
fort peu de chose dans les papadike. On y apprend seulement que ces signes'sont
muets ou aphones [sans son], et qu’ils n’appartiennent qu’à la cheironomie. Nous
ne savons si nous nous trompons, mais nous croyons que ces signes indiquent
des repos ou des ralentisscmens du mouvement de la mesure, ou des cadences
finales. Ils sont appelés aphones, parce que sans doute ils n’indiquent aucun son
particulier; et en effet, s’ils en indiquoient un, on ne les placeroit pas, comme on
le fait, au-dessus ou au-dessous des notes du chanta ou bien cela feroit un double
emploi, et l’effet des notes ne seroit plus le même : car il est à remarquer que
parmi ces signes il y en a qu’on met aussi bien sur les notes ascendantes que
sur les notes descendantes, et il y en a d’autres qu’on met tantôt sous les notes
ascendantes, tantôt sous les notes descendantes. Toutefois il est certain que les
unes et les autres de ces notes conservent toujours leur propriété particulière,
comme on le verra par les exemples que nous en donnerons.
Quand on dit que les grands signes n’appartiennent qu’à la chenonomie, il nous
semble que cela signifie qu’ils indiquent le mouvement de la mesure, qui ordinairement
se marque avec la main ; car on ne donne pas non plus une définition
bien claire du mot cheironomie, et il n’est pas même question de grands signes dans
tous les traités de musique Grecque.
Tout ce que nous pouvons conjecturer par l’acception étymologique du mot
cheironomie, c’est que c’est la loi ou la règle de la main, ou donnée, prescrite, indiquée
par la main; par conséquent, c’est, à proprement parler, la mesure, qui , étant
marquée par la main, règle et dirige le chant. C’est probablement là le sens de
ce qu’on lit au commencement d’un des traités de musique Grecque moderne
que nous avons, où il est dit, La cheironomie indique le melos; et ce mot, suivant
nous, ne doit point être pris dans l’acception de mélodie, mais dans celle de
membre, de partie, de division de la mesure. Ce n’est que par cette interprétation
que nous avons pu trouver un sens raisonnable à un autre passage d’un de nos
traités, où on lit que cheir [la main] est 1 ’¡son (i) de {'épaule; ce qui n’est nullement
clair dans notre langue, et ce que nous ne pouvons tenter d’expliquer avec
une entière confiance. Nous savons que l’ison est le nom du signe qui indique
un son de la voix qui reste toujours au même degré, sans monter ni descendre ;
que ce son est le régulateur du chant, le moyen qui a été mis en usage pour
que le chanteur ne puisse s’écarter du ton, soit en montant, soit en descendant,
ou pour lui donner la facilité d’y rentrer s’il en étoit sorti : or il est évident que
c’est par allusion à cette propriété de l'ison, qu’on a dit : La main esc /’ison de
l’épaule. Il est donc vraisemblable qu’on a voulu faire entendre par-là, que, de
même que [’ison est le régulateur du chant, la main étoit aussi la régulatrice du
mouvement, qui, selon toute apparence, et nous ne savons pas pourquoi, est
représenté par f épaule ; à moins qu’il n’y ait encore dans ce mot une allusion
aux mouvemens fréquens et à l’espèce de pantomime qui s’exécutent en cadence
(i) Ce mot se prend quelquefois dans le sens de soutenir le ton delà tonique pendant la durée de leur
régulateur, en langage technique de la musique Grecque chant; et c’est pourquoi l’on appelle ce son bon, mot
moderne, parce que les Grecs ont coutume de faire qui, en grec, signifie égal, qui ne monte ni ne descend.
pendant
pendant le chant, et peut-être qui sont indiqués par ces signes (i). Cependant
il ne faudrait pas croire que la règle de la main ou la cheironomie, e t , par conséquent,
les grands signes qui appartiennent à la cheironomie, ne concernassent
que les mouvemens, les génuflexions et les signes de croix que les Grecs font
fréquemment dans leurs églises pendant l’office, ou qu’ils fussent en quelque sorte
étrangers au chant ; car, si cela étoit, il n’y aurait eu aucune raison pour les
noter avec les signes ou notes du chant. Ce qui donne quelque force à ce
que nous observons ici, c’est que, dans le même traité où il est dit que la main
est /’ison de l ’épaule, on en donne immédiatement pour raison que c’est parce
que la main dirige le chant vers son but : donc ces signes appartiennent au
chant en, même temps qu’à la cheironomie ou à la règle indiquée, prescrite par la
main, c’est-à-dire, à la mesure. Nous ne prévoyons pas quel autre sens plus
vraisemblable on pourrait donner à ces mots.
Au reste, notre maître s’étant encore dispensé de nous donner des éclair-
cissemens sur ce point, et les traités ne nous en apprenant pas davantage, nous
ne pouvons que proposer notre opinion, en disant, comme Horace,
.............................Si quid novisti rectius istis,
Candidus imperti.
Nous allons tâcher de faire connoître tout ce qu’on peut savoir aujourdhui
de la musique Grecque moderne, et peut-être tout ce que 1 on en saura désormais;
car il y a tout fieu de croire que l’usage s’en perd insensiblement , et
qu’il n’est pas facile de l’approfondir actuellement beaucoup plus que nous ne
l’avons fait.
Il ne sera pas peu honorable pour nous, après avoir marche sur les traces de
tant de savans distingués, d’avoir découvert ce qui depuis plus d un siecle s etoit
dérobé à leurs recherches.
Nous commencerons par donner un exposé de la théorie et de la pratique
de l’art, conformément aux traités que nous en avons apportés d Egypte, et
nous y joindrons les éclaircissemens et les observations que l’expérience nous
permet de faire pour en faciliter l’intelligence. Nous offrirons en meme temps
des exemples notés en grec , et traduits en notes Européennes , pour faire
connoître l’usage des signes du chant, des signes de repos, et des grands signes
appelés muets. Ensuite nous présenterons le tableau des huit modes principaux
avec le paradigme des mutations de ces mêmes modes, premièrement en grec,
puis rendus en notes Européennes. Nous terminerons par des exemples de chants
sur chacun des huit modes, et notés aussi des deux manières précédentes, lesquels
chants ont fait partie des leçons que nous avons reçues de Dom Guebrail au
Kaire, et enfin par des chansons en grec vulgaire.
(l) Kircher et Martini ont aussi pensé que ces signes quens que les Grecs font dans leurs églises pendant
de la cheironomie étoient relatifs aux mouvemens fré- l’office.