
n’embrassent pas l'islamisme. Le karach étoit censé dû par 90,000 têtes. Un aghâ
envoyé annuellement de Constantinople en fàisoit la perception. Il arrivoit en
Égypte avec autant d’assignations ou billets de paiement paraphés et enregistrés
au ministère des finances, munis de son cachet et de celui de deux témoins qu’on
lui donnoit pour adjoints. Ces billets étoient renouvelés tous les ans; ils étoient
alternativement rouges, blancs ou jaunes, et faits de manière que
9,000 étoient destinés à la classe riche,
18,000 à la classe médiocre,
et 63,000 à la classe indigente.
L’aghâ les délivroit aux contribuables, après y avoir inscrit leur nom et leur
signalement; il exigeoit 553 médins pour les premiers, 283 pour les seconds, et
143 pour les troisièmes. Un usage établi en sa faveur avoit fixé à ce taux une contribution
que les réglemens ne portent qu’à 44°> 210 et 110 médins.
Les billets de paiement restoient entre les mains des Chrétiens et des Juifs,
et leur servoient en quelque sorte de sauvegarde : ils n’avoient aucun droit à la
protection du grand-seigneur, quand ils avoient négligé de s’en munir.
Lorsque la perception étoit achevée, l’aghâ régloit ses comptes avec le
rouznâmgy. Les 90,000 assignations se calculoient à raison des sommes qu’elles
auroient dû produire d’après leur taux primitif (1). On en défalquoit,
1.° Les assignations qui n’avoient pas été employées ;
2.0 Les frais et le traitement de l’effendy el-gouâly, chargé de la perception;
3.0 Les pensions assignées par le sultan sur le karach, s’élevant à seize bourses
Egyptiennes, ou 4 oo,ooo médins.
L’aghâ acquittoit ensuite le myry de sa charge, de 2,y09,081 médins, faisant
89,610 liv. 9 den. ou 88,503 fr. 75 cent. Ce myry porteroit à croire que si
les rentrées s’élevoient à une somme supérieure,' l’excédant demeuroit à son
profit; néanmoins il est constant qu’il navoit d’autre bénéfice que le droit
d’usage que nous avons spécifié, et que les sommes qui surpassoient les fonds
absorbés par les frais de perception, les pensions et le myry, étoient ajoutées au
trésor ou khazneh qui s’envoyoit au grand-seigneur.
L’aghâ affermoit ordinairement au bey gouverneur de Girgeh le karach dû par
les Chrétiens et les Juifs de la haute Égypte, sans lui remettre une portion des
assignations dont il étoit porteur. Les Chrétiens et les Juifs de cette contrée
recevoient de ce bey des assignations particulières qui avoient le même prix
et les mêmes effets que celles qui étoient distribuées par l’aghâ. Celui-ci, employant
ensuite comme valeur, dans le compte qu’il rendoit au rouznâmgy, les assignations
qu’il avoit retenues, augmentoit considérablement ses revenus par cette
infidélité.
( 1 ) 9,000 à 4 4 ° - ......................
i 8,oqo à 220.
63,000 à 1 10.
T o t a l .
. 3,960,000 médins.
• 3,960,000.
■ 6,930,000.
. 14,850,000 médius.
Le nombre des assignations délivrées par la Porte serviroit à évaluer par
approximation la population Qobte (1), sans ce que nous venons de dire sur la
haute Égypte, et les exemptions qui étoient facilement accordées à tout Chrétien
ou Juif attache au service des Musulmans et des consuls Européens. II est essentiel,
en outre, d observer que les femmes, et les e 11 fans présumés avoir moins de
douze ans, netoient pas imposés. Le défaut de registres de naissance faisoit que
leur âge netoit estimé que par la mesure de leur tête (2).
Nous navons pas mis au nombre des impôts levés au profit du sultan, un droit
dit de leyt el-mâl, qui se composoit de la succession totale des sujets du grand-
seigneur, Chrétiens, Juifs ou Musulmans, qui mouroient sans héritiers, parce
quil ne donnoit lieu à aucun myry. Son produit étoit envoyé autrefois à Cons-
tantinople, où le sultan ne pouvoit s’en servir qu’en faveur de la défense de
1 islamisme. La perception et l’emploi de ce droit sont prescrits par le Qprân.
Dans les derniers temps, les beys le fàisoient lever sans en rendre aucun compte à
la Porte. Dès qu il mouroit un habitant un peu aisé, ils s’empressoient de faire
apposer sur la porte de la maison du défunt un gros clou qui en empéchoit l’ouverture
, sans s’embarrasser s’il avoit ou n’avoit pas d’héritiers: dans le dernier cas,
toute sa succession leur appartenoit; et dans le premier, ils fàisoient payer bien
cher la levée de ce séquestre.
C H A P I T R E V.
Résumé des Revenus du Sultan.
L e s principes de l’administration Ottomane, differens des nôtres, qui font
arriver dans les caisses du trésor public la totalité des revenus de l’État, n’y conduisent
que les fonds destinés à certaines dépenses et à l’épargne. La perception,
abandonnée aux agens de l’autorité et aux grands tenanciers, semble n’intéresser
le souverain qu’en ce qu’il exige de ses feudataires ; ce qui leur reste quand ils ont
satisfait le sultan et acquitté les dépenses qu’il a mises à leur charge, s’applique
entièrement à leur profit. Ainsi, en faisant la récapitulation des divers états que
nous avons présentés pour offrir la totalité des impositions levées en Égypte, on
trouve que les revenus du sultan n’embrassent que les recettes du myry, et se
composent ; savoir :
D u myry sur les terres. ! V illages....
Ouaqf........
Médins.
80,460,068. 2,873,573» I 7 S I d.
Francs, cent.
2,838,097. 63.
D u myry sur les charges. 10,870,773. 388,241. 17. 10. 383,448. 79'.
9I,330,84l. 3,261,815. 14. II. 3,221,546. 42.
(1) Nous ne parlons pas des Juifs, des Grecs de Syrie de la tête d'un enfant au-dessous de douze ans : tous ceux
et de 1 Archipel, à cause de leur petit nom bre, et des dont la tête ne pouvoit pas y passer, étoient classés au
Francs, qui n’y étoient pas soumis. nombre (2) Le percepteur avoit une petite corde de ia mesure des contribuables.
É . M . C e c i