la nouvelle bouche du lac d’Edkoû.
Celle du Mâdyeh ne peut pas être comprise dans ce nombre, puisque ce lac,
qui communique à la mer, ne reçoit pas constamment les eaux du fleuve. L’une
de ces deux dernières occupe l’emplacement de la bouche Canopique, dont les
traces sont perdues sous les eaux de ces lacs. On peut considérer ces bouches
.comme répondant à-pcu-près à celles qui existoient du temps d’Hérodote.
Les bouches du fleuve ne permettent pas l’entrée à des navires de plus de sept
pieds de tirant d’eau, dans le haut Nil. Celle de Rosette est la plus difficile, à
cause des bancs de sable qui la ferment. Celle de Bourlos, qui est plus profonde,
a l’avantage d’avoir un boghâz moins élevé, et aussi moins variable : il semble que
l’on pourrait tirer un plus grand parti de cette bouche pour pénétrer dans I intérieur.
La branche de Damiette permettoit encore, au commencement du siècle
dernier, l’entrée à des bâtimens de huit à dix pieds de tirant d’eau ; mais elle se
(1) On peut consulter M. Court de Gébelin, dans son divers que les anciens ont désignés et consacres par ce
Monde primitif, tome'V I I I , sur la recherche des objets nombre septénaire.
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