
terres qui leur appartiennent entièrement, et ne sont chargées d’aucune autre
imposition que Je myry. Ces terres, qui constituent Je bien propre des moultezim
sont appelées ard el-ousyeh (i), ou terres seigneuriales. C ette espèce de propriété
n existe pas dans ia haute Égypte, au-dessus de Minyeh (2);.mais on peut dire,
en général, que , dans la basse Égypte, les terres d’ousyeh sont à-peu-près la
dixième partie des terres de fellâh.
Les T urks, sans vouloir se donner la peine de remonter à l’origine de leur
système de propriété, ont cherché à l’expliquer de la manière la plus simple.
Plusieurs pensent que les moultezim sont les fermiers du grand - seigneur, que le
prix du bail est le myry, et que leur profit est composé, 1.° du fayz, et 2 ° du
revenu entier des terres d’ousyeh : par-là ils expliquent aussi la nécessité de payer au
grand-seigneur un droit de succession. Mais cette version n’est pas la vraie : voici
ce qui résulte de l’examen des registres des Q obtes, ce que les cheykhs instruits
savent aussi, et qui servira de résumé à tout ce que je viens de dire.
Le droit appelé mâl el-hour est réparti sur la totalité des terres d’un village :
es fellâh ont entre les mains une partie de ces terres, et payent au moultezim du
village le mal el-hour de leur portion ; l’autre partie est affermée ou cultivée par le
moultezim lui-même, et tout le produit lui en appartient : c’est sur la somme de ces
deux branches de revenus qu’il paye le myry imposé sur son village par le grand-
seigneur. Q uant au barrâny, c’est un impôt moderne ajouté par les moultezim.
Les propriétaires formant la troisième sorte que j’ai distinguée, sont les pos- '
sesseurs d ouaejf et les mosquées.
Toutes les propriétés des mosquées leur ont été données à diverses époques;
la plupart de ces dons ont été faits long-temps avant la conquête de Selym '
et des les premiers temps de l’établissement de l’islamisme en Égypte. Lorsqu’on
institua Je myry, les terres des mosquées n’y furent point assujetties, et restèrent
parfaitement libres, comme elles 1 etoient auparavant, et comme elles le sont
encore aujourd’hui.
Les fondations pieuses portent en arabe le nom général Souaqf, qui signifie ce
qui don être laissé, ce qui doit rester à perpétuité. Les donations de terres ont un
nom particulier, celui de riZqah (3) ou de miséricorde. Celles-ci ne peuvent
se faire avant d’en avoir reçu l’autorisation du pâchâ; autorisation qui est rarement
refosee, parce que ces donations, et généralement tous les ouaqf ont toujours
des motifs pieux ou charitables. Les uns sont en faveur des deux villes saintes
des hôpitaux, des collèges, &c. ; d’autres, pour faire réciter des prières sur les tombeaux
a certains jours de la semaine; d’autres sont en faveur de certains esclaves
ou de certaines familles, même de la famille du fondateur de l’ouaqf.
C est sur-tout pour soustraire les propriétés aux usurpations des Mamlouks que
cette dernière sorte d’ouaqf a été mise en usage. Un propriétaire qui veut assurer
a ses successeurs une partie de son bien, en forme un ouaqf en leur faveur;
par-la ils ont encore un autre avantage, celui de ne pas payer au grand-seigneur
(0 • (2) (3) m s
le droit de succession. O n pourroit s’étonner, d’après cela,, de ce que les propriétaires
ne forment pas des ouaqf de leurs possessions ; mais voici ce qui les
en empêche. Les ouaqf ne pouvant être vendus, ils s’ôteroient par-là, ainsi qu’à
leurs successeurs, la faculté de pouvoir jamais vendre leurs biens, dans le cas où
cela leur deviendroit nécessaire; d’ailleurs il est probable que le Gouvernement,
qui permet quelques ouaqf, ne voudrait pas que l’on transformât ainsi toutes les
propriétés. Aussi les moultezim qui veulent faire de ces espèces de donations,
ont-ils le soin, afin que la permission leur en soit accordée, d’en assigner quelques
parties à des établissemens pieux, et d’offrir le surplus à la religion après l’extinction
de leurs races.
Le plus communément, lorsqu’un moultezim forme un rizqah, il prend les terres
qu’il y affecte sur ses terres d’ousyeh, et rarement sur celles des fellâh qui lui
payent tribut : mais, dans l’un ou l’autre cas, il renonce à toutes les taxes qu’il y
prélevoit, et les dégage aussi de l’impôt du myry, en se chargeant de prendre ce
qu’elles en payoient sur les revenus qui lui restent. Il arrive cependant, mais fort
rarem ent, que si le moultezim- donne à une mosquée une grande partie de son
bien, ou-un village en entier, alors la mosquée devient moultezim et se trouve
chargée de payer le myry imposé sur les terres de ce village. Voilà le seul cas où les
terres des mosquées soient grevées de cet impôt dû au grand-seigneur. O n peut
donc dire en général que les biens territoriaux des mosquées et des autres fondations
pieuses sont libres de toute espèce de taxe. Plusieurs propriétaires de ces
fondations , afin d’être protégés par le pâchâ dans le recouvrement de leurs
revenus, lui payent un léger droit, appelé mâl hemâyeh (1), ou droit de protection.
Les mosquées ni les autres propriétaires d’ouaqf ne peuvent les vendre, ainsi que
je l’ai dit ; mais ils peuvent en faire une sorte de cession, appelée el-meddeh el-
taouyleh (2), c’est-à-dire , pour un long espace de temps : elle dure en effet quatre-
vingt-dix ans. Les propriétaires reçoivent, pour cette vente tem poraire, une
certaine somme une fois payée, et un petit droit annuel, appelé egr (3), qui sert,
en quelque sorte, à leur conserver le souvenir de leurs possessions. Si, après les
quatre-vingt-dix ans écoulés, la terre ou la maison ainsi vendue est dans le même
état quauparavant, le propriétaire a le droit de la reprendre; mais, si la terre a
ete plantée d arbres, ou si l’on a fait des embellissemens à la m aison, le bien
reste à celui qui a fait les améliorations, pourvu toutefois qu’il continue de payer
le droit annuel au premier possesseur. S’il s’élève entre eux quelques contestations,
elles sont jugées par le qâdy (4).
Les mosquees ne peuvent disposer du produit d’une pareille vente que pour
racheter d autres biens ; encore cette espèce d’aliénation n’est-elle tolérée que pour
les propriétés qui sont en mauvais état. Cependant on convient que plusieurs
propriétaires d ouaqf vendent souvent de fa sorte des biens qui sont en pleine
valeur, et que ces ventes n’ont été imaginées que pour éviter la loi ; car elles ne
(1) «¿If J L .
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(2) «JjjJJî o lî. (3) (4)
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