Lee, auquel cette observation fut applicable, et ne concevant pas comment il étoit
possible de tirer parti de cet instrument, lorsque ce qu’ils prenoient pour une languette,
c’est-à-dire , ce bout de bois qui remplit une partie de l’orifice du tube
par en haut, à l’endroit de l’embouchure ( i ) , étoit recourbé, ont fini par dire
qu’ils ne comprenoient pas trop comment, cette languette étant recourbée, Midas
pouvoit continuer de jouer de sa flûte.
Ce que nous ayons dit dans notre description du souffàrah Égyptien, qui est
aussf une espèce de flûte à bec, doit faire sentir que le morceau de bois rond taillé en
biais d’un côté et un peu évidé de l’autre, dont on remplit l’orifice de l’instrument
pour former l’embouchure ou le bec de la flûte, est trop épais pour pouvoir se
recourber, et que, s’il se trouvoit tant soit peu dérangé, cela rendroit l’instrument
absolument impraticable: mais jamais ce morceau de bois, qui est court et au moins
gros comme le pouce, n’a été désigné en aucune langue sous le nom de languette.
Il n’en est pas de même de la portion de l’ancienne flûte double actuellement connue
en Égypte sous le nom Sarghoul, de cette portion qu’on a détachée par une fente
longitudinale dans l’épaisseur du roseau, laquelle ne tient plus que par un seul endroit
au tube; elle a toujours été désignée en grec, en latin et en fiançais, par le nom de
languette. 11 n’y a pas d’autre espèce de flûte que celle qu’on appelle en arabe arghoul,
a laquelle il y ait une languette. On connoît, en France, cette espèce de flûte en
petit, sous le nom de chalumeau; et ce n’est en effet qu’un chalumeau de paille fendu
longitudinalement par le haut, exactement de même que l’arghoul. C ’est d’un chalumeau
semblable que parle Virgile dans ce vers,
Silvestrem tenui musam meditaris avenâ ;
et dans celui-ci/
Ilie ego, qui quondam gracïli modula tus avenâ.
L ’arghoul ne diffère de ce chalumeau que parce qu’il est fait d’une canne de roseau,
et que les proportions de son étendue sont beaucoup plus grandes. C ’est donc là la
seule espèce d’instrument à laquelle on puisse appliquer l’observation du scholiaste
de Pindare. En effet, en considérant que la languette d’une semblable flûte .est
toujours un peu mince en raison de sa longueur et de sa largeur, et que d’ailleurs,
quand elle se trouve trop épaisse, on la taille en sifflet (2), en dessus, par le bout, on
doit regarder comme une chose tres-vraisemblable que cette partie fléchisse, s’il se
rencontre quelque corps dur qui lui oppose de la résistance, comme lorsqu’en faisant
glisser la main de bas en haut, un des doigts rencontre le bout de cette languette,
ou si, après avoir été mouillée, elle s’est déjetée en séchant : et il est très-probable
que la flûte de Midas s étant recourbée par quelque accident semblable, cela ne l’a
pas empeche de continuer; car, cette languette étant flexible, il n’est pas mal-aisé, en
la serrant davantage avec les levres en jouant, de la maintenir dans la position et
dans la direction qu’elle doit avoir. Seulement c’est, pour le Auteur, une difficulté
de plus à vaincre.
(1) Voyez, pour la description de cette partie, ce que nommée en arabe chabhîbd, ou souffàrah,nous avons dit en parlant de la flûte à bec des Égyptiens, (a) Voyez page oet. planche CC ,J!g. 24.
D e VArghoul, de ses parties et de leur usage.
Il y a trois sortes S arghoul (1) : le grand, appelé en arabe arghoul el-kelyr
J jL y l, c’est-à-dire, le grand arghoul ; le moyen, désigné par le nom S arghoul
el-soghayr ; et le petit, qu’on nomme arghoul el-asghar J jç jl,-
Tous les trois sont composés chacun de deux tuyaux principaux, l’un plus grand A ,
l’autre plus petit B , attachés l’un près de l’autre, et de plusieurs autres bouts de
roseau qui s’ajustent bout à bout les uns aux autres au-dessous des deux tuyaux principaux
A , B. Le grand tuyau A , nous le nommons le grand corps ; le petit tuyâu B ,
nous 1 appelons le petit corps. A u premier bout ajouté âu-dessus de ceux-ci, nous
avons donné le nom Savant-corps ; nous avons désigné par la lettre a celui qui
appartient au grand corps A , et par la lettre b celui qui appartient au petit corps B.
L e bout ajouté au-dessus de ceux-ci, nous l’appelons le bocal C, parce que c’est a ce
bout que sont la fente f et la languette / qui composent l’embouchure. Les autres
bouts ajoutés au-dessous du grand corps A ou au-dessous du petit corps B , nous lés
appelons les rallonges, et nous les numérotons par des chiffres romains.
Le petit corps B est percé de six trous que nous avons numérotés par les chiffres
arabes /, 2 , y , /;, y , <f. Ces trous sont destinés au doigter de l’instrument. Le
petit corps B produit les. sons aigus dont se forme le chant ou l’air qui se joue
sur cet instrument ; il est à la gauche (2) du grand corps A , lequel ne rend qu’un
seul son grave, qui sert de basse ou de bourdon au chant : ce corps-ci n’a d’autre
ouverture que la fente de l’embouchure et le trou de l’extrémité inférieure du canal.
Tous les morceaux de roseau dont se composent ces flûtes, sont garnis, en
plusieurs endroits, de liens formés par plusieurs tours d’une petite ficelle ou d’un
gros fil enduit de cire mêlée avec de la résine. Quelques-uns de ces liens servent
à serrer les tuyaux l’un près de l’autre, et les embrassent tous les deux à-la-fois ;-nous
appellerons ces liens-ci doubles, pour les distinguer des suivans, et nous les#dési-
gnerons par les lettres dd: les autres servent à serrer et à garnir les bouts destinés
a en recevoir d’autres, parce que l’ouverture en ayant été creusée et élargie pour
faciliter l’entrée de ceux qui y sont introduits, et se trouvant par conséquent affoi-
blie, ne résisteroit pas à l’effort que font les autres bouts en y entrant ; nous appellerons
ceux-ci des liens simples, et nous désignerons ces liens par la lettre s. Enfin les
derniers liens sont ceux qui servent encore à cacher les nceuds du roseau, ainsi que
de semblables liens cachent les rfoeuds de la canne de roseau dont est formé le nây.
La seule.différence qu’on peut y remarquer, c’est que ces liens, à l’arghoul, sont
attachés, non dans une hoche faite dans l'épaisseur du bois, mais seulement sur
le roseau. Nous distinguerons encore ces liens-ci des autres en les nommant liens
d’agrément, et nous les désignerons par la lettre n.
( 0 V oyezfig. 2.1, 2 2 -et 2 j . sens de l'instrum ent, lequel sens est bien exprimé dans
■ (2) La figure 21 est gravée à l’inverse du véritable les figures 22 et 23.