DE L ’A T R O PH I E
DES TESTICULES.
P l u s ie u r s soldats de l’année d’Ëgypte|au retour des campagnes de l’an 7 [ 1 7 9 9 ] ,
se plaignirent de la disparition presque totale des testicules, sans nulle cause dé
maladie vénérienne. Surpris de ce phénomène dont je n’avois pas-vu d’exemple,
je fis des recherches pour reconnoître la cause et la marche de cette singulière
maladie : je vais en présenter les symptômes tels que je les ai observés.
^ Les testicules perdent de leur sensibilité, s’amollissent, diminuent de volume
d’une manière graduée, et paraissent se dessécher. Le plus ordinairement l’altération
commence par l’un des deux.
Le malade ne s aperçoit de cette destruction, qui s’opère insensiblement, qu’autant^
que le testicule est réduit à un très - petit volume : on le trouve rapproché
de 1 anneau, sous la forme et la grandeur d’un haricot blanc. Il est indolent et
d une consistance assez dure ; le cordon spermatique est lui-même aminci, et
participe à l’atrophie.
Lorsque les deux testicules sont atrophiés, l’homme est privé des facultés génératrices,
et il en est averti par l’absence des désirs, des sensations amoureuses,
et par la laxité des parties génitales. En effet, tous les individus qui ont éprouvé
cet accident, n ont eu, depuis, aucun désir de l’acte vénérien, et cette perte influe
sur tous les organes de la vie intérieure. Les extrémités inférieures maigrissent et
chancellent dans la progression, le visage se décolore, la barbe s’éclaircit, l’estomac
perd son énergie, les digestions sont pénibles et laborieuses, et les facultés
intellectuelles, dérangées. Plusieurs militaires, par suite de ces infirmités, ont été
jugés dans le cas de l’invalidité absolue.
J ’attribue principalement cette maladie aux fortes chaleurs du climat Égyptien,
qui, en ramollissant le tissu du testicule, l’ont disposé à la décomposition. Les
parties les plus fluides de cet organe sont entraînées au dehors par la transpiration;
une autre portion est absorbée par le système lymphatique, et rapportée
dans le torrent de la circulation. Le parenchyme des vaisseaux qui résiste à ces
premiers effets, s’affaisse et se rétracte; les tubes s’oblitèrent et se dessèchent ; la
masse totale du testicule perd plus ou moins de son volume et s’atrophie.
A cette principale cause peuvent se joindre les fatigues de la guerre et les
pr iva tions, mais sur-tout l’usage de l’eau-de-vie de d atte s, dans la qu e lle , p ou r en
augmenter la force et la rendre plus agréable au g o û t , les habitans du pays font
entrer les fruits de plusieurs solanum, tels que le pseudo-capsicum et le capsicum,
qui sont des espèces de piment.
. S U R P L U S I E U R S M A L A D I E S , 4 7 9
Peut-être aussi l’expérience ou la tradition a-t-elle appris à ces habitans que
ces substances modifioient la sensibilité nerveuse qui se développe plus facilement
dans les climats chauds, et devient par conséquent susceptible d’une plus grande
mobilité.
La physiologie nous démontre qu’il existe une grande sympathie entre l’estomac
et les testicules; qu’ainsi une irritation portée sur ces derniers organes
détermine fréquemment un mouvement spasmodique sur l’estomac, suivi de douleurs,
d’anxiétés et de vomissemens : de même les affections de ce viscère font
perdre aux testicules leur énergie et leur intégrité ; or il^est possible que les solanum
portent indirectement leur effet stupéfiant sur les testicules. Les anciens
parvenoient à les atrophier par l’application long-temps continuée sur les bourses,
du suc épaissi de ciguë (1).
J ’ai remarqué que le suc de bella-donna paralyse à l’instant même l’organe de
la vue ; je me suis convaincu de ce fait par plusieurs exemples : il faut donc être
très-circonspect, dans les pays chauds, sur l’emploi des solanum, qui m’ont paru
être pernicieux.
Lorsque l’atrophie des testicules est complète, l’art n’offre contre elle aucune
ressource; mais, si elle n’étoit que commençante, on en préviendrait les suites
fâcheuses, à l’aide de quelques bains de vapeurs, des frictions sèches sur l’habitude
du corps, de l’urtication sur les fesses, de remèdes rafraîchissans et stomachiques,
et de bons alimens.
On peut se garantir de cet accident, en évitant l’usage des liqueurs spiritueuses;
sur-tout de l’eau-de-vie de dattes faite par les Égyptiens ; et, sous ce rapport, la
confection de cette liqueur exigerait une surveillance particulière, si l’on pou-
voit être encore dans le cas d’en user. Il faut aussi avoir le soin de porter un
suspensoir assez serré, faire de fréquentes lotions d’eau fraîche et de vinaigre sur
toute l’habitude du corps, et s’abstenir du commerce immodéré des femmes.
( ï ) Voyez Ma rcellus Em pir icu s , experientiâ j j .s ■
É. M.