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I
S E C T ION III.
C A N A L D ’A L E X A N D R I E ,
ou Dernière Partie du Canal des deux mers, du Nil à Alexandrie.
AvantaOges du
Canal.
Canal d'Alexandrie. — Description historique de ce
Son Etat actuel. — De son Rétablissement. — Vues
générales sur les ports et villes d’Alexandrie. ■-Résumé général.
%. V
Avantages du Canal d’Alexandrie.
L a ville d’Alexandrie, malgré sa décadence, n’a pas cessé d’être considérée
comme une place importante, comme la clef de l’Égypte. Renfermée par les eaux
de la Méditerranée et par deux lacs d’eau salée qui en forment une presqu’île, elle
ne tient plus à cette province de l’empire Ottoman que par une bande étroite de
terre qui s’étend sur la côte au sud-ouest jusqu’à la tour des Arabes (1) ; privée
absolument d’eau douce, elle n’en reçoit que par un canal dérivé du Nil : son existence,
qui en dépend, est aussi nécessaire à l’Égypte, que l’Égypte lui est nécessaire.
La conservation du canal qui conduit les eaux du fleuve dans cette ville, est de
la plus grande importance; et cette importance est fondée sur les avantages que les
possesseurs de l’Égypte retireront toujours de ses deux ports et de sa rade, puisque,
sur une étendue de plus de soixante lieues de côtes, Alexandrie et Abouqyr (2) sont
les deux seuls points où les vaisseaux peuvent aborder facilement.
La première opération à faire en Égypte est donc le rétablissement de ce canal,
que les puissances alliées, les Anglais et les Turks, ont coupé, à l’effet, par le versement
des eaux de la mer dans le bassin desséché de l’ancien lac Maréôtis, de
resserrer les Français bloqués dans Alexandrie (3).
(1) C ette presqu’île a 36,000 toises de Iongueurenviron,
depuis A bouqyr jusqu’à la tour des A rabes, où elle se
rattache au désert de Libye : sa plus grande largeur se
trouve im m édiatem ent à l’est d’A lexandrie, où elle est
d e 1800 toises ; elle n’est que de 400 toises à la tour des
A rabes, et de 300 toises seulem ent à l’ancienne coupure,
vers le centre de la rade d’A lexandrie.
(2) A bouqyr est un cap situé sur la côte au nord-est
d ’A lexandrie: c’est à ce cap que se term ine la côte rocailleuse
et calcaire d’A lexandrie; au-delà, la côte d’E gypte,
jusqu’à el-A’rych, n’offre plus qu’une plage basse et sablonneuse.
La rade, quoiqu’ouverte aux vents du nord et du
nord-est, assez fréquens et assez violens sur cette côte
est vaste et d’un bon m ouillage; mais elle est peu tenable
en hiver. C ette rade est form ée par une anse au fond de
laquelle on trouve deux com m unications des lacs d’E dkoû
et du M âdyeh à la m er : c’est dans cette partie qu’a dû
exister l’ancienne bouche C anopique.
(3) N ous tenons d’un officier général de l’arm ée A nglaise,
que la coupure du canal fut agitée dans divers conseils de
guerre, depuis le i.cr jusqu’au 24 germ inal an 9 [22 m ars -
14 avril 1801], jour où l’avis des officiers de la m arine
A nglaise, et principalem ent de l’am iral K eith, l’em porta
sur toute autre considération, C ette opération désastreuse,
L’ancienne
■ ■ ■ ■ ■ ■
L ancienne Alexandrie, privée naturellement d’eau douce, en recevoit par un
canal dérivé de la branche Canopicjue, près de Schedia. ce Quand on sort ( dit
» Strabon, l i v . x v i i ) d’Alexandrie par la porte de Canope , on a, à sa droite, un
» canal qui communique au lac et conduit à la ville de Canope : par le lac
» on navigue dans le fleuve, à Canope et à Schedia; mais avant on passe à
» Eleusine, bourg d’Alexandrie, situé sur le canal même de Canope: un peu au-
» delà d’Eleusine, est à droite un canal qui conduit à Schedia, éloignée de quatre
» schoenes d’Alexandrie. »
D ’après ce passage, d’Anville en conclut l’existence d’un canal qui, du faubourg
d Alexandrie et du lac Mareotis, se rendoit à Canope, en suivant la côte.
En effet, on retrouve des vestiges bien sensibles d’un canal dans la partie de cet
isthme comprise entre les derniers monticules de décombres, à l’est de la porte
de Rosette, et le sol eleve aux abords du Kasr-Kyassera, ainsi que sur les rives
actuelles du lac Mâdyeh, qui n’existoit pas alors; mais on sait d’ailleurs que le
canal qui amenoit les eaux du fleuve à Alexandrie, prenoit dans la bouche Canopique,
aux environs de Schedia, et longeoit le lac Maréotis, où il débouchoit,
dans 1 emplacement actuel, sans doute, des lacs salins situés sous les hauteurs du
Kasr-Kyassera, et d’où, reprenant son cours, en tournant, au sud, le faubourg
d Eleusine, il entroit dans Alexandrie. Les historiens ne disent rien sur cette communication
du canal de Schedia au lac Maréotis : mais on doit penser qu’elle
restoit libre et ouverte en tout temps à la navigation de ce lac, dont les eaux,
quoique derivees du Nil par divers canaux, ne devoient pas être également douces
pendant toute lannee, et devoient même être plus ou moins saumâtres pendant
sept à huit mois (i).
L’ancien canal de Schedia doit avoir existé à-peu-près dans la partie du canal
actuel qui , des marais salins , setend jusqua Leloha et el-Nechou, villages
qui vient de subm erger l’ancien bassin du M aréotis, est une
calam ité pour la province delàB aheyreh, puisque les eaux
de m er en ont inondé une très-grande étendue, q u i, depuis
quelques siècles, pouvoit être rendue à l’agriculture. Les
A nglais, pour opérer la subm ersion du bassin du M aréotis,
¿voient fait dans les digues du canal plusieurs brèches ou
coupures, qui laissèrent aux eaux de la m er un débouché
d ’environ trente toises. Après le départ des Français, le
grand-seigneur envoya à A lexandrie quelques ingénieurs
Suédois, avec des ouvriers de choix, suivis de vingt navires
charges de bois, de fer et d’autres m atériaux pour referm er
ces breches. Le pacha du Kaire avoit reçu l’ordre de.Ieur
fournir 80 bourses par mois [ environ 70,000 fr. ] : on y
travailla pendant quinze m ois, mais sans succès; et le
canal resta dans le m êm e état. Les habitans d’A lexandrie
durent etre extrêm em ent em barrassés de se pourvoir d’eau;
m ais on sait que, dans des circonstances sem blables, les
riches en envoient chercher par m er à R osette, quand les
pauvres se contentent des eaux saum âtres qu’on trouve au
dehors d A lexandrie, et à l’usage desquelles nos troupes et
l’arm ée A nglo-T urke ont été réduites dans le siège de
cette ville. O n v o it, dans les C om m entaires de C ésar,
que son arm ée fut réduite à la m êm e nécessité.
Ê . M .
O n lit, dans une petite brochure intitulée Situation
de VEgypte, au 1," vendémiaire an ¡3, page 51 :
« Janib-effendi, nom m é par la Porte grand trésoriër de
» l’E gypte, est parvenu, à force d’argent et de travaux, à
» ferm er les coupures faites par les A nglais, et à rétablir le
» canal d’A lexandrie: dans la grande inondation de 1804,
» I eau du N il, dont cette ville avoit été privée depuis deux
» années, en a de nouveau rem pli les citernes. »
(1) O n sait que les eaux des diflerens canaux qui versent
dans les eaux salées des lacs m aritim es de l’JÉgypte, tels
que ceux de M enzaleh, de B ourlos, d’E dk o û , etc. conserv
en t, durant la crue du fleuve, leur douceur à travers ces
lacs, et jusques au-delà de leur em bouchure à la mer. C et
effet est plus rem arquable encore aux bouches des deux
grandes branches de D am iette et de R osette, qui, pendant
l’inondation, portent des eaux douces jusqu’à plus d’un
m ille en m er, par une suite de la vitesse du fleuve, tandis
que, dans le bas N il, au contraire, les eaux de m er refluent
dans ces m êm es bouches jusqu’à trois et quatre
lieues, et que ces eaux altérées et saumâtres obligent les
habitans de D am iette et de R osette, ainsi que les riverains,
d’user d’eau de citerne, ou d’en envoyer chercher à
une ou deux lieues au-dessus dans le fleuve.
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