supérieurs en nombre, tandis que d'autres fois, au contraire, ils nous attaquoient
avec acharnement, malgré leur infériorité ; c’est que, dans le premier cas, nos soldats
navoient aucun bagage qui pût tenter un ennemi qui ne combat que pour
s enrichir, et que, dans le second, ils cscortoient des convois qui excitoient son
avidité : car il n’en est point des Arabes comme des nations Européennes ; elles
appellent vainqueur le maître du champ de bataille, et chez les Arabes on peut
remporter la victoire en fuyant, pourvu que l’on ait perdu moins de monde que
l’ennemi et fait sur lui quelque butin. Nous nous y sommes souvent trompés:
nous appelions lâche celui qui foyoit devant nous, et on le regardoit peut-être
comme un héros dans son camp.
Comme ils n’ont ni artillerie ni infanterie, la moindre-enceinte les arrête: aussi,
en Egypte, beaucoup de villages, pour se mettre à l’abri de leurs courses, se sont-
ils entoures d un mur crénelé d’une seule brique d’épaisseur, et cela suffit pour
en faire aux yeux des Arabes des forteresses imprenables de vive force; contraints
alors d’en former le blocus, genre d’attaque qui ne convient point à leur impatience,
ils consentent facilement à s’éloigner, moyennant quelques présens.
C’est dans le même but que les paysans de cette contrée élèvent çà et là, au
milieu des champs cultivés, des massifs de terre en forme de tours, surmontés
d’une petite plate-forme avec un parapet : ces malheureux, l’oeil au guet et ne
quittant point leurs armes, cultivent en tremblant la terre qui doit les nourrir.
Aperçoivent-ils des Bédouins ennemis, ils chassent promptement leurs bestiaux
auprès de la tour la plus voisine; ils grimpent dessus, au moyen de petites entailles
creusées dans le revêtement extérieur, et, du sommet, ils protègent leur propriété
en éloignant l’ennemi à coups de fusil.
Dans leurs guerres de tribu à tribu, les Arabes ne font point d’esclaves : ils
renvoient les prisonniers après lesavoir dépouillés ; et s’ils en gardent quelques-uns,
c’est seulement comme otages. Ils n’agissent pas tout-à-fàit de même avec les autres
nations ; ils gardent également peu de prisonniers : mais ceux-ci sont esclaves et
employés aux travaux du ménage, principalement à moudre le grain; et ce genre
d occupation les place plus immédiatement sous l’autorité des femmes de la
tribu: on les distingue des esclaves achetés, qui sont aussi en fort petit nombre.
Ces derniers sont Nègres pour la plupart : achetés fort jeunes, ils sont traités
avec autant de douceur que s’ils appartenoient à la famille par les liens du sang;
devenus grands, ils suivent leurs maîtres à la guerre, et obtiennent souvent, pour
récompense de leur courage, la liberté, et le don des biens nécessaires à leur
nouvel état ; quelquefois même ils partagent la succession de leur patron avec
ses enfàns, et sont souvent, à défaut de ceux-ci, reconnus comme seuls héritiers,
bien que le défunt ait laissé de nombreux parens (i). Devenus membres de la
tribu, ils peuvent parvenir, eux ou leurs descendans, à la dignité de cheykh.
Tout cela ressemble bien plus à l’adoption qu’à l’esclavage. Enfin les Bédouins ne
(i)1 ° . retrouve dans la Bible des usages semblables ; chap. x , y. ¡y ), et cependant il teuoit Abraham regardoit le fils de son serviteur comme son nombreuse, à une famille
seul héritier, avant qu’Agar l'eût rendu père ( Genèse.
forcent point à embrasser l’islamisme les esclaves qu’ils ont faits à la guerre, mais
ils y obligent ceux qu’ils ont achetés.
Ce n’est pas qu’ils soient fort scrupuleux en matière de religion ; ils ne sont
guère Mahométans que de nom, et les autres peuples attachés à ce culte les
regardent presque comme des infidèles. La circoncision est la seule pratique religieuse
respectée parmi eux, et l’on sait qu’elle.y étoit en usage bien avant la
naissance de Mahomet. Les ablutions ordonnées par ce prophète ne peuvent être
faites exactement dans des déserts où l’eau est si rare et si précieuse ; et quoique le
Coran prescrive d’adorer Dieu à cinq heures différentes de la journée, ce n’est
guère qu’au lever et au coucher du soleil que les Arabes font la prière. Peut-
être même y mêlent-ils encore un peu de cette vénération qu’ils ont pour tous
les astres, reste probable de leur ancienne religion, qui fut aussi simple que naturelle;
ils adoroient un Etre suprême, et regardoient comme des médiateurs entre
eux et lui les corps célestes, qui, « sous un ciel si beau et si pur, sembloient leur
■» annoncer la grandeur de Dieu avec plus de magnificence que le reste de la
» nature (i). »
On ne voit point dans les camps Arabes de lieu consacré à la prière; chacun
la fait où il veut, et agit à cet égard comme il l’entend. Il n’y a point de prêtres
ou imans, mais seulement un cadi; et ce docteur-, qui devroit savoir le Coran,
les lois, les commentaires, ne sait pas même lire : le cheykh dit à un Arabe, Tu
es cadi, et il l’est; c’est par politique, et pour complaire à leurs voisins, qu’ils se
sont soumis à cette formalité. Mais ce qui les distingue sur-tout des vrais croyans,
c’est qu’ils n’ont ni haine ni mépris pour les autres religions : il existe même encore,
dit-on, dans l’intérieur de l’Arabie, des tribus Juives, que les Bédouins musulmans
regardent comme leurs frères.
Quelquefois , et préférablement sur les lieux élevés, un Arabe immole un
mouton ou un jeune chameau en invoquant le nom du Seigneur, et distribue
aux pauvres une partie des chairs de la victime (a).
La vénération des Mahométans pour leur barbe est connue ; les esclaves ne
peuvent la porter; et la couper à un homme libre, c’est le déshonorer: aussi
les Bédouins jurent-ils par elle en la prenant avec la main. Quelquefois aussi ils
jurent par leur tête; mais de tous leurs sermens, le plus saint, le plus redouté,
celui qui est réservé pour les cas d’une importance extrême, se prononce en levant
sa robe et saisissant son phallus. Cet usage de jurer par les organes de la génération
remonte à la plus haute antiquité: « Mets la main sur ma cuisse », dit le
vieil Abraham à son serviteur, «et jure d’aller en Mésopotamie prendre une
» femme pour mon fils Isaac. »
Les talismans ont un grand pouvoir sur l’esprit crédule de ces hommes simples;
la plupart portent suspendu au cou ou attaché au bras, au-dessous du coude, un
(1) Voltaire, Essai sur les moeurs. son fils pour l’immoler à Dieu. (Genèse, chap, x x ii.) les( 2A) raLbeess sdaecpruifiisc eles ss tuerm lepss lheasu ptlsu sli ereucxu lséosn; tc u’essitt éssu rc uhneez sLeam bBliabbllee sp.résente encore une foule d’autres exemples
montagne qu’un de leurs plus anciens cheykhs conduisit