» reçûmes, par un détachement de cavalerie, l’ordre de nous replier sur le camp de
» Belbeys : nous fîmes planter des piquets de repère, et nous partîmes pourBelbeys,
» où nous arrivâmes le lendemain. Le 4 frimaire [25 novembre], nous reprîmes
» nos opérations.
» Nous nous trouvions le 13 frimaire [4 décembre] au Nil, près de Beyçous,
» à la tête de l’Ab ou -Menegy, et le 14 [5] àBoulâq; nous dûmes remettre au
» 28 [19] pour rattacher nos résultats au Meqyâs sur le chapiteau de la colonne.
» Ces résultats sont exposés, avec les développemens nécessaires, dans les plans,
» le journal et l’itinéraire de nos opérations, remis à l’ingénieur en-chef.»
§ . Y .
Reconnaissance de l ’étendue de l ’Inondation.
L a crue de 1800, dont la hauteur a été de i 4 coudées 17 doigts [24Js 6° 21],
étoit très-favorable, par sa grande élévation, pour juger de sa portée dans
l’Ouâdy : les renseignemens qui me parvenoient sur les progrès des eaux, me décidèrent
à en constater les effets.
Le général en chef Menou, auquel j’avois soumis le résultat des opérations antérieures,
étoit aussi très-jaloux d’obtenir quelque preuve matérielle à l’appui de ce
résultat: il me donna, en conséquence, les moyens d’obtenir cette vérification; et
je retrouvai dans le général Lagrange, chef de l’état-major général, auquel il
appartenoit d’organiser cette expédition, le même empressement à seconder toute
entreprise utile, quand il ne peut pas y concourir personnellement.
M. Gratien Le Père fit un premier voyage, et partit du Kaire le 4 vendémiaire
an 9 [26 septembre 1800], avec une escorte de 2 y dromadaires. Ses instructions
portoient de suivre l’Ouâdy, du côté du nord, où se trouve l’ancien canal, d’y
faire des sondes et d’autres observations; mais, la digue qui établit la communication
de Belbeys à Sâlehyeh ayant été rompue, il se vit obligé de suivre le côté
sud de la vallée.
Le 8“ vendémiaire [30 septembre], lès eaux n’étoient qu’aux puits du Râs-el
Ouâdy, et couloient lentement. Toute la vallée, depuis A ’bbâçeh jusqu’à ces'puits,
avoit l’aspect d’une mer; et les diverses tribus d’Arabes qui l’habitent et la cultivent,
s’étoient retirées sur ses bords. Pour ajouter à ces observations, cet ingénieur prolongea
sa. course dans le désert jusqu’à Soueys, et revint au Kaire.
Quinze jours s’étoient écoulés, et de nouveaux renseignemens sur les progrès des
eauxme décidèrent à les constater encore parmoi-même. MM. Chabrol et Devil-
liers, qui m’avoient déjà secondé dans les opérations antérieures, m’accompagnèrent.
Nous partîmes du Kaire le i.er brumaire [23 octobre] avec une escorte de
dromadaires. Arrivés à la hauteur du Mouqfâr, nous passâmes à l’autre bord du
canal, où l’inondation étoit réduite à la largeur de son lit, pour constater par
un nivellement la hauteur de l’eau par rapport au repère de granit dont il a été
question. C e point le plus resserré de la vallée, où il n’y avoit que trois à quatre
pieds
pieds d’eau, étoit guéable pour les troupes qui effectuoient leurs mouvemens entre
le Kaire et Sâlehyeh ; ce qui augmentoit alors de plus d un tiers le temps nécessaire
à ce trajet.
Nous avions bien prévu que cette crue extraordinaire rempliroit la partie cultivée
de la vallée entre A ’bbâçeh et le Râs-el-Ouâdy, ainsi que cela a lieu dans les
plus fortes crues; mais la digue transversale du Râs-el-Ouâdy nous senibloit suffisante
pour arrêter l’inondation. Cependant, soit que cette digue ait été rompue par la
force des eaux, soit que les Arabes l’aient ouverte pour reverser dans la partie
basse la surabondance de la crue, qui, à défaut d’écoulement vers le Nil, pouvoit
retarder de plusieurs mois la culture accoutumée de l’Ouâdy, l’inondation devint
générale, et se porta vers l’est avec rapidité jusqu’au santon (Cheykh-Henâdy),
qui n’est distant que de onze à douze lieues du fond du golfe Arabique.
Nous continuâmes notre course, et nous remarquâmes là grande vitesse des
eaux et la profondeur du lit qu’elles avoient creusé, entre Saba’h-byâr et Cheykh-
Henâdy ; partie qui nous avoit toujours paru présenter le plus d’obstacles ait
rétablissement du canal, à cause du rapprochement des dunes. Nous résolûmes
alors de revenir après la retraite des.eaux, pour juger de 1 effet de leur courant,
dont la vitesse extrême, qui devoit résulter d’une pente considérable, nous fit
soupçonner qu’elles pouvoient se porter vers le Râs-el-Moyeh ou dans les lacs
amers. La connoissance que nous avions acquise antérieurement de ces lieux,
sous leurs rapports géologiques, donnoit du poids à cette opinion : cependant,
au moins à cette époque, les eaux étoient seulement répandues sur une etendue
de quelques lieues carrées; e t, comme elles sembloient devoir s’élever encore,
nous restâmes persuadés qu’elles auront dû se répandre dans le bassin des lacs.
Satisfaits de ce que nous avions vu , nous nous portâmes vers les lacs ailiers, sur
de nouvelles directions, pour en mieux connoître la forme et 1 etendue.
Nous cherchâmes aussi, mais en vain, sur leurs bords, les ruines dun monument
vues quelques mois avant par MM. Rozières, ingénieur des mines, et Devil-
liers, l’un de nos collègues, dans une course qu’ils firent de Soueys dans l’Isthme.
Ils avoient rapporté des fragmens de granit, dont la sculpture et les inscriptions
en caractères cludiformes Persans sembloient rappeler les travaux de Darius pour
la confection du canal. Nous desirions retrouver ces ruines, dont l’étendue est
considérable, et en rattacher le site à notre topographie de l’Isthme; mais nos
recherches furent infructueuses : nous n’avons donc pu les placer sur notre carte
d’après ces données si peu précises. Enfin , après avoir parcouru les hauteurs
extrêmement arides et sablonneuses, à l’est des vestiges du canal, entre les lacs et
le golfe, nous arrivâmes à Soueys le 7 au soir [29 octobre] (i). Nous employâmes
(1) Nous avions traversé de nombreux camps d’Arabes
de la tribu des grands Terrâbins, à laquelle on vénoit
d’accorder un asile, après sa fuite de Syrie. Le grand-
vizir , qui ne pardonnoit pas à ces Arabes les services
qu’ils avoient rendus aux Français dans leur expédition
, les avoit forcés à cette émigration. Nous jetâmes
souvent, et involontairement, la terreur dans plusieurs
Ê . M .
de ces camps : la fuite précipitée de ces Arabes, et des
soupçons plus fondés sur leurs démarches, nous déterminèrent
à enlever un grand nombre de chameaux
qui nous parurent destinés pour l’ennemi. Ces petits
événemens , qui offroient toujours le spectacle d une
action militaire, s’opposoient à l’étendue de nos recherches
, par la nécessité de ne pas trop nous séparer ;
I