A r t i c l e V .
D e la manière de jouer du Zam r, de sa Tablature, de la Variété et de
l ’Etendue de ses Sons.
Q u o i q u e le zamr soit un instrument de la même espèce que notre hautbois,
on ne réussiroit pas néanmoins si l’on vouloit en jouer de la même manièrei L ’embouchure
et le doigter du zamr sont très-différens de ceux de nos hautbois. Ici
ce ne sont point Jes lèvres qui pressent l’anche cette anche, trop molle et
trop filamenteuse, manquant absolument d’élasticité, céderoit trop facilement
sous la pression des lèvres, et, au lieu de vibrer, se fermeroit entièrement sans
laisser de passage au souffle.
On introduit dans la bouche, non-seulement toute l’anche, mais encore toute
la partie du bocal d (1) qui est au-dessus de la rondelle r (2). On serre avec les
lèvres cette partie du bocal en enflant les joues, qui, pressées par la rondelle, sur
laquelle elles s’appuient fortement, compriment davantage l’air dont elles sont
remplies, lui donnent plus de ressort, et le forcent à s’échapper par l’ouverture
de l’anche que la langue presse légèrement, d’où il passe dans le bocal d (3), qui
le transmet à la partie q (4), que nous avons nommée le col, et de là il s’introduit
dans le corps A ( 5 ) de l’instrument.
On ne parviendroit pas non plus à boucher tous les trous destinés au doigter du
zamr, si 1 on ne se servoit que de la première phalange des doigts, comme nous
le faisons quand nous jouons du hautbois, de la flûte, de la clarinette, ou de
tout autre de nos instrumens à vent qui se doigtent. Les trous du grand zamr
sont tellement éloignés les uns des autres, qu’011 ne peut trop écarter les doigts
pour les atteindre et les bien boucher. Dans cette position, il est impossible de
plier les doigts aux jointures et de les arrondir; il faut nécessairement qu’ifs soient
étendus dans toute leur longueur. '
Ce n’est pas cependant parce que les trous du grand zamr sont trop éloignés
les uns des autres, qu’on est obligé d’écarter et d’étendre ainsi les doigts; mais
c e s t, au contraire, parce que les Égyptiens sont dans l’usage de doigter leurs
instrumens en bouchant les trous avec la seconde phalange des doigts : or
étant forcés pour cela d’étendre leurs doigts dans toute leur longueur, et pouvant
de cette manière les écarter beaucoup les uns des autres (ce qu’il ne seroit pas
possible de faire en doigtant avec la première phalange), ils ont trouvé plus
commode, ou plus agréable à l’oeil, que ces. trous fussent distribués ainsi sur la
longueur du corps du grand zamr; car, quoique les autres zamr et la plupart de
leurs instrumens à vent qui se doigtent, aient leurs trous assez près les uns
des autres pour qu’on puisse les doigter, comme nous faisons les-nôtres, néanmoins
les Égyptiens n’en bouchent les trous qu’avec la seconde phalange. Donc
cette manière de doigter leur est propre, et n’a point été nécessitée par la forme
(1) Planche c c , fig. 1 , 4 , j , 6 . (3) Fig. 1; 4 , ; , 6. fs) Fie- a, 4.
( = ) % ' ■ (4) Fig. 3,4. 3’
de leurs instrumens à vent et par la disposition des trous dont ces instrumens sont
percés.
Pour jouer du zamr, on prend l’instrument de la main droite, en bouchant,
i.° avec la première phalange du poüce, le trou qui est par derrière sur Ja
ligne y ( 1 ) ; a.° avec la seconde phalange de l’index, le premier des sept trous du
devant, à partir du haut de l’instrument; 3.° avec la seconde phalange du grand
doigt, le second de ces trous ; 4.°avec la seconde phalange de l’annulaire, le troisième
troü; puis, avec l’index, le grand doigt, l’annulaire et le petit doigt de la
main gauche, on bouche les quatre autres trous dans le même ordre : mais le dernier
de ces quatre trous ne se bouche qu’avec la première phalange du petit doigt.
Les doigts étant placés ainsi, en débouchant successivement les trous du bas en
haut, et poussant dans l’instrument le souffle avec une force progressive , on peut
lui faire rendre plus de deux octaves de sons, ainsi quon va le voir dans la
tablature suivante du doigter de cet instrument.
Soit que l’on joue du grand, du moyen ou du petit zamr, le doigter est toujours
lemême; les sons seulement sont différens, mais ils se succèdent dans le meme ordre
et dans des rapports semblables : c’est pourquoi, sachant le doigter d un de ces
trois zamr, on connoît celui des autres.
Nous allons présenter ici la tablature et le doigter du goura, et nous lui ferons
correspondre la tablature des autres zamr, parce que c’est sur cet instrument que
nous a été donnée la tablature du zamr par le musicien auquel nous l’avons
demandée. Comme il ne nous faisoit entendre chaque son qu après nous avoir
donné le temps de le noter et d’en marquer le doigter, et qu’après nous en avoir
dit le nom, ce qui étoit convenu entre nous, nous rassemblâmes le plus de moyens
de comparaison possible, afin d’être en état de vérifier par nous-mêmes l’exactitude
des notions qu’on nous donnoit ; et cela nous devint pai- la suite fort utile pour
éclaircir beaucoup de doutes que la réflexion nous faisoit naître en relisant
les réponses qu’on nous avoit faites et que nous avions écrites au fur et à mesure
dans nos entrevues avec les musiciens d Égypte ; car ce qui est clair a demi-
mot pour celui qui sait, souvent ne l’est pas encore, même après une longue
explication, pour celui qui ignore.
(1) Planche CC,Jig.j. Nous avons numéroté les trous par des chiffres; celui-ci a le chiffre 8. Voyez fig. /.*