Le iàyz est la portion du mal el-hour attribuée par le sultan aux mouhefym;
il n’est pas invariable et rigoureusement, exigible chaque année, comme le myry
et le kouchoufÿe'h. Les mouliéiim n’y ont aucun droit avant de s’être libérés
envers le sultan et les gouverneurs des provinces ; e t, comme en principe les
terres non arrosées ne devroient pas payer d’impôt, il s’ensuit qu’il est susceptible
d’augmentation ou de diminution, suivant le plus ou moins d’étendue des terres
arrosées qui acquittent le mal el-hour.
Les augmentations du fâyz ont reçu la dénomination d’ancien et de nouveau
barrâny, moudâf qadym, moudâf mestegedd: aucun titre formel n’indique leur établissement.
Les moulrefm ont converti en droits rigoureusement exigibles, des présens
et des rétributions payés par les fellâh pour un service accidentel ou d’après un
usage.
La perception de l’ancien barrâny remonte à une époque très-reculée ; elle est
regardée aujourd’hui comme aussi régulière que celle du mâl cl-hour primitif.
Le nouveau barrâny s’est introduit sous les beys Mamlouks, à la faveur des
mêmes prétextes qui avoient été employés pour lever l’ancien.
Aujourd’hui tous les droits formant l’ancien et le nouveau barrâny s’acquittent
en argent. Cet abonnement n’empêche pas que leur objet primitif ne soit encore
énoncé dans le rôle des impositions du village. On ne trouve pas le même détail
dans les diverses branches du nouveau kouchoufyeh, parce que, le Gouvernement
ayant obligé les mouhefim, déjà grevés du paiement de l’ancien, à payer aux
commandans des provinces le rafa’el-mazâlem, le ferdeh el-tahryr et le nouveau
koulfeh, cette perception a pour titre une autorité que le village ne sauroit mé-
connoître : au contraire, les barrâny n’étant pas exigibles des fellâh en vertu
d’un titre précis, il est nécessaire que le moultezim perpétue le souvenir de l’usage
qui fonde les redevances dont ils sont composés.
L’administration particulière d’un village donnoit lieu à des frais de perception
ayant pour objet les dépenses locales et le salaire des officiers institués par le sultan
dans chaque commune : ils n’entrent pas dans les états que nous avons fournis,
parce que le collecteur, les appliquant directement à leur destination, en déduit
le montant des versemens qu’il fait au moultezim.
Nous produirons un rôle littéral des impositions levées sur un village, tel qu’il
étoit dressé par cet agent ; l’ordre du travail exige qu’il soit placé dans l’article où
nous parlerons des perceptions. Il expliquera, de la manière la plus claire, tout ce
qui vient d’être dit touchant l’objet et la répartition de l’impôt sur les terres.
§. II.
De l’Administration des Villages.
L e moultezim chargé de-la police et de l’administration du village a sous ses
ordres un qâymmaqâm qui le représente, et des officiers dont il fait choix. Leur
existence et leurs fonctions sont déterminées par les réglemens (lu sultan.
Ces officiers sont, les cheykhs, le châhed, leserrâf, le khaouly , le mechhed,
les khafyr, l’oukyl, le kallâf.
Le châhed et le khaouly doivent être pris parmi les habitans du village.
Le cheykh a l’inspection et la surveillance des terres et des paysans : il est
chargé de veiller à ce que Jes intérêts du moultezim ne souffrent pas de leur inconduite
ou de leur négligence, et tenu de payer pour les contribuables s’il n’a pas
averti le seigneur de leur fuite ou de leurs torts. Les ordres du moultezim ne
parviennent aux fellâh que par son entremise. Il transmet à ce dernier leurs
demandes et leurs réclamations. Le moultezim établit quelquefois plusieurs cheykhs
dans les terres de sa dépendance : le premier d’entre eux, distingué par le titre de
cheykh des cheykhs, remplit à l’égard de ses collègues le ministère qu’ils exercent
envers leurs fellâh. Quand le moultezim est absent et qu’il n’a point de qâymmaqâm
dans son village, il est représenté par ce premier cheykh. Les cultivateurs distingués
par leur aisance et leur dextérité sont ordinairement choisis pour remplir ces places:
il arrive souvent qu’elles passent du père au fils ; ce qui fait que les enfàns d’un cheykh
croient avoir des droits à hériter de son titre.
Le châhed tient le registre qui indique la nature et l’étendue de tous les fonds qui
composent le territoire du village : les noms et les propriétés de chacun de ses habitans
y sont inscrits, de même que les mutations qui surviennent. On lui donne l’épithète
de a’del ou juste, pour caractériser la probité qui doit présider à ses fonctions.
Le serrâf reçoit les contributions conformément à la répartition établie d’après
le registre du châhed, reconnoît le poids et la qualité des espèces, et remet la
perception au moultezim, en en retirant une décharge : il étoit autrefois à la solde
du châhed.
Le khaouly ou l’arpenteur est obligé de connoître avec une grande précision
les limites du village, et celles qui séparent les terres de chaque propriétaire : il
décide toutes les contestations qui s’élèvent à ce sujet, et dirige les travaux et les
semences de l’ousyeh. Ces domaines se cultivent de gré à gré, comme les terres
des fellâh, qui occupent des journaliers : la seule prérogative qu’ait le moultezim,
se réduit à un droit de préférence qui empêche ses vassaux d’employer des travailleurs
à leurs terres avant que celles de l’ousyeh aient été cultivées.
Le mechhed est l’exécuteur des ordres du moultezim, quand il veut sévir
contre les paysans en faute ou en retard. Les cheykhs et les autres officiers du
village n’ont pas le droit d’agir par eux-mêmes contre les délinquans ; mais ils réclament
le ministère du mechhed, et sont tenus de lui prêter main-forte lorsqu’il
en a besoin. Il est chargé, en outre, de notifier au village les ordres du moultezim.
Les khafyr sont des gardiens en plus ou moins grand nombre dans chaque
village, chargés d’empêcher les vols et les autres désordres qui se commettent
dans les campagnes, et de donner l’alarme en cas de l’approche des Arabes. Ils
veillent particulièrement sur la maison de l’ousyeh, qui appartient au moultezim,
et qui sert de dépôt aux récoltes. La garde des digues, le soin d’empêcher que les
fellâh ne viennent les percer à des époques et à des heures où ces opérations
sont interdites, entrent également dans leurs attributions.