la totalité du membre devient douloureuse, les parties lésées s’enflamment ; les
muscles éprouvent des contractions convulsives, accompagnées ou précédées de
crampes vives, et de soubresauts dans les tendons.
L irritation musculaire s’étend rapidement des muscles voisins de la plaie aux
plus éloignés, qui se contractent avec force et se roidissent; ou bien elle se transporte
tout-à-coup aux muscles de la gorge et des mâchoires, où elle se concentre.
Celles-ci se rapprochent graduellement et s’enclavent de manière à ne permettre
que peu ou point d’écartement : la déglutition devient difficile, et bientôt impossible,
par la contraction forcée du pharynx et de l’oesophage.
Lorsque le tétanos est général, tous les muscles sont attaqués en même temps.
Les yeux ont peu de mobilité ; ils s’enfoncent dans les orbites et deviennent Jar-
moyans. La face se colore, la bouche se contourne, et la tête s’incline différemment,
selon 1 espece de tétanos. Lés parois du bas-ventre se rapprochent de la
colonne vertébrale, et agissent sur les viscères de cette cavité, lesquels semblent
se cacher dans les hypocondres, le bassin et les fosses lombaires, où les contractions
repetees des muscles les poursuivent, et exercent sur eux un degré de compression
plus ou moins fort. Les excrétions diminuent et se suppriment, sur-tout
les selles. Les cotes ou s attachent les muscles abdominaux, sont entraînées en bas.
La poitrine est rétrecie, les contractions du diaphragme sont bornées, la respiration
est courte et laborieuse. Le coeur se resserre et se roidit comme tous les
muscles : ses contractions sont fréquentes et imparfaites ; ce qui doit affoiblir la
circulation du sang. Les veines s’engorgent, sur-tout celles de la tête ; elles compriment
le cerveau et en dérangent les fonctions.
Dans le tétanos complet, les membres se roidissent, entrent dans une rectitude
parfaite, et tout le corps devient tellement roide, qu’en le prenant par une de
ses extrémités on peut le lever comme une masse inflexible. Le malade tombe
dans un état d insomnie. Lorsquil s assoupit, il fait des rêves sinistres, il s’agite,
il s'inquiète, il se tourmente, et cherche à sortir de l’état de gêne où le tiennent
la rigidité de ses membres et le défaut de jeu des organes.
Tous ces accidens font des progrès si rapides, que très-souvent, en vingt-quatre
heures, le malade ne peut plus avaler, ou n’avale qu’avec la plus grande peine;
quelquefois il est frappé de délire ; son pouls est petit et accéléré ; un mouvement
de fièvre se manifeste ordinairement le soir, suivi de sueurs partielles et plus
ou moins copieuses. Il maigrit à vue d’oeil et éprouve des douleurs atroces : la
roideur augmente; les muscles se dessinent, la peau se collé sur leur périphérie;
les glandes salivaires expriment un suc écumeux et blanchâtre, qui se présente à
1 ouverture de la bouche et en découle involontairement; la déglutition est interrompue.
C’est alors que cet infortuné connoît le danger où il est; et sans perdre
I usage de ses facultés morales, il finit malheureusement sa carrière, le troisième,
quatrième, cinquième ou septième jour : rarement arrive-t-il au dix-septième.
On peut rapporter la cause immédiate de sa mort à l’engorgement du cerveau,
à la forte compression des viscères du bas-ventre, à la gêne qu’éprouvent les
organes de la respiration, et au resserrement du coeur. Les ouvertures que nous
S U R P L U S I E U R S M A L A D I E S .
avons faites de quelques cadavres des personnes mortes du tétanos, confirment
ce que nous avançons.
Dans l’emprosthotonos, les muscles fléchisseurs l’emportent sur les extenseurs,
de manière à faire porter la tête sur le tronc, le bassin sur le thorax, et le corps
prend alors la forme d’un arc.
Dans l’opisthotonos, au contraire, les muscles extenseurs surmontent la force
des fléchisseurs, la tête se porte en arrière, et la colonne vertébrale se renverse
dans le même sens ; les membres restent ordinairement étendus. Ce genre de
tétanos s’observe plus rarement que l’emprosthotonos. J’ai remarqué aussi qu’il
étoit plus promptement suivi de la mort. II paroît que l’extension forcée des
Vertèbres du cou et le renversement de la tête causent une forte compression sur
la moelle épinière, et produisent la contraction permanente du larynx et du pharynx.
Je vais citer quelques exemples de l’opisthotonos.
Pierre Genet, sergent dans la 4-c demi-brigade d’infanterie légère, âgé de trente
ans, d’un tempérament sec et bilieux, entra à l’hôpital de la ferme d’Ibrâhym-bcy,
le 13 frimaire an 9 [4 décembre 1800], avec tous les symptômes de l’opistho-
tonos : les mâchoires étoient serrées, les muscles de la face dans une contraction
convulsive et permanente, la tête renversée sur le tronc, les extrémités inférieures
roides et étendues, les parois du bas-ventre contractées et rapprochées de la
colonne vertébrale, le pouls petit, la respiration laborieuse, la déglutition et la
parole difficiles.
Le mal, qui s’étoit déclaré vingt-quatre heures avant l’entrée à l’hôpital, parois-
soit avoir pour cause une chute que ce militaire avoit faite sur le nez, cinq jours
auparavant : elle avoit été suivie d’une courte hémorragie nasale et d’une légère
écorchure sur cette partie ; mais il ne s’étoit manifesté ni fracture ni aucun signe
de commotion au cerveau.
On administra de suite les opiacées, les boissons rafraîchissantes et anodines,
les bains tièdes, et les émolliens appliqués sur le nez. Ces moyens répétés n’ayant
produit aucun effet, j’invitai l’officier de santé chargé du soin particulier du malade
à appliquer le cautère actuel sur le trajet du petit sympathique et à la plante
des pieds, d’après l’aphorisme d’Hippocrate, section 8, Qjiæfernim non sanat, ea
ignis sanat, ifc. Je lui posai neuf cautères assez larges et incandescens. Leur application
augmenta instantanément les douleurs et les contractions convulsives des
muscles. Celles du larynx, du pharynx et des parois de la bouche, furent violentes
et faillirent faire suffoquer le malade ; néanmoins cette crise fut suivie d’un calme
assez grand pour nous faire espérer quelque succès de l’emploi de ce moyen : mais,
deux ou trois heures après, il se déclara des mouvemens convulsifs, des contractions
violentes, des sueurs froides et gluantes; enfin la mort termina les tourmens
de cet infortuné, la nuit du 19 au 20 du même mois, le septième jour de l’invasion
du tétanos et le treizième de la chute.
Quelques momens avant la mort, la tête étoit fortement renversée, la colonne
vertébrale courbée en arrière, les extrémités inférieures roides et étendues, les
supérieures à demi fléchies et Contractées. II sortoit de sa bouche une salive épaisse