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D e l 1antiquité du Zouqqarah en Orient; analogie frappante que présentent
entre eux cet instrument et le Nable des anciens.
C ’e s t toujours une très-forte présomption en faveur de l’antiquité d’un instrument
de musique, que de Je trouver en usage dans un pays civilisé de temps immémorial,
où, depuis bien des siècles, on n’invente plus rien, et chez un peuple qui a toujours
eu une aversion naturelle pour toute espèce d’innovations ; et si l’on n’avoit jamais
établi sur de plus légers fondemens les jugemens qu’on a quelquefois portés en
parlant de la musique et des instrumens des anciens, on n’auroit pas vu tant de
savans, opposés entre eux d’opinions sur ce point, s’écarter également de la vérité
par un abus d’érudition qui les égaroit d’autant plus qu’ils avoient moins de con-
noissances positives sur l’art musical.
Nous venons de voir que le zouqqârah est composé d’une outre ou peau de
bouc, sur laquelle, d un côté, il y a un bout de roseau pour l’embouchure, et deux
du côté opposé pour Je doigter : or tout ce que nous apprennent sur la forme
et la composition du nable les auteurs anciens qui en ont parlé, tend à nous
convaincfe que cet instrument étoit absolument de la même espèce que le zouqqarah,
et quil fut connu des la plus haute antiquité; qu’il y fut même en usage, et
particulièrement chez les Hébreux, chez les Grecs et chez les Romains.
Que le nable ait été inventé par les Phéniciens, comme le prétend Sopater ( 1),
ou paries habitarfs de la Cappadoce, comme le pensent Clément d’Alexandrie (2) et
Eusèbe (3); que son nom ait été originairement le même que celui sous lequel les
Hébreux l’ont désigné, ou que ce dernier soit différent du premier, c’est cequ'e
nous ne chercherons point à éclaircir en ce moment ; c’est par sa fonne que nous
devons le reconnoître, encore plus que par son nom. Toutefois il est certain que
le nom de nable n’est point grec, quoique les Grecs l’aient adopté, et que, pour nous
exprimer comme ceux-ci, c’est un nom barbare (4); car ôn sait que les Grecs distin-
guoient ainsi jadis tout ce qui étoit étranger à leur patrie, aussi-bien les choses que les
mots et meme les hommes. Mais il est tres-probabie que les Hébreux, en donnant à
l’instrument dont il s’agit le nom de 1 | | nebel (5), qui fut écrit et prononcé par les
Grecs »¿.Ca* (6) et \dCXas (7), et que nous prononçons en français nable. ne le firent
point au hasard ni sans raison : ou, par ce nom, ils traduisirent dans leur langue
le nom primitif du nable, ou bien ils désignèrent cet instrument par ce qu’il avoit
de plus remarquable ; c’est presque toujours de cette manière que se forment les
(1) Athen.Deipn. lib. IV , cap. x x iii, p. 175; edit.
Lugdun. graze, et lat. 1612.
(5) I Reg- cap. x , v. 5. I Parai; cap. Xv, v. 8;
(2) Clem ent. Alex. in-fol. lib. I, p. 307, ed. Paris,
grsec. et lat. 1611.
Stromat.in-fol.Pa•r(i3s), gEruaesce.b e. t Plarct.e p. evang. 1628.
Iib.x , cap. V I, p. 476, edit. in-fol.(4) C ’est ainsique s’exprime Strabon, Geogr. lib. x ,
p. 471 ; edit. Paris, graec. et lat. in-fol. 1620.
cap. x v i , v, 5 ; cap. XXV, v. 1. II Parai, cap. V, v.' 12 ;
cap. ix , v. 1 1 ; cap. XX, v. 28 ; cap. XXIX, v.25. II Esdr.
cap. XI I , v. 27. Psalm. xX x ill, v. 2; X L i v , v. 5 ; LVjll,
*v. 9; lxxxi, v. 3 ; x c i i , v; 4; c x u , v: 9; c X l i x , v, 3 ;
CL, v. 3. Arnos, c. V. (6) Hesych. et Suid.
{7) A then. Deipn. lib. IV , cap. x x in , p. 175.
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noms. O r , dans 1 un et dans-1 autre cas, le mot nebel, qui en hébreu signifie
une outre dans laquelle on met de 1 eau ou du vin (i), ne nous offre pas moins
un indice de cette affinité que nous présumons exister entre le nable et le zouqqarah
; mais cette affinité n’est plus douteuse, si l’on fait attention à la description
qu’un ancien poëte a faite du nable (z) en disant que c’est un des instrumens mélodieux
de la musique ; qu’il a sur le coté un tuyau de lotus, qui, quoique privé de vie, rend
des sons produits par un souffle animé; qu’il inspire le plaisir, qu’il répand la gaieté
dans les chants de danse, et qu'il excite à la fureur bachique. Cette affinité ne nous
est pas moins'attestée par les vers dans lesquels Ovide (3) recommande aux
amans d’apprendre à jouer du nable des deux mains, ajoutant que cet instrument
inspire la jo ie , et qu’il convient aux tendres ébats : car on touche aussi le zouqqarah
des deux mains, puisqu’il a deux roseaux percés de trous pour le doigter;
et nous l’avons vu accompagner la danse, ce qui étoit aussi le principal emploi
du nable, selon que Sopater nous l’apprend d’une manière positive, et selon ce
qu’Ovide nous fait entendre assez clairement. Les rapports d’affinité qui existent
entre le zouqqarah et le nable, ne peuvent donc plus être douteux, puisque l’un et
1 autre sont également composés d’une peau de bouc.et d’un tuyau qui sert d’embouchure
, puisqu’ils se doigtent l’un comme l’autre des deux mains ; qu’ils doivent
avoir aussi, l’un comme l’autre, par conséquent, deux tuyaux pour le doigter,
cest-à-dire, un pour chaque main; et enfin, puisqu’ils servent tous les deux à
accompagner les chants de la danse.
La seule différence qu’il y ait peut-être eu entre le nable des Hébreux et le
zouqqarah des Egyptiens modernes, c’est que les tuyaux du premier étoient percés
de douze trous, et -que ceux du second n’en ont que huit, dont quatre sur l’un des
deux roseaux, et quatre semblables sur l’autre, qui rendent des sons semblables aux
précédens ; encore il n’est pas certain que l’instrument des Hébreux ait é té , dans
la haute antiquité, percé d’un aussi grand nombre de trous qu’on le croit ; le contraire
paroît même très-probable; ce qui réduit cette différence absolument à
rien.
L ’historien Juif Josephe, en parlant, dans ses Antiquités Judaïques (4), des instrumens
dont Salomon établit l’usage parmi les Lévites', distingue Je nable des autres
especes d instrumens t il dit que la cinyre est montée de dix cordes, et que le nable ,
qui rend douze sons, se touche avec les doigts. De là l’on a conclu que le nable étoit
un instrument monté de douze cordes, ou au moins de dix, et qu’il étoit de la
même espèce que la cinyre. Nous avons été long-temps à pouvoir nous persuader
que des hommes aussi éclairés que ceux qui sont tombés dans cette erreur se
fussent réellement trompés, et nous n’osions pas nous arrêter avec confiance à
notre opinion,, parce qu’elle étoit contraire au jugement qu’ils avoient porté :
cependant, après avoir médité plusieurs fois sur le témoignage des auteurs anciens,
et après avoir mûrement réfléchi sur les raisonnemens auxquels ce témoignage a
(1)I Reg. cap. X, v. 3. Jcrern. cap. XIII, v. 12 et 13. (3) De Arte arnandi, v. 148 et 149.
lib(.2 )IV- >S ocpaapt.e xr,x iini iM, pis.t a17ci5 .servolo, apud Athen. Deipn. (4) Lib. V II, p. 243■