
» ce ton Dorien (i).Deson esprit (2) a été formé l’hypodorien (3), qui est le fils du
» premier. Le Lydien (4), ou le second, est venu de la Lydie : on appelle la Lydie
» la contrée de Neokasiron, comme aujourd’hui encore on la nomme le camp de
» Lydie. De celui-ci dérive l’hypolydien (y), qui est son plagal. Le Phrygien (6),
» c’est-à-dire, le troisième, a été inventé en Phrygie : la Phrygie est la contrée de
» Laodicée, et c’est pour cela qu’il a été appelé Phrygien. De celui-ci a été formé
» l’hypophrygien [J), ou le plagal du troisième, cest-à-dire, le grave. Le Milésien (8)
» est venu de Milet. De celui-ci s’est formé l’hypomilésien (9) ; car c’est dans ces
(1) Variante d'un autre traité. « II faut savoir que le
»premier ton a été nommé le premier, parce qu’il com-
» mence et qu’il est le chef des autres tons. On lui a
»donné le nom de Dorien, parce qu’il vient des Do-
» riens, et qu’il a été enseigné par eux; enfin, parce
»que les Poriens passent pour avoir une manière .d’agir
» simple. Ce ton est célébré ainsi :
Mouîîjxûu Ace» ctfy&Y 7v y y L ïu r ,
Tlpto-niç 7t Slo iv to y ifx iv •mç Aojp/f.
M. Achaintre a traduit de cette manière ces vers en
latin:
Musici f apuli cùm sis princeps, 6 prime,
Ideò te primis laudamus verhis.
(2) On appelle esprit d’un ton, dans la musique Grecque
moderne, les sons harmoniques de ce même ton, c’est-
à-dire , la tierce et la quinte, soit en dessus, soit en dessous.
Ici il s’agit de la quinte en dessous.
(3) Variante. « De c-elui-ci a été formé son fils et son
» plagal; on le célèbre ainsi:
Qpwtadbç t ir ju xdf tpiXoix/iippay etytr,
Ÿc tM e if 1a itoMet Kffx w p iv iiç ivpvÜptceç.
A d luctuin etsi et misericordiam vehementer pronus,
Cantas multa et tripudias numerosi.
Trad. de M. Achaintre.
(4) Variante. « Le second ton est Lydien sifon lé
» nomme ainsi] parce qu’il est venu de Lydie. La Lydie
»est la contrée d’Ephèsc, et la patrie de S. Jean le
» théologien. Ce ton est célébré de cette manière :
ITocroj' /MXjygor tgj. yKvnvçopur /xtM Ç'
Clm. metnet xapSiac tu d jiSiw.
Quàm mellifiuum et delicatum melos !
Est q u o i replet corda deorsum clamant.
Trad. de M. Achaintre.
(5) Variante. « De ce ton a été engendré son fils î’hy-
» polydien, son plagal; on le célèbre ainsi :
T c t f 11 dbrctç o è Jt7iKotrvrDtrovç fip t t ç ,
T i f JlvTlÇtpj TTZùÇ JïoTtptvCüV J ïv iip o ç .
Affers voluptatcs duplo compositas,
Cùm sis veluti secundi secundus secundo órdine.
Trad. de M. Achaintre.
(6) Variante. « Le troisième s’appelle Phrygien ; car
» c’est de la Phrygie qu’il est venu. La Phrygie enfin est
» la contrée de Laodicée. On célèbre ce ton de cette
» manière:
TtfV KeLreippftY vmpvü/Mvç, ù a ç m ,
A AH^if ‘jq ym iKtlç ipputrpttvoç.
Incipiens numéros inferiores, tu q u i es ter tins,
Procedis vere congruente accommodatus.
Trad. de Mi Achaintre.
(7) Variante. « Pas conséquent, du ton Phrygien s’est
» formé son fils l’hypophrygien et son plagal, qui, à cause
»du caractère mâle et de la force de sa mélodie, a été
»appelé grave. On le célèbre ainsi:
AvdpaJ'iÇ tttrjMt, J iu n q p f t fm , (ip iJ J.a çy
M« mnuKOûâ'uç Tiff àntâç i%tç QÎmç.
Cantum virilem sonas, à seconde post tertium :
Non cantum variare peritus, simplices haies amicos.
Trad. de M. Achaintre.
(8) Variante.« Le quatrième s’appelle Milésien; il
»console les affligés. On le célèbre ainsi":
A v tÙç %cptvidç Afyvjtéyoç nhcbr%/ç,
$ct<YÙç ft& iÇ iu u r xaf xpomY cy kvjcCcîLoiç.
Dextram porrigens ipsos sultan tes formas,
- Moderans voces, et verlerans in çymtala.
Trad. de M. Achaintre,
Nous avons de la peine à croire que le mot Milésien
ne soit pas une corruption de celui de Mixolydien qui
a toujours été le nom de ce ton. Au lieu de Mixolydien,
-on aura pu prononcer d’abord., par syncope, M ¡lydien ;
et comme les Grecs modernes adoucissent beaucoup
la prononciation de leur d, on aura dit sans doute Mi-
lysien : de là le ton Milésien et son origine supposée de
Milet. Ce qu’il y a de certain, c’est que sur la rose de
compas sur laquelle sont distribués systématiquement les
huit tons du chant Grec, on ne lit point Milésien, mais
Mixolydien ; et cette figure systématique, copiée sans
doute d’après les anciens traités, n’étant pas autant susceptible
d’être altérée que le texte, et présentant les
tons avec les mêmes noms que leur donnoient les anciens
Grecs, diminue beaucoup notre confiance dans ce
que nous apprend l’auteur de ce traité de chant.
(9) Variante• « De ce mode Milésien, du quatrième,
»dis-je, a été engendré .son fils l’hypomilésien, qui est
»aussi son plagal. Voici comment on le célèbre:
A vipcCpvYetç m tm x p i n ç rmv dtrptetmv,
Ey&Y xopcoYtç, ù ç vm p y o Y f xetj t i\o ç .
Ballutis cum fremitu dulci cantuum :
Cornus halens initium atque rei finem.
Trad. de M. Achaintre.
ANNOT. Coronis. Littéral!ratione, coronis habens,uti
initium, ita quoque finem.Coronis autemnota est qaee in
calce libri appingi sole bat, unci figura , ad significandum
finem ; banc Martialis appellat coronidem. Eadem nota ini-
lio libri appingebatur aliquando. Item coronis, fastigium
et apex in re aligna, idem quod xopufti ; unde Luciano
et Plutarcho xepui/Jit ¿mv^iretf, fiàstigiinn et finem impo-
» divers lieux qu’a été inventée la mélodie des tons. De même que les Doriens décou-
» vrirent la mélodie du premier ton, les Lydiens celle du second ton, les Phrygiens
» celle du troisième ton ; de même aussi les Milésiens inventèrent celle du qua-
» trième ton. Dans la suite.Ptolémée, roi et musicien, après avoir recueilli toès
» les faits, donna aux tons les noms des lieux où ils avoient été inventés (1).
.Q u e s t i o n . » Combien y a-t-il de tons!
R é p o n s e . » Il y a quatre tons principaux, quatre fia gaux, et deux moyens (2)
» ou dérivés, nenanô et nana, que l’on chante particulièrement dans l’église (3).
Q. » Combien de tons chante-t-on dans l’église (4), qu’est-ce qu’on nomme
» hagiopolites (5), et qu’est-ce que le ton!
R. » Il y a huit tons qui se chantent [c’est-à-dire, dans l’église]. L’hagiopolites
» est ainsi nommé à cause du soin particulier qu’on y a des saints martyrs et des
» autres saints. Les Saints-Pères poètes (6), S. Jean Damascène et les autres saints
» chantoient dans l’hagiopolites où ils habitent» [c’est-à-dire, où ils reposent, ou ils
sont enterrés, ou bien où sont leurs reliques] (7).
(1) 11 n’est pas inutile d’observer que le traité que sition d u chant, p o é sie . Or il est évident que ces mots poème
nous traduisons ici a été écrit en 1695 , par Emmanuel etpoesie ne sont pas pris ici dans le sens que nous leur don-
Kalos, et qu’à cette époque, aussi-bien qu’aujourd’hui, il nons ordinairement, mais dans celui d’ouvrage composé,
y avoit très-peu de Grecs qui se doutassent que leurs an- de composition, comme venant du verbe <eroito>, poieo ,
cêires, bien des siècles avant l’existence des premiers rois qui signifie faire, composer, Ù'c. Par conséquent, le mot
Ptolêmées, connoissoient déjà ces tons par les noms qu’on poètes ici signifierait les auteurs, les inventeurs du chant;
leur donne ici, excepté toutefois celui auquel on a et cest pourquoi S. Jean Damascene a ete mis a la tete
donné le nom de Milésien. D’ailleurs, au temps du roi de ceux-ci, comme étant l’inventeur de la musique
Ptolémée musicien, et celui-ci 11e peut être que Ptolémée- Grecque moderne.
Auletes, qui existoit plus de soixante ans avant J .C ., on (7) Ceci confirme, a ce qu’il nous semble, le sens
étoit encore bien éloigné de penser à la musique Grecque que nous avons donne au mot hagiopolites, en le ren-
moderne, puisqu’elle n’a été inventée que dans le huitième dant par celui d'église. On sait que les églises (nous ne
siècle; mais c’est une vanité presque naturelle à tous les parlons que du lieu, et non de la communion des fidèles)
hommes, de chercher une origine ancienne à tout ce qui étoient, dans les premiers temps du christianisme, des
leur appartient, croyant par-là en’ rehausser le mérite, lieux destinés à conserver les restes qu’on avoit pu re-
Les Grecs modernes, en reculant ainsi l’époque de Pin- cueillir des corps des martyrs îtpr,ès Ieur supplice, et
vention de leur musique, ne se doutoient pas probable-- que c’étoit là que les premiers Chrétiens se rassembloient
ment qu’ils reculoient de près de neuf cents ans l’exis- ordinairement pour prier; qu’ensuite ces mêmes lieux
tence de l’inventeur de leur musique, S. Jean Damascène, furent spécialement consacrés aux prières et aux céré-
et qu’ils la supposoient antérieure de plus d’un siècle à monies du culte; qu’on leur donna le nom du saint le plus
rétablissement du christianisme. vénéré dans l’endroit par ses miracles ou parses bienfaits;
(2) Nous traduisons ainsi le mot imyypjtt’m qui ne se et voilà pourquoi les églises sont appelées par notre au-
trouve point dans les lexiques, et qui probablement ap- teur, hagiopolites, cités saintes.
panient au grec moderne. Nous faisons dériver ce mot M. Achaintre, se fondant sur le témoignage de M.
du verbe im%vco,)e verse dedans, je répands sur, parce que Georgiades, Grec, pense que Y hagiopolites signifie un re-
les epichumata sont en effet des modes qui participent cueil d’hymnes en l’honneur des martyrs, à peu près dans
des premiers et des plagaux, et qu’ils en sont formés. le genre du commun ’des martyrs. Mais cette remarque
On verra dans la suite que cette interprétation est fondée, n’est pas assurément de quelquun qui a une idée bien
(3) 11 y à dans le texte, éiç w dyomRimY) littéralement, claire de ce que nous nommons le commun des martyrs ;
dans la cité sainte : nous avons substitué à ces mots ceux- car il saurait que ce n’est pas plus un recueil d hymnes
ci, dans l'église, parce que nous pensons que c’est la pensée que le commun des apôtres, que celui des confesseurs,
de l’auteur, qui distingue ici les tons de l’église d’avec ceux que celui des vierges, &c. D’ailleurs pourquoi les huit
des chants profanes, comme on le verra plus clairement tons "seraient-ils exclusivement réservés aux hymnes des
plus loin. martyrs ! Quels seraient les tons destinés aux autres
(4) Il y a encore ic i, «VtÎy ¿ytomxmY. chants*. Pourquoi n’en seroit-ïl pas parlé! Le fait est,
(5) Nous avons laissé ici le mot hagiopolites,à cause au contraire, que la plupart des chants d’église des Grecs
de l’explication qui va suivre. ne sont pas des hymnes, mais d’autres chants de l’espece
(6) Si nous eussions suivi notre opinion, aû lieu de de nos répons, de nos antiennes, de nos graduels, «Scc.
poètes, nous aurions dit auteurs du chant, parce que, et il s’en faut de beaucoup que ces chants soient excludans
ce traité, on appelle le chant un poème/ la compo- sivement composés en l’honneur des martyrs. Ainsi les