
Le manque d’instrumens leur fait employer, dans les blessures des armes à feu
une pratique singulière, dont l’intention, sinon l'effet, est de suppléer aux pinces
pour retirer les balles qui ne sont qu’engagées dans les chairs : cette pratique consiste
a faire correspondre aux lèvres de la blessure celles d’une incision faite dans
a partie postérieure d’une grenouille, et à réunir le tout par une bonne ligaturées
Arabes prétendent que cet appareil et les mouyemens convulsifa de l’animal
mourant attirent la balle en dehors.
Ils nettoient la plaie avec de l’huile ou du beurre, et ils la brûlent avec du
vert-de-gris pour l’empêcher de se fermer trop tôt. C’est dans les mêmes vues
«t ahn de favoriser la suppuration, qu’ils mettent dans la plaie un petit caillou-
ce qui est 1a meme chose que le cautère qu’on emploie en Europe'.
Les Arabes trament sans cesse après eux la plus grande partie de ce qui fait leurs
richesses et leur approvisionnement. Dans les camps à demeure, ils tiennent leur
paille hachee et leur grain dans de grands creux pratiqués dans la terre. Le voisinage
de puits deau douce, de quelques lambeaux de terre d’un foible produit ou
de lacs sales dont 1 exploitation donne un peu de gain, détermine le choix et l’em-
p acement de ces camps. Les Arabes ont en outre, à quatre ou cinq lieues de la
mere des terres cultivées, des entrepôts fermés d’une enceinte crénelée et plus
avant dans le désert, des dépôts dans le sable, qui ne sont connus, à de’ certains
indices, que de leurs propriétaires.
Les Gcouâiy, pour se garantir du pillage des tribus errantes, sont obligés de
les recevoir dans leurs camps, de nourrir les hommes, et de donner l’orge aux
chevaux. Les Arabes errans ne connoissent aucune espèce de lois. Us avoient été de
tout temps ennemis du dernier Gouvernement, qui ¿toit cependant parvenu dans
quelques circonstances, à les comprimer, II y a quelques mois que les filfas des
*Hennady (ij chant oient:
V iv e le peuple qui a chassé MourSd du Kaire !
V iv e le peuple qui nous laisse voir les villages !
V iv e ie peuple qui nous fait manger des fotayr (2) !
Mais depuis que, par des mesures de vigueur, on a su réprimer leurs brigandages,
ils ont cessé de célébrer notre bienvenue. On doit se défier des Arabes
de meme quon se défie des voleurs et des assassins : ils ne sont point à craindre
comme troupe armée, pour peu qu’on ait du monde à leur opposer, ou à faire
marcher contre eux; d’ailleurs, on a pénétré les déserts où ils se croyoient inaccessibles,
et ces sables arides ne sont plus étrangers aux Français.
Les Arabes sont armés d’une pique (3) dont ils se servent avec adresse, et qu’ils
•(j) Mouçâ-aLou-A’ly est le chef de la principale tribu fa) La Diane est un F>r n w ' ♦ • '
lancent avec dexterite. Us manient également leurs chevaux avec habileté; mais ils
ont une manière bien préjudiciable à la bonté du cheval, celle de les arrêter tout
court sur les jambes de derrière lorsqu’ils galopent : ils en ont d’ailleurs les soins
les plus grands et les mieux entendus. Les Arabes ne se présentent jamais en ligne,
mais toujours en fourrageurs, et en poussant de grands cris, mêlés d’invectives;
leur genre de guerre est celui des troupes légères.
Les chevaux des Aiabes sont tres-vites, et ils les poussent a toute bride. En même
temps, et sans abandonner les rênes qu’ils tiennent de la main gauche, ils mettent
en joue leur ennemi. S ils le tuent, iis le dépouillent, et quelquefois lui coupent
la tete, quils portent en triomphe au bout de leur pique. Lorsqu’ils manquent
leur coup, ils reviennent sur leur ennemi par un demi-à-droite ou un demi-à-
gauche, ou bien ils cherchent à reprendre la supériorité en gagnant le haut du
terrain.
Les Arabes en général ne sont pas bien armés. Leurs armes à feu et leur poudre
sont très-mauvaises; les balles sont mal coulées. La poudre est grainée d’une
manière informe ; le charbon y domine. Ils la portent dans une poire à poudre en
bois, et les balles, séparément, dans un sac de peau. U est rare qu’ils chargent
leurs fusils avec des cartouches.
Les Arabes qui confinent à l’Égypte étoient dans l’usage d’envoyer à Boulaq
des espions déguisés en fellâh, qui examinoient l’espèce et la quantité de troupes
qui sortoient du Kaire pour marcher contre eux. Les espions alloient en rendre
compte. Aussitôt la tribu levoit son camp ; elle envoyoit bien avant dans le désert
les femmes, les enfans, et tout ce qu’elle avoit de plus précieux. Les Arabes mar-
choient pendant quelques jours pour fatiguer leurs ennemis : dans cet intervalle,
les tribus alliées se réunissoient, et alors ils se décidoient à attaquer, ou bien à
recevoir le combat.
Les camps mettent des vedettes en observation sur les hauteurs; celles-ci placent
leur turban au haut de leur lance. Si le camp doit s’avancer, les vedettes marchent
du cote de leurs ennemis, ou de la proie qu’ils se proposent d’enlever; dans le cas
contraire, les vedettes retournent vers le camp.
Du moment où les Arabes craignent d’être attaqués, ils se séparent en plusieurs
petits camps, s éclairent de tres-loin, et tiennent les chameaux attachés près des
tentes, pour être plutôt prêts à fuir.
Lorsque les camps sont aux prises avec d’autres tribus, les filles se montrent à
la vue des combattans; elles jouent du tambourin, et font retentir l’air de chants
propres à exciter le courage : les blessés sont accueillis par les épouses, par les
maîtresses. Les femmes font grand cas de la valeur ; et les tribus, en général, d’un
chef couvert de cicatrices : la valeur, soutien des empires, l’est aussi de ces misérables
hordes de voleurs.
Un combat où il périt vingt à vingt-cinq hommes, est regardé comme une
bataille sanglante, dont l’époque est consignée dans la chronique.
On doit, quand on marche pendant la nuit dans les déserts contre les Arabes,
se défierd une erreur qui feroit soupçonner des camps où il n’y en a pas; c’est celle,