
voyageurs commerçans, qu’autant que des circonstances obligent les caravanes à
éviter la route ordinaire des pèlerins [ Darb-el-Hâggy] , et a suivre celle de la vallée
de l’Égarement, pour se rendre à Soueys; ils sont plus ordinairement utiles aux
Arabes/les petits Terrâbins qui occupent la vallée, et à ceux qui, devant éviter
les bords du Nil et le Kaire, se rendent de la haute Égypte en Syrie. C ’étoit un
point de passage des Mamelouks de Mourâd-bey, pour leur communication avec
l’armée du vizir en Syrie.
| En quittant les Gandely, nous traversâmes une plaine unie', sablonneuse, et
d un aspect sauvage : après trois lieues de marche, nous gagnâmes le site des petits
Teriâbins, où de nombreux ravins, couverts déplantés qui fournissent un fourrage
abondant, présentent le contraste le plus piquant avec l’aridité du désert (i).
Toujours occupés de l’examen géologique ét topographique de cette vallée, nous
franchîmes un nouveau defile, moins profond cependant que le premier, et nous
arrivâmes à Baçâtyn, où notre présence causa des alarmes. Ces petits événemens
avoient quelquefois un effet fâcheux pour ces Arabes, trop souvent compromis
par la conduite de leurs cheykhs, qui, cédant toujours à leurs intérêts, servoient
également tous les partis. Nous manquions d’eau, n’ayant pu en faire aux Gan-
dely; mais nous retrouvions le N il, et sa riante vallée, dont l’aspect, en sortant
du désert, paroît toujours délicieux. Nous avions fait plus de cent lieues dans
cette dernière tournée, dont l’objet étoit si heureusement rempli; nous rentrâmes
au Kaire le 11 brumaire [ 2 novembre 1800].
Cependant nous n’avions encore sur la topographie entre le Kaire et Belbeys,
que des reconnoissances imparfaites, mais qui avoient suffi pour le nivellement,’
voulant donc lui donner le même degré d’exactitude, nous chargeâmes M. Devilliers
de ce complément du travail : cet ingénieur, auquel j’adjoignis M. Viard, élève,
commença ses opérations le 1 y nivôse[5 janvier 1801], et les termina le 30 [20].
Une autre course que nous ajournions au printemps, eût été extrêmement intéressante,
à cause de la retraite des eaux, qui ont dû laisser des repères précieux
de leur élévation dans tout le cours de l’Ouâdy et dans le coeur du désert ; mais les
événemens postérieurs nous ont privés de la satisfaction que de semblables résultats
devoient nous donner.
Nous devons avouer que notre zèle eût été infructueux dans ces opérations
et toutes celles auxquelles le service a donné lieu pendant tout le cours de l’expédition
(trente-neuf mois), sans la bienveillance qu’ont montrée constamment
MM. les officiers généraux, et sans la part qu’y ont prise les officiers des divers
détachemens chargés de protéger nos marches. Sous ce rapport, les travaux littéraires
de la Commission des sciences et arts, ainsi que ceux des ingénieurs, appartiennent
aussi à l’armée d’Orient (2).
(0 Ua prise de quelques chameaux chargés de grains,
qu’on pouvoit croire destinés pour l'armée du vizir, fut un
nouveau motif de soupçonner l’infidélité de ces Arabes
quoiqu’ils eussent traité des premiers avec les Français)
auxquels ils ont été souvent très-utilespour les convois par
caravane : mais l’intérêt les avoit sans doute déterminés
à porter en Syrie des grains dont la vente leur assuroit de
grands bénéfices; conduite dont ils pouvoient encore se
prévaloir, en cas d evenement, vis-à-vis du grand-vizir.
(-) Quant aux opérations relatives au canal des deux
mers, nous devons au général R eynier, plus particulièrement,
la satisfaction de les avoir heureusement terminées *
Ce fut au retour de mon dernier voyage dans l’Ouâdy, que j’adressai au
général B o n a p a r t e , qui étoit alors en France, le rapport dont nous donnons
ici la transcription.
§ . V I .
Rapport de l ’Ingénieur en chef, Directeur général des Ponts et Chaussées,
au P r e m i e r C o n s u l de la République Française.
A u Kaire, le 15 Frimaire an 9 [6 Décembre 1800I.
C i t o y e n P r e m i e r C o n s u l ,
« T é m o i n du vif intérêt que vous avez montré dans la reconnoissance des
» vestiges de l’ancien canal de Soueys, chargé par des instructions spéciales d’ajouter
v à cette première reconnoissance des résultats géométriques, et de vérifier par
» des nivellemens la possibilité de rétablir la communication des deux mers, j’ai
» constamment fait naître et saisi les occasions d’accroître mes recherches, et de
» remplir cette tâche importante que vous m’avez confiée.
» Les evenemens qui se sont si rapidement succédés, ont rendu le travail long
» et pénible; mais les ingénieurs Gratien Le Père, Saint-Genis, Chabrol et Févre,
« appelés à y concourir plus particulièrement, ainsi que MM. Favier, Dubois,
» Devilliers et Duchanoy, m ont si bien secondé, que j’ai pu enfin le terminer.
» Je dois beaucoup encore au zele éclairé des officiers généraux qui comman-
» doient dans cette partie de l’Égypte ; car les mouvemens de l’ennemi nous
» ont aussi contrariés, en nous faisant quelquefois rétrograder, et suspendre nos
» opérations.
» A l'époque où l’évacuation étoit près de s’effectuer, j’espérois, Citoyen
» Premier Consul, vous porter ce travail, que je croyois complet, quand la crue
» extraordinairement abondante de cette année vint encore y ajouter une preuve
35 heureuse et matérielle de l’exactitude de nos résultats.
>3 Jai vu, dans une reconnoissance récente, que le Nil s’est répandu dans l’Ouâdy
33 [la vallee], qu il a franchi la limite ordinaire de sa portée, qui est de huit à neuf
33 lieues au nord-est de Belbeys; et qu’en ouvrant la digue qui fixe cette limite,
33 il s’est répandu vers l’est jusqu’à l’extrémité de l’Ouâdy et près des ruines du
33 Serapeuvt qu’on trouve au nord du bassin des lacs amers.
33 Dans cette crue, qui étoit de deux coudées [ 4° ] plus forte que celle de
nous lui offrons ce témoignage de notre reconnoissance Nous ne prétendons pas distribuer ici des éloges qui
pour intérêt qu il y a pris, et pour les secours que nous n’ajouteroient rien à' d’autres titres plus glorieux , mais
avons trouves ans¡la connoissance qu’il avoit acquise seulement payer un juste tribut de reconnoissance; et
p lie e gyp te, ou il a plus constamment c est dans cette vue seulement que nous citerons encore
commande. L e généra! Reynier, q ui, avant d’embrasser MM. les officiers généraux du génie, Caffarelli, Sanson
tere mi itaire ans la lign e , avoit acquis les con- et Bertrand, pour tous les services que- nous en avons
a ces e notre profession, sembloit devoir apprécier reçus dans le cours entier de nos travaux et de nos
davantage encore I intérêt de nos opérations. opérations.